"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
" Avant l'arrivée des Blancs et de leurs prêtres, les choses se passaient ainsi : quand un homme entrait en agonie, on installait sa couche juste au bord du village, en aménageant, dans la clôture d'épineux qui le protégeait, une sorte de porte.
Quand l'homme mourait, on le déshabillait, on éteignait le feu, on refermait la clôture d'épineux derrière la chambre mortuaire ; ouverte sur la savane, elle exposait alors la dépouille à tous les prédateurs, même à ceux qui ne se seraient jamais attaqués à un homme affaibli. Les guépards, les hyènes, enfin les vautours et les insectes évidemment faisaient leur office. " En feuilletant un guide touristique, Pierre apprend que le mot safari signifie voyage.
C'est ainsi que les choses commencent. L'action de ce roman se passe au Kenya, c'est-à-dire partout.
Visionnaire et troublant, il questionne la perte d’identité dans un monde hyper-contrôlé.
J'ai bien aimé cette histoire de voyage en Afrique et de rencontres d'un fils sur les traces d'un père éloigné et méconnu.
Le décès du père et son enterrement vont être l'occasion pour le fils de sortir de son cadre habituel et de découvrir un pays différent.
On suit Pierre avec curiosité, le long de son périple africain, à la recherche de ce père si peu connu. Et l'on rencontre les deux visages de l'Afrique, celui des colonisateurs et celui des populations asservies. S'y mêlent les voix des esprits, tous ces Kénians morts, qui disent la souffrance de leur peuple. Un roman généreux, une écriture poétique.
Pour ma part, j’ai décidé de voter (les jurés ont une voix comme tous les autres internautes de la communauté - retour dans le rang !) pour Nous autres.
1- J’ai beaucoup aimé ce roman, dense, fondé, navigant avec élégance entre émotion et légèreté, porté par la puissance et la poésie d’une écriture ample qui embrasse une vision universelle du monde.
2- Nous autres est un des rares livres-monde de la liste de départ et chacun ressent l’urgence d’une littérature « aventureuse, voyageuse, ouverte aux vents du monde, soucieuse de le dire », comme le précise le manifeste pour une littérature-monde signé en 2007 par 45 parmi les plus grands écrivains français.
3- Stéphane Audeguy est un auteur dont la reconnaissance est « entre deux ». Ses deux premiers romans (La théorie des Nuages et Fils unique, à la NRF) lui ont valu les honneurs de la critique. La récompense d’un prix le pousserait vers un public plus large qui découvrirait un auteur de talent au levant de sa carrière littéraire.
4- Le génie ironique d’une phrase ne trompe pas : « autour d’elle [la carcasse], rangés par cercle, les hyènes, les vautours et les touristes,… ». Superbe métaphore du pillage que les hommes imposent à d’autres hommes, notamment les consommateurs de tourisme en boîte « aux yeux ronds de poulets de batterie… ».
il y a de la musique dans ce livre pour peu qu'on ait l'oreille...
Oserais-je avouer que j'avais peur en ouvrant ce livre : peur parce que je n'avais pas aimé La théorie des nuages du même S. Audeguy, peur parce que le sujet ne me tentait pas et que je sentais un certain élitisme de mauvais aloi ? Que nenni ! Je suis entré dans ce livre pour ne plus en sortir (sauf à la fin, bien sûr !). Quel style ! Le chapitre 0 est à mon sens le plus beau dans l'écriture alors qu'il raconte ce que Pierre vit de pire dans ce pays : un safari. Il émane des ces lignes une poésie qui incite à continuer sa lecture. La suite, si elle est moins poétique, témoigne de la beauté de l'écriture de Stéphane Audeguy. De belles phrases, souvent longues. Pas toujours de verbes. L'histoire n'est pas en reste et pour qui n'aime pas particulièrement le Kenya, rien de rebutant, bien au contraire : on apprend énormément de choses sur ce pays sans avoir la sensation d'assister à un cours d'histoire. L'idée d'utiliser les voix des morts de la Terre est lumineuse et prolonge la poésie du livre.
Le rythme est lent volontairement, s'adapte au climat du pays et nous permet d'y voyager en douceur. Rien à voir avec la soi-disante indolence africaine, concept qui n'a court que dans l'hémisphère nord, parce si nous, nous parcourons le Kenya au rythme des longues phrases de l'auteur, les Kenyans eux vivent vite, conduisent vite sur leurs routes cabossées et courent vite, notamment Anyango, championne de marathon, comme d'autres des ses compatriotes. Quant à cet élitisme évoqué plus haut, j'admets que ce livre n'est sûrement pas le plus facile que j'aie lu, mais il est largement lisible par le plus grand nombre.
On devrait peut-être se méfier des romanciers qui savent de quoi ils parlent. Alors voilà, dans « Nous autres », une petite note en page 4 nous prévient : Stéphane Audeguy est parti vivre au Kenya. Il n’a pas perdu son temps : histoire du peuple indigène, de la colonisation, de sa faune, de son économie passée et présente, etc.
Cet effort d’érudition est au service d’une réelle ambition littéraire : récit choral où se croisent avec justesse les existences, roman qui livre un regard acéré sur la (néo-)colonisation, sur la vacuité d’un certain développement économique et sur la tentation d’un retour aux sources, « Nous autres » est une interpellation rugueuse sur la marche du monde, que rythment les pas du Progrès.
Le héros remonte le cours de son histoire et, ce faisant, à travers le Kenya, berceau de la civilisation, c’est l’Histoire du monde qu’il remonte.
Tout est précis, exact, documenté donc, mais ce tout m’a parfois donné l’impression de lire un précis plus qu’un roman, par ailleurs souvent très bien écrit. J’en suis resté éloigné, presque déçu, comme l’on serait déçu d’une pièce de théâtre doit on apercevrait l’envers des décors.
M Leger est pris comme jury, soit, ce qui ne l'autorise pas à étaler son savoir dans toutes les critiques, y compris sur les autres internautes, celà fini par devenir agançant, si c'est sur ce critère qu'Orange a fait son choix, bravo !!!!!
Il n'y a pas une critique où il ne mouche pas un lecteur.
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !