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"Mon grand-père amenait ses maîtresses chez lui et faisait l'amour avec elles en couchant ma mère dans le même lit.Ma grand-mère, dont c'était le deuxième mari, demanda le divorce. Après avoir fait mine de vouloir se tuer avec un couteau de cuisine, il accepta gentiment.Ma grand-mère se remaria avec un gigolo, et mon grand-père épousa sa secrétaire qui avait trente ans de moins que lui. Comme voyage de noces, il l'envoya en vacances avec ma mère, car ses affaires le retenaient à Paris et qu'il ne pouvait se permettre de prendre du bon temps comme ça." Ces notes autobiographiques relèvent des gestes, des expressions, des éléments de décor, des choses observées, entendues, des souvenirs d'enfance, des histoires de famille, des réminiscences consignées comme elles venaient dans un ordre arbitraire.
C'est un petit livre de souvenirs, écrits en paragraphes n'ayant pas forcément de lien direct entre eux. Valérie Mréjen parle de son grand-père, de sa grand-mère, de leurs maris et femmes respectifs et variés, de sa mère, de son père, de ses oncles et tantes... Beaucoup de personnages, mais même si je n'aime pas les récits à multiples individus, je ne m'y suis jamais perdu. Dans un paragraphe, l'auteure introduit un nouvel arrivant, un oncle ou une tante par exemple, puis le paragraphe suivant lui est consacré, qui évoque en sa fin un autre membre de la famille dont on parlera dans le paragraphe suivant. Un peu comme la comptine enfantine "Trois petits chats, Chapeau de paille...".
Je me retrouve dans beaucoup de souvenirs de Valérie Mréjen, sans doute parce que nous sommes de la même génération, nous avons grandi dans les années 70, avec les motifs à grandes fleurs oranges et marron : "Parmi ses robes, il y en avait une que je préférais. Elle était blanche en matière synthétique, avec un col chemise et une fine ceinture dont la boucle était recouverte de tissu. Il y avait des motifs en forme de sphères marron et beige (nous étions dans les années soixante-dix)". (p.18). Les expressions toutes faites qu'employaient ses parents et grands-parents aussi me parlent, pas forcément les mêmes, mais d'autres au sens similaire, «Nous avions aussi un livre intitulé Tout l'univers..." (p.38), nous aussi ! Une encyclopédie dans laquelle nous faisions nos recherches pour le travail d'école (c'était bien avant Internet).
Si je partage le contexte des souvenirs de Valérie Mréjen, ma famille ne ressemblait pas à la sienne : "Mon grand-père amenait ses maîtresses chez lui et faisait l'amour avec elles en couchant ma mère dans le même lit. Ma grand-mère, dont c'était le deuxième mari, demanda le divorce." (p.7), c'est sans doute pour cela qu'elle a matière à parler et pas moi -sans oublier en plus le talent pour l'écrire, bien sûr, même si en lisant ce texte, je me dis que c'est le genre d'écrit que je pourrais produire, l'écriture est simple, directe, claire et limpide ; ce sont de courts paragraphes, écrits "comme ils viennent " sans souci d'un quelque classement chronologique ; ils sont drôles, tragiques, tragi-comiques, dramatiques, légers, parfois sans intérêt particulier ; une sorte d'inventaire des souvenirs ; mais lorsque je réfléchis un peu et malgré la relative simplicité du texte et des propos, je me résous à ne pas pouvoir passer à l'écrit, parce que justement ce n'est pas si simple et que chacun son métier, je ne suis pas écrivain et ne souhaite pas l'être. Valérie Mréjen, elle, fait preuve d'une plume sensible et forte, directe, aucun mot n'est superflu.
J'aime ces petits textes lorsque rien ne manque ni rien n'est en trop.
PS : j'ai écrit mon article comme si ce livre était un recueil de souvenirs réels, mais peut-être me trompé-je, peut-être est-ce un travail d'imagination de la part de l'auteure ?
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