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La ville de Catane, en Sicile, au début des années 30. Le fascisme se déploie sur l'île, quand une enfant ressort exaltée d'une salle de cinéma de quartier.
Elle a la démarche chaloupée, une cigarette imaginaire au bec et l'oeil terrible. Elle vient de voir le film Pépé le Moko et, emportée par cette incarnation du désir et de l'insoumission, elle n'a désormais plus qu'une idée en tête : être Jean Gabin.
Écrit par l'auteur de L'Art de la joie dans les dernières années de sa vie, à un moment où son oeuvre demeurait méconnue, Moi, Jean Gabin est un étrange roman autobiographique, l'histoire magnifiée d'une enfance dans la Sicile de l'entre-deux-guerres. Pouvant être lu comme un testament philosophique, ce livre des origines se révèle être un des plus beaux textes de Goliarda Sapienza, un éloge à la liberté et aux rêves qui ont précocement nourri sa vie.
"Moi, Jean Gabin" commence laborieusement et ça démarre quelques pages plus loin.
C'est lumineux, truculent, horrible l'air de rien. L'écriture est belle, vive, enlevée, rapide, précise sous le soleil de Catane, ville sicilienne violente, mafieuse, dominée par le fascisme.
Pourquoi Jean Gabin ? Il passe au cinéma, il représente le continent, la modernité, la force et l'obstination dans un monde injuste, celui qu'on va sacrifier en le prenant au piège de l'amour dont il ne se dédira jamais. Goliarda décide d'en fait son modèle.
Je suppose qu'elle se place comme si elle avait 8-9 ans, dans une fratrie recomposée avec 8-9 frères et soeurs, un père et une mère antifascistes dont l'une, la mère, vit dans sa tour d'ivoire avec ses livres (comprendre son bureau), son père, grand avocat des pauvres ressemble plutôt à un parrain de la mafia employant des "voyous ratés" (sic) et des personnages qu'on ne voudraient pas croiser ne serait-ce que dans la rue (Zoé fait vraiment très peur à errer dans la maison avec sa "miséricorde" / un poignard).
Goliarda s'élève à la va-vite, au milieu de gens quelque soit leur âge et statut social, elle porte le prénom d'un demi-frère mort et idolâtré qu'on a adapté au féminin alors qu'il n'existe pas, elle est "la picthoune", le "chou", "Iuezza", tout sauf Goliarda... Elle se définit comme matérialiste sans vraiment bien tout comprendre. Ses armes sont sa répartie verbale, une jouteuse hors pairs.
Tout est violence sans être nommée ainsi, que ce soit dans les mots, les situations, la sexualité qui l'entoure (le frère qui couche avec la soeur, le père qui aime beaucoup l'une de ses belles-filles Licia, etc.), et ce, dans la rue comme dans la famille (Musetta qui rackette et vole tout le monde...).
C'est un récit presque comme un monologue mais très bien maîtrisé avec les rêves d'une enfant qui essaie de se construire dans ce brouhaha général de la vie.
C'est vraiment très beau et cruel avec un style unique qui éclaire aussi, par certains côtés, "L'Art de la Joie".
Le récit d'une enfance sicilienne au milieu d'une fratrie pas tout à fait comme les autres et la naissance d'un esprit libertaire et créatif.
Un livre gai, subversif, incarné, intelligent... Un bijou, un coup de coeur.
Chère Goliarda Sapienza, je m'excuse de ne pas vous avoir lu avant, d'être passée à côté de votre magnifique écriture, de votre liberté et de votre énergie. Je ne vous quitterai plus dorénavant.
Dans un premier temps j'ai été déstabilisée par le style : cette enfant qui parle au présent et se prend pour Jean Gabin c'est pour le moins surprenant. On est par la suite pris dans le tourbillon de cette vie, ville, famille. C'est riche, mouvementé, inspirée, parfois drôle et émouvant.
On découvre la Catane à travers les yeux de cette enfant, qui essaie de comprendre le monde dans lequel elle vit, entre ses parents, oncles et tantes, frères et soeurs et aussi le cinéma et surtout Jean Gabin.
Pour finir je me suis surtout un peu perdue dans cette histoire et n'ai pas vraiment compris où elle voulait en venir.
Avec son étonnante naïveté lucide, Sapienza nous prend par la main pour nous faire découvrir sa ville et ses grandes préoccupations de petite fille dans un pays où règne la terreur.
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