"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Fresque familiale à l'incroyable souffle romanesque, Mississippi, la Geste des ordinaires charrie près de deux siècles d'Histoire, porté par les voix particulièrement incarnées de ses personnages. Traversant les époques, les drames et les bouleversements sociétaux, cette généalogie mêle la petite et la grande histoire, du XIXe siècle jusqu'au XXIe, de la colonisation à l'ouragan Katrina en passant par la Commune, les chasses aux sorcières, les guerres mondiales... Questionnant la violence sociétale et la manière dont elle innerve les familles au fil des générations, Sophie G. Lucas dresse les portraits d'êtres qui courent après leurs rêves, qui tentent de prendre des chemins de traverse et d'émancipation, et dont les existences sont comme une mythologie de vies ordinaires.
Bon, alors : une fois n’est pas coutume. Je suis complètement passée à côté de ce récit. Rien à voir avec la qualité de l’intrigue … Sophie G. Lucas décrit assez clairement les divers faits – et protagonistes – qui traversent trois siècles (de la fin du XIXème au début du XXIème …) N’y voir aucune critique sur ses talents d’écrivaine, donc !
J’ai tout d’abord cru (j’avais d’ailleurs adoré un autre roman, d’un autre auteur, et dont le titre était « Mississippi solo » …) que j’étais partie aux États-Unis : dès les premières lignes j’ai pu réaliser que nous étions en France.
Mais voilà, je n’ai pas du tout accroché au rythme stylistique (trop dense) qui m’a donné la sensation – durant la lecture – de perdre mon souffle ! Qui m’épuisait au point d’avoir du mal à passer d’une période à une autre … Je n’ai (hélas !) pas ressenti d’émotion durant la lecture de la poétesse … Quand bien même ce texte entre dans la catégorie de la simple prose, plutôt que dans celle de la versification … J’ai eu l’impression continue d’entendre une voix qui me récitait une fable ou une odyssée, sans jamais se poser …
Loin de moi la moindre intention de dévaloriser ce (court) roman : ce n’est juste pas ma « cup of tea » !
Dans l'excellente collection "Sentinelle" des éditions de la Contre-Allée, le dernier texte de Sophie G. Lucas déroule son flot de mots, pensées, histoires. "Mississipi", ce fleuve qui fait titre, habite le premier des 8 personnages d'une lignée qui traverse le XXe siècle jusqu'à nos jours. Il poursuit son cours inconscient, comme une mémoire familiale et collective qui donne aux êtres un sentiment de singularité. Il relie ces gens de rien et leur donne une histoire, un ailleurs, une possibilité.
L'écriture est elle-même un fleuve intranquille, les mots et pensées ballotés entre parenthèses, cherchés, répétés, inventés. Cette langue singulière, qui paraît coller à chaque personnage, s'interroge en même temps qu'elle s'invente sur comment elle doit s'écrire, comment elle peut faire exister des êtres d'un autre temps, d'un autre cours.
Avant que débutent les récits, un arbre généalogique, quoique partiel, dessine les racines et les branches qu'on retrouve sur la très belle couverture : un fleuve qui s'écoule malgré les obstacles, malgré les naissances non marquées au registre civil, malgré les noms que l'on change, les bébés dont on préfère ignorer le père, malgré la misère qui rend la liberté difficile. Un fleuve qui saute par-dessus son lit, qui déborde de vie, comme plusieurs de ces personnages et en particulier les femmes, soigneuses, accoucheuses, qui cherchent leur liberté sans hommes, dans les voyages, dans la danse...
Ces 8 personnages sont apparentés aux Lumière, Claude-Antoine et ses deux fils Auguste et Louis qui furent d'inventifs entrepreneurs et qui connurent le succès. Mais ces personnes dont l'autrice nous écrit l'histoire sont restés loin des livres d'Histoire et des projecteurs de cinéma. Sophie G. Lucas nous les montre dans ce qu'ils ont de particulier et qui nous les rend proches.
En plus du fleuve, un arbre ancre ces hommes et femmes à leur existence : l'orme aux racines profondes se tient comme une sentinelle bienveillante, silencieuse et solide, non loin de leurs vies.
Un très beau et puissant texte fragmentaire, poétique, noir et lumineux à la fois.
Déclinaison d’une généalogie du début du 19è siècle à nos jours, à travers huit personnages plus ou moins apparentés et pourtant si différents dans leur histoire.
Celui qui découvrira à son retour d’un voyage aux Etats-Unis qu’il n’a pas d’existence légale, faute d’avoir été déclaré à la naissance, et dont la forme de l’expression exprime bien le chaos intérieur d’un homme pris dans une tempête existentielle, ouvre le bal. Même s’il ne s’agit pas de liens du sang, il côtoiera de près le père des frères lumières, les inventeurs du cinématographe.
Puis d’alliance en naissances impromptues , les années s’écouleront sur un fond d’Histoire mouvementée.
De portrait en portrait, apparaissent ainsi de beaux profils de femmes indépendantes et rebelles, rejetant le moule de conformité qu’on tente de leur imposer.
On saisit aussi la fragilité de ces destins, ballotés au gré d’événements qui les dépassent et de hasard rarement heureux.
L’écriture, qui flirte avec l’exercice de style, s’adaptant à la personnalité de chaque personnage, permet d’éviter la monotonie.
Merci à lecteurs.com et aux éditions de la Contre-allée
192 pages Contre-Allée 18 Août 2023
Ligne de faille : c’est cette image qui m’est venue lors de la lecture de ce texte dense. Des histoires dans la Grande histoire de ces familles, de ces hommes et femmes qui traversent deux siècles. Avec des allers et retours dans les époques. Si les rapprochements ont permis aux uns et aux autres de s’unir et de créer des familles, des dynasties, les dissensions, les conflits en revanche marquent aussi toutes les ruptures, les cassures, les failles, les traumatismes de tous ces personnages qui émaillent, colorent, composent le paysage de ce récit. L’autrice tenait aussi visiblement à mailler tous les territoires, de l’Europe aux terres d’Amérique.
On pourrait croire, ou craindre, de se perdre tellement l’écriture est parfois serrée, complexe. Comme le monde, comme nos vies, comme nos attentes, comme nos espoirs. Comme nos désillusions. Et pourtant, on reste accroché, lors de la lecture et de la plongée dans cette proposition romanesque, aux personnages avec leurs spécificité, leur volonté de bâtir leur vie, de rester maître de leur existence, leur attachement à leurs aïeuls et à leurs descendants. Et si toute ces chaînes exposées n’était en réalité qu’une seule chaîne ? Celle de l’Humanité tout entière ? Possible… Certain ? Peut-être ?
Et puis il y a notre insatiable curiosité. Oui tous ces gens se sont aimés, détestés, se sont rapprochés, ont lutté les uns contre les autres, ont subi les événements pour certains, les ont causés pour d’autres mais on veut toujours savoir comment les choses vont se poursuivre, finir parfois pour d’aucuns… Et c’est heureux parce que l’Humanité aussi joyeuse aussi tragique soit-elle n’en finit jamais. Et puis soyons francs, l’Homme reste toujours fasciné par le pire.
CM
Editeur : La contre allée
Merci à La Fondation Orange
Une histoire de famille captivante, sur presque 200 ans, qui traverse les grands évènements de l’Histoire de France. Les personnages, de pères en fils, de mères en filles, sont des petites gens, de la campagne, de la ville ou même des colonies, animés d’un feu qui leur donne l’énergie de chercher toujours mieux, toujours plus. Comme portés par la violence et la force d’un fleuve américain, connu de leur aïeul, ils suivent inlassablement leur «rêve mississippien».
Chaque vie est un roman à lui tout seul et je me suis passionnée pour cette famille dans laquelle les destins se croisent et se ressemblent.
La langue très poétique de Sophie G.Lucas donne l’impression de lire un long poème en prose ou bien de parler un langage inconnu. Si je me suis habituée au style à la fois complexe et naturel, il a fini par me lasser et les efforts que j’ai dû faire pour ne pas perdre le fil, ont nuit à l’intérêt que je portais au départ pour ce « cadavre exquis familial ».
Ne serait-ce son style, j’aurais aimé suivre plus longtemps chacun des personnages et je garde un sentiment d’inachevé en refermant ce livre.
Un roman puissant qui ne se lit pas facilement et qui perd un peu de son intensité sur la fin. Mais quand un arbre généalogique devient un fleuve, il faut juste se laisser entraîner par le courant et profiter de l’émotion d’un texte si poétique.
Suivre les mouvements d’un fleuve afin de mieux comprendre ceux des humains.
L’autrice, Sophie G. Lucas, est une poétesse française née à Saint-Nazaire mais vivant actuellement à Nantes. Elle ne voit paraitre son premier livre qu’après sa quarantaine. Elle était inconnue pour moi. On lui reconnait un regard social et documenté, qualité que j’ai approchées dans Mississippi.
Je vais essayer de trouver le livre « Se recoudre à la terre » ou « Neige blanche », ce recueil de poèmes pour lequel elle a été lauréate du Prix de Poésie de la ville d’Angers en 2007, et qui est dit autobiographique et parlant de la mort de son père.
La « Collection La Sentinelle, une attention particulière aux histoires et parcours singuliers de gens, lieux, mouvements sociaux et culturels » a très bien choisi en éditant ce livre pour illustrer des vies qui resteraient sinon plus facilement dans l’ombre.
L’image qu’elle suit dans ce récit est celle d’un fleuve avec ses mouvements, ses assèchements ou ses débordements, ses pérégrinations assimilées aux vécus générationnels. Elle essaie de calquer ses mouvements sur ceux des vies humaines en traversant le temps et les frontières.
L’histoire est difficile à résumer, même difficilement descriptible. C’est une espèce de « picorage » de vies humaines picorées au gré des choix de l’autrice. Je dis picoré car elle ne fait que s’approcher sous forme d’arrêts sur image sur des vies à un temps T.
Pour lier tout cela elle utilise une écriture qu’elle a certainement voulue proche de la poésie. C’est déroutant puisqu’on s’attend à un roman qui serait une fresque s’étalant de 1839 à nos jours. On ne suit pas à proprement parler une lignée familiale : on picore des moments forts de l’Histoire au travers d’émotions et sentiments de vies humaines individuellement observées.
L’image du fleuve calqué sur un arbre généalogique n’est pas si nette, mais on peut la retrouver si l’on cherche bien, si notre lecture se fait dans le calme, lentement, sans excès de jugement.
Les personnages et les temps forts.
On commence par un couple de parents nés en 1800 qui ont trois enfants dont une fille Françoise. Le graphique de la lignée est présenté au tout début du livre. Vite on arrive à Impatient ce personnage dont le texte dit ; « Il est anguleux, furieux. Il n’a pas été déclaré, un oubli, une erreur ? On ne saura pas ». Il dit de lui « Je ne suis peut-être pas dans ce registre, mais j’ai mille vies en moi ». Ce fils de franc-comtois arrive dans les plaines du Mississippi, « pour une terre, pour de l’or ».
Le lecteur passe ainsi de personnage en personnage de la lignée choisie par Sophie G.Lucas.
Alexis, Marie puis Edouard, pour illustrer la révolution et « la foule tombée en silence ». Marthe en 1914 qui ne sait pas encore que c’est la grande guerre puisqu’elle-même vit la guerre de son corps, et pour laquelle il est question d’accouchement à l’hôpital et plus à domicile. Elie et la ruralité du siècle dernier. On en 1946 à Dakar, puis très vite on est en 1998 et enfin en 2006 aux côtés d’Odessa.
Citation pour mettre en scène l’écriture de l’autrice :
1967 : « L’homme en guerre crache du feu de son corps, on n’était pas sensé faire la guerre, pas à nos âges, pas à cette époque, yéyé et rock n’roll, ce n’était pas la promesse de nos ainés, l’homme en guerre a ravalé sa colère, a fait la guerre, enfin ce n’était pas la guerre disait-on là-haut, mais le maintien de l’ordre, ce n’était pas la guerre dans nos propres territoires, car c’était chez nous, l’homme en guerre ne faisait pas la guerre alors, , il pacifiait, , c’étaient des opérations de pacification, on gardait un col, on gardait une ferme, on fouillait des villages, et puis on tuait, bien sur on était tués aussi, on raflait, , on contrôlait, … ».
Ou encore : « c'était comme un fleuve en nous qui nous reliait, de génération en génération, de région en région, ça nous forgeait, et parfois ça débordait, et parfois ça soulevait… »
Merci aux Editions La Contre Allée et à lecteurs.com de m’avoir permis de découvrir cet éditeur et cet auteur.
Fabuleux, un havre où chaque degré est une aube nouvelle.
« Mississippi » « La Geste des Ordinaires » fleuve littéraire fascinant, qui traverse les époques, et dont le halo souverain est résurgence.
Ce kaléidoscope est d’une force rare, d’une beauté inouïe. On retient entre nos mains cette généalogie spéculative. L’acuité des existences et ces êtres qui gravitent dans les pages intenses et puissantes.
Fleuve dont le reflet approuve la trame intrinsèque.
Sophie G. Lucas tisse les fils et nous écoutons le charme des phrases. Ces vies qui ne sont plus anonymes mais que les ombres infinies tourmentent encore inlassablement.
De 1839 à 2006, le flambeau passe de main en main.
« Mississippi » emblème et sceau, endurance et bravoure, tristesse et attachement. L’écriture coopère au rythme du temps.
L’histoire dans la grande, on aime d’emblée ce chant d’une langue aux multiples éclats de réel.
Les personnages comme des héros sidérants d’humanité, de ténacité et de fraternité.
L’évidence des liens, et l’obsession cardinale d’inclure le fleuve sur leurs cœurs.
L’incipit comme un tremblement d’eau glacée, paysan du monde, un homme debout, qu’on aime de toutes nos forces.
À quoi ça ressemble un homme du XIXe siècle? Comment ça bouge dans son corps ? Comment ça épouse le paysage ?
Impatient, c’est son prénom, majuscule qui tient en main le fil d’Ariane d’un livre beau à couper le souffle. Le premier du nom, lui, l’anonyme, herbe fauché. L’attente du regain. « Impatient Lansard, militaire et fils de vignerons ». Le mal aimé, le prénom (le vrai), noyé dans le Mississippi. Jusqu’au jour de rédemption. Pas maintenant, pas tout de suite. Des fiançailles en advenir avec le pardon. Retrouver son prénom aux yeux de la loi.
« Es-tu satisfait Impatient. Impatient prend la lumière, la voix de Julien dans le dos. Merci, et s’en va, sort, fuit presque, le fourmillement de la ville de Vesoul encore sous ses pieds, quand les autres, ses compagnons étaient heureux de revenir au village après témoignage, comme quelque chose de perdu là-bas ».
On avance méandre après méandre, subrepticement, siècle de labeur, de sueur, et « un cours d’eau sur la peau de son visage ».
L’osmose d’un tableau frémissant, où les années content les turbulences, les efforts pour vaincre la pauvreté et s’émanciper. La dignité comme la grâce spéculative d’un fleuve-vie.
1868, voici donc les pages à apprendre par cœur. Fleuve-mère qui cherche l’enfant. On observe l’essentiel et le brûlant, le passage de l’initiation pour ce petit garçon. La fusion des évènements, des images, scène au ralenti. Edouard qui s’échappe, l’oisillon qui apprend, « né de la foule ». Relire alors ce chapitre, coopérer avec cette mère, Marie, qui devine l’heure où le fleuve vient d’happer son fils.
Le livre est ainsi. Vibrant, essentiel, Mississippi, le guide, entre champs, chemins et ténacité.
2006 Odessa.
« Après ça, Odessa changea de vie. Après ça, fit cabane et terre quelque part dans les marais ».
Écrire Odessa, contemporaine, altruiste, dévoreuse d’humanisme. La Louisiane gémellaire du Mississippi. La Louisiane est apeurée, fleuve qui charrie la boue et les corps engloutis.
Odessa, parabole vive, « communauté dansante entre le Mississippi et le lac Pontchartrain, Indiens, Noirs, Rois, Reines, Confréries, Tribus, Foule, Gens.Odessa ne reconnaît pas ceux et celles photographiés ».
« Mississippi » on a tous en nous quelque chose, du Mississippi. Les faillites humaines, les folies des hommes, Katrina, l’ouragan qui signe le temps passé, meurtri, et le présent, la lassitude des révoltes, ce qui déborde. Le désastre des inégalités. Le monde ici présent, est le recueil des vies. Des théologales échappées pour vaincre l’adversité. L’humanité des hôtes des pages carillonne comme un chant entendu et compris, en haute montagne .
« Mississippi », un pur chef-d’œuvre. La traduction d’un fleuve mappemonde, littéralement grandiose. Le triomphe des destinées singulières. À noter une première de couverture explicite et douce, illustrée par Renaud Buénerd, à la fois fleuve et arbre généalogique.
Publié par les majeures Éditions La Contre Allée .
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