Voyant son père et sa tante, qui l'ont élevée, atteints par la maladie d'Alzheimer, l'héroïne de Mémorial prend brutalement conscience qu'un pan entier de la mémoire familiale est sur le point de disparaître. Dans le train pour Kielce, en Pologne, dont sa famille est originaire, devant les paysages qui défilent, elle écoute les différentes voix qui l'interpellent. Parfois réelles mais plus souvent imaginaires, ces voix instaurent un é trange dialogue entre elle, son passé et le présent. Quais de gare, frontières, visite de la ville de Kielce... Quelles réponses, quelles clés cette voyageuse est-elle venue chercher sur ces terres où sa famille a été décimée pendant les jours sombres de la guerre...
et même de l'après-guerre. Les voix emmêlées résonnent en choeur, fantomatiques et entêtantes, imprégnées de blessures indélébiles - persécutions, déportation, fuite, exil. Subtile et audacieuse, la narration traduit cette quête avant tout identitaire : à mesure que la narratrice parle et écoute, qu'elle effectue le chemin inverse de celui de ses parents jadis et que les
lieux maudits se rapprochent, l'émotion afflue. L'écriture elliptique et musicale de Cécile Wasjbrot dessine superbement une destinée ployant sous le poids de la mémoire, morcelée entre plusieurs langues et cultures. Tout ici est métaphore et symbole (comme ces confessions d'une étrangère qui dans le train lui raconte la vie à Oswieczim, l'autre nom d'Auschwitz), faisant lien et écho aux réflexions d'une jeune femme qui nous devient singulièrement proche.
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