"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
En apparence, Max avait laissé Auschwitz derrière lui.
Une histoire ancienne qui avait fini par s'effacer, comme dans mon souvenir le numéro tatoué sur son bras qu'enfant je connaissais par coeur, et que j'avais pourtant fini par oublier.
Mon grand-père Max était à présent un homme d'affaires qui, associé à Pavel, son vieil ami des camps, trafiquait par-dessus le mur de Berlin pour alimenter la nomenklatura d'Allemagne de l'Est en produits de luxe et marchés divers. Tout aurait été pour le mieux, Max vivant au milieu de sa cour, si ce départ pour Berlin (qui avait été il n'y a pas si longtemps le coeur de la machine de mort) ne s'était fait au prix de l'abandon de son épouse et de sa petite fille, restées à Liège.
En apparence seulement.
Car Max chaque matin faisait le tour du zoo de Berlin, avec dans ses poches ses pilules, et un petit sac de diamants.
Max était un homme affable et séduisant, un homme d'affaires prospère, et pour Nathalie, le grand-père qui l'accueillait chaque été à Berlin ou à Marbella. Mais derrière les apparences de réussite et de respectabilité, Max était un être insaisissable, secret, sans passé. Il avait abandonné la Belgique, sa femme, sa fille, pour se refaire une vie en Allemagne avec une nouvelle épouse allemande et un associé à l'Est, derrière le Mur. Il voulait oublier la guerre, les camps, la mine. Mais le numéro tatoué sur son avant-bras était un rappel constant de son passage dans les camps de la mort. Quand Nathalie se rend compte qu'elle a oublié ce numéro que son grand-père arborait ou cachait au gré des circonstances, elle éprouve le besoin de trouver, par-delà les non-dits et les silences, le Max qui se cachait derrière les apparences.
Ils n'étaient pas nombreux, à la fin de la guerre, ceux qui voulaient parler de l'enfer vécu dans les camps de concentration nazis. Honte des rescapés à avoir survécu là où tant d'autres sont tombés ? Besoin d'oublier ces horreurs sans nom ? Intuition que ceux qui avaient échappé aux camps ne pourraient pas comprendre ce qui s'y passait ? Volonté de tourner la page ? Pour les survivants, il s'agissait de se taire, de faire profil bas, de ne pas se faire remarquer. Mais peut-on oublier qu'on a vu la mort de trop près, qu'on a perdu un père, une soeur, une épouse, un fils ou toute sa famille ?
A travers le personnage ambigu de Max, son grand-père revenu de l'enfer, Nathalie SKOWRONEK ravive la mémoire des morts et des survivants et interroge sur la peur, l'angoisse, l'horreur que leurs descendants ont reçu en héritage. Son récit, touchant parce que très personnel, raconte un homme qui, sous la carapace du nanti séducteur et beau parleur, cachait les failles profondes de ceux qui ont tout perdu et se sont reconstruits sur les ruines de leur "vie d'avant".
Cependant, le récit est un peu confus, s'embrouillant dans les évènements et les dates. Max étant mort, pour Nathalie, il s'agit de collecter des informations, forcément de seconde main. Alors elle se renseigne, elle consulte les archives, elle interroge la famille, les amis, elle se rend sur les lieux forts de l'histoire de son grand-père, de Liège à Berlin, d'Auschwitz à Tel Aviv. Mais tout cela manque de liant...On a l'impression de lire le travail préparatoire d'un auteur, avant le travail d'écriture. C'est sans doute un parti pris que de vouloir livrer les informations brutes, sans soucis de chronologie ou de cohésion et la démarche peut s'expliquer par le fait de ne surtout pas ajouter une interprétation personnelle qui dénaturerait les faits. Malheureusement, cela donne une impression d'inachevé, de brouillon... Reste l'histoire de Max qui s'installât en Allemagne, trafiquât avec l'Est, évoluât parmi les notables, voulut être le témoin vivant, le rappel constant, pour les allemands, de leurs cruautés ou de leurs lâchetés.
Un hommage à ce grand-père peu loquace en famille et à toutes les familles disparues. Intéressant, parfois émouvant, mais pas totalement convaincant.
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