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Un face-à-face aussi dérangeant que poignant entre une mère et sa fille.
Voilà plus de trente ans qu'Élisabeth va tous les jours s'asseoir sur un muret, face à l'Océan. Ce qu'elle y fait ? Rien. Elle attend, figée, le retour de son mari parti au large des côtes bretonnes et jamais revenu. Sa fille Simone est désespérée de voir ainsi sa mère perdre la raison. Elle avait cinq ans quand le bateau paternel a quitté le port pour la dernière fois. Avec lui s'en sont allées une vie de famille normale, et une mère normale.
Difficile, alors, de construire une vie puis d'acquérir son indépendance. À quarante ans passés, Simone demeure comme à la veille d'une existence qui tarde à démarrer. D'autant que sa mère n'est pas tendre avec elle. Une " pauvre folle ", pense-t-on par ici. Une femme acariâtre et vénéneuse qui vit dans le ressentiment. Une mauvaise mère, certainement...
Mais est-ce seulement vrai ?
Sur le thème des douleurs enfouies et des non-dits obsédants, Jérôme de Verdière compose un face-à-face aussi dérangeant que poignant entre une mère et une fille que tout oppose. Un duel homérique et inoubliable.
" Il regarde droit devant lui. Ne peut plus faire machine arrière. Les marins prétendent que la terre les refoule mais il n'est pas dit non plus que la mer les accueille. Il ne peut plus changer de cap. C'est trop tard. "
Concarneau, 2016. Simone, libraire, 40 ans , est revenue vivre avec sa mère, Elizabeth, 70 ans, car elle est inquiète pour sa santé et trouve son comportement bizarre. Depuis 35 ans, elle attend son mari, Robert, disparu en mer le 11 mai 1981, alors que sa fille avait cinq ans. Tous les jours, elle s'assied face à la mer et lui parle. La cohabitation entre les deux femmes est particulièrement difficile, toute communication semblant impossible.
J'ai été attirée par ce livre pour quatre raisons:
* la très belle couverture qui est une belle image évocatrice de la région où je vis, là où fleurissent les cirés jaunes
* le lieu où se déroule le roman, dans le Finistère, la partie la plus sauvage de la Bretagne, que je trouve la plus belle (pardon pour les autres départements bretons =:) )
* le titre qui fait immanquablement penser à mauvaise "mère", ce qui était très probablement l'objectif de l'auteur
* le thème de l'attente, celle des femmes et des mères de marins pêcheurs, partis en mer et dont certains ne reviennent pas ; les romans qui en traitent m'ont toujours beaucoup touchée; je citerais "Une longue impatience" de Gaëlle Josse (2018) et "Mes sœurs, n'aimez pas les marins" de Grégory Nicolas (2023).
J'ai retrouvé tout cela dans le livre et bien plus car nous assistons à la confrontation, au face à face hargneux entre deux femmes : une mère, aigrie, acariâtre, mauvaise, dont le cœur est tellement desséché par la disparition de son mari, qu'elle n'a pu donner de l'amour à sa fille qu'elle a rejetée et méprisée et une fille, qui revient officiellement pour venir en aide à sa mère mais aussi probablement avec l'espoir ténu de recevoir un signe d'amour qui lui permettrait d'avancer enfin dans la vie, de trouver sa place. Bien qu'absolument détestable, je n'ai pu m'empêcher de ressentir une pointe de pitié pour cette femme qui a attendu un disparu pendant 35 ans, qui a mis sa vie de femme et de mère entre parenthèses.
Un beau roman sur l'absence, l'attente.
#Mauvaisemer #NetGalleyFrance
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