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C'est « par ce qu'elle sous-entend ou dévoile à sa limite - par son contenu latent ou inconscient - que la phénoménologie est en consonance avec la psychanalyse », écrit Maurice Merleau-Ponty en 1960, dans la préface à l'ouvrage de Angelo Hesnard L'OEOEuvre et l'esprit de Freud. Singulière euphonie, que celle ici entendue entre deux disciplines habituellement opposées dans leurs définitions : l'une centre en effet ses recherches sur la conscience, l'autre sur l'inconscient ; la première s'en tient à la description la plus fidèle de ce qui apparaît, la seconde accorde le primat aux « tendances supposées » sur les « phénomènes perçus » ; celle-là radicalise le partage diltheyen des sciences de la nature et de l'esprit, et se positionne résolument du côté des secondes, celle-ci puise à la biologie ou à la thermodynamique tout autant qu'à l'herméneutique.
Quelle serait donc cette harmonie entre phénoménologie et psychanalyse, dans quel système tonal se définit-elle et quelles modulations connaît l'intervalle mélodique entre les deux ?
Philosophie de la forme, existentialisme, phénoménologie de la perception, de l'inapparent, puis philosophie de la chair, le parcours de Merleau-Ponty semble poser, de manière à chaque fois plus fine, la question d'une paradoxale phénoménologie de l'inconscient, située à la double orée de la phénoménologie et de la psychanalyse. Il semble pertinent d'analyser ici cette traversée de la phénoménologie et de tenter de voir ce qu'elle trouve à ses confins - psychanalyse, ontologie ou métaphysique ?
Si la relecture merleau-pontyenne de la phénoménologie s'accompagne d'une lecture inédite de la psychanalyse, ce double remaniement ne manque pas de faire surgir bien des questions. C'est probablement là le sens des commentaires que quatre psychanalystes, J.-B. Pontalis, André Green, Jacques Lacan et Cornélius Castoriadis formulent à l'endroit de la phénoménologie de Merleau-Ponty.
Ces quatre critiques soulignent la grande proximité du philosophe avec la psychanalyse, mais n'en mettent pas moins en exergue les limites d'un abord phénoménologique de l'inconscient. En effet, si la démarche de la phénoménologie consiste à aller de l'indéterminé vers plus de détermination, à instituer le sens de ce qui auparavant restait inconscient, comment appliquer cette visée à l'inconscient psychanalytique sans le réduire par là même ? Que signifie alors un « inconscient » paradoxalement thématisé à partir de la perception ?
Cette étude propose de confronter les lectures respectives qu'effectuent Merleau-Ponty de la psychanalyse puis ces quatre psychanalystes de l'oeoeuvre du philosophe. Un examen des positions originales de Merleau-Ponty permet de mesurer l'incontestable rapprochement esquissé avec l'oeoeuvre de Freud. La réponse des psychanalystes à cet appel pointe toutefois les limites d'une lecture résolument philosophique de la psychanalyse, n'instaurant, entre les deux, qu'une cadence évitée : à l'issue de ce dialogue, nulle impression de repos, et la phrase musicale semble relancée sur d'autres lignes harmoniques.
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