"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Elle fascine la presse, contamine la droite et tétanise la gauche. En quelques années, tout a été écrit ou presque sur Marine Le Pen : la « dédiabolisation », ses réseaux, son nouveau discours et son programme caché, tout a été analysé, décrypté, dénoncé.
Pourtant un constat cruel s'impose : les partis républicains ont été incapables depuis 30 ans de réduire la progression du Front national qui triomphe aujourd'hui. Ni l'antiracisme festif de SOS Racisme ni le braconnage sarkozyste sur les terres lepénistes ne l'ont empêché de devenir une force politique centrale, régulièrement au delà des 15% aux élections.
Les mêmes partis républicains ont toujours refusé toute introspection, toute autocritique, sur leur responsabilité dans la montée du Front national, qu'ils imputent à la crise économique et à la détresse sociale. Et si Marine Le Pen, certes dangereuse, était le symptôme d'une crise beaucoup plus profonde contre laquelle les partis traditionnels ont refusé d'agir: le délitement républicain, dont l'extrême-droite se nourrit ?
Les 4 grands piliers de la République sont minés. L'Ecole, la méritocratie, l'ascension sociale, n'ont pas résisté à la ségrégation sociale qui alimente les frustrations et la détestation d'élites qui se reproduisent sans partage. L'Etat-providence et la redistribution subissent les assauts des ultralibéraux depuis les années 1980 et le discours sur l'assistanat a battu en brèche l'attachement national à la fraternité et à la solidarité. L'intégration et la laïcité sont quotidiennement remises en question par la montée des communautarismes mais aussi par la banalisation des discours racistes jusqu'au plus haut niveau de la société. Et évidemment la vie politique est sclérosée, sans parité ni diversité, verrouillée par des professionnels qui se lamentent de voir les jeunes et les ouvriers se tourner vers le FN mais ne leur donnent pas la place qu'ils méritent dans la démocratie française.
Il ne suffit plus de pointer le risque, réel, que représente le Front National, il est temps de répondre à la crise de valeurs que notre pays traverse. Le temps d'un grand tournant social-républicain est venu.
Depuis trente ans, le Front national ne cesse de progresser, jusqu'aux dernières élections municipales et européennes où il a fait un score important gagnant d'un côté une douzaine de villes et prenant de l'autre côté la première place, devant l'UMP et le PS. Cette montée de ce parti qui prône haine et a un programme économique irréalisable est toujours de la faute des autres si l'on écoute les politiques de droite ou de gauche. Une seule fois sur un plateau de télévision, à la suite d'une des deux dernières élections, j'ai entendu une responsable d'un parti politique impliquer la responsabilité à tous (Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d'Europe Ecologie Les Verts). C'est aussi le discours que tient Mehdi Ouraoui : nous sommes tous responsables de la montée de la haine, des communautarismes, de l'individualisme, mais avant tout, ceux qui pouvaient changer les choses, les politiques qui n'ont rien fait, de peur sûrement de ne pas être réélus.
Cet essai est passionnant et je rêve déjà de le voir en projet politique et surtout réalisé ! Mehdi Ouraoui ne se contente pas de soliloquer sur la montée du FN, il fait un constat dur, sévère mais réaliste de la société française et de ses élites. Il faut selon lui une prise de conscience nécessaire pour repartir associée à une vraie envie d'enfin en finir avec la gestion à court terme des politiques de tous bords aux affaires depuis trente ans ; ils n'ont plus de vision générale, aucune ambition, ils font de la gestion de crise au jour le jour. La droite en prend pour son grade et la gauche subit autant de critiques et c'est très largement mérité. M. Ouraoui impute même à la gauche une sorte de responsabilité intellectuelle supérieure, car elle a beaucoup promis, a suscité beaucoup d'espoir et l'on sait bien que ceux qui peuvent faire vraiment bouger les choses en faveur du quadriptyque Liberté, Egalité, Fraternité, Laïcité ce sont les gens de gauche, ceux qui veulent vraiment une société plus humaine, plus fraternelle dans laquelle les richesses sont partagées plus équitablement, dans laquelle l'entraide est une vraie valeur. Lorsque la gauche n'atteint pas les espoirs mis en elle, les électeurs ne le lui pardonnent pas : "Cette bataille pour l'égalité, pour la laïcité, pour la mixité, est au cœur du "rêve français" que la gauche a promis en 2012 de réenchanter. Si nous ne respectons pas cet engagement, le délitement républicain sera inéluctable, rapide et violent." (p.141)
Mehdi Ouraoui ne se contente pas de lister ce qui ne va pas, il fait des propositions concrètes, simples qui nécessitent de la volonté politique, un vrai désir d'enfin œuvrer pour les Français et non pas en vue d'une réélection, certaines ont été promesses, non tenues. Aucun sujet n'est évité, ni le non-cumul des mandats dans le temps et dans les fonctions ("Il n'y a pas de démocratie véritable quand les élites ne représentent plus le peuple mais une caste qui ne sert qu'elle même."-p.33), ni la finance qui ne peut pas être dénoncée comme l'ennemi du peuple, puisqu'elle peut le servir et non pas l'inverse, ni l'école qui ne joue plus son rôle de mixité et d'ascension sociales, ni la religion et en particulier l'Islam : "Il faut aussi tirer la sonnette d'alarme contre l'intégrisme religieux. Pour les musulmans de France, c'est la double peine : ils sont pris en tenaille entre les racistes anti-musulmans menés par Le Pen d'un côté, et les intégristes qui dénaturent et déshonorent l'Islam de l'autre. Le nom du terroriste Mohammed Mehra restera dans l'histoire, en sera-t-il de même des soldats Imad Ibn Ziaten et Mohamed Legouad, qu'il a assassinés parce qu'ils étaient au service de la France ?" (p.121)
Mehdi Ouraoui risque de ne pas se faire que des amis au sein des partis politiques, du sien en particulier, le PS, et pourtant il mériterait d'être écouté et même entendu. Il est temps de changer de manière de faire de la politique, de remettre le citoyen en son cœur et d'oeuvrer pour son bien et pas pour ses propres biens ou pour l'attrait du pouvoir. Lorsque je vois ces hommes qui laissent des ardoises terribles (l'UMP et ses 75 millions d'euros de déficit par exemple, mais aussi la dette abyssale de la France) et qui se permettent encore de nous donner des leçons, je comprends que des Français se désintéressent de la politique et puissent avoir l'idée de voter pour Marine Le Pen -ce qui est une solution totalement inenvisageable pour moi et même pire puisqu'elle est bien incapable de gouverner et que ses propositions sont irréalistes et irréalisables.
Il y a encore du boulot, seuls les actes convaincront désormais. La gauche doit se retrousser les manches et ne pas avoir peur d'agir, elle a prouvé avec le mariage pour tous qu'elle pouvait surmonter les manifestations parfois violentes d'illuminés réactionnaires pour imposer une loi prévue et contestée. Qu'elle en fasse de même pour agir réellement pour la Liberté, l'Egalité, la Fraternité et la Laïcité !
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