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« Maman a disparu. C'est pas simple. Il a fallu le redire plusieurs fois, décomposer la phrase, la prendre et la secouer. Maman a disparu. Quelle folie de phrase. Si je la chuchote, les larmes me montent et me brûlent, si je la prononce avec une voix de fer, comme un vieux robot fatigué, ma-man-a-dis-pa-ru ma-man-a-dis-pa-ru, ça me fout la chair de poule et l'impression d'une catastrophe planétaire imminente. Si je la crie, si je la jette loin sur les routes, en plein coeur de ces villes qui scintillent et grincent sous ma peau, si je la crie si fort que ma voix casse, alors je crois que ce n'est plus vraiment triste. Pas aussi triste que ça. Je dirais plutôt affolant. Sidérant. Ou encore stupéfiant. Voilà. C'est affolant sidérant stupéfiant et ça me rend le coeur dingue, et étrangement vivant aussi. »
Le livre de Sara Bourre est surprenant et très énigmatique. Dès le début, le roman installe un sentiment de malaise à travers la vie d'une femme et de sa fille, la narratrice.
La relation entre la mère et sa fille est complexe et troublante. La mère semble ignorer sa fille, Elle fuit sa fille en s'entourant de vapeurs d'alcool et de fumées de cigarettes. Cependant, à l'extérieur, la mère se transforme en une femme fatale, exubérante et peu recommandable. Les langues des villageois sont des vipères et les rumeurs sur les relations de la mère avec les hommes affluent.
Lorsque soudainement, la mère disparait, l'enfant se retrouve seul. Le récit prend alors une tournure encore plus sombre et lancinante.
Les ingrédients sont tous là pour nous plonger dans une atmosphère incertaine. La maison isolée de la mère et de la fille, qui est située dans une forêt sombre et bordée d'un lac, ajoute à l'ambiance mystérieuse.
Un texte court, autant sensoriel que visuel, très poétique et où les émotions sont exacerbées. L'histoire est racontée du point de vue de la fillette, qui nous entraîne dans cette atmosphère tendue et lourde d'attente.
C'est un premier roman sensible et original que je conseille de découvrir. L'écriture de qualité et sublime de Sara Bourre mérite le détour. Un petit ovni littéraire.
Une autrice à suivre, c'est certain.
https://www.instagram.com/claudia.passionlivres/?hl=fr
Une mère vit isolée dans la forêt, près d'un lac avec sa fille, la narratrice, enfant non désiré. La mère disparaît une nuit laissant sa fille livrée à elle-même.
Dans ce roman, dont la première phrase rappelle l'incipit de "L’Étranger" de Camus et son célèbre "Aujourd'hui, maman est morte", l'intrigue importe peu.
Ce qui compte, c'est la relation mère-fille entre une mère fantasque, flamboyante, extravagante, marginale, libre, tellement libre qu'elle le paiera de sa vie et une fillette en quête d'amour maternel que sa mère est incapable de lui offrir. C'est l'amour, l'admiration et la fascination inconditionnels d'une petite fille mâtinés de honte, d'une sorte de jalousie. Sa mère est son seul modèle, sa seule référence. Lorsque celle-ci disparaît la fillette va se transformer en elle par identification; elle se maquille outrageusement comme elle, elle porte ses robes multicolores, elle vit en recluse, reçoit un garçon, fume. Son destin sera-t-il le même?
La nature n'est pas ici un havre de paix où se ressourcer; elle est menaçante avec une forêt dense, un lac sombre. C'est un lieu de violence et de mort, de danger.
Ce roman m'a fait penser à un drame antique avec le chœur, composé des femmes du village à la langue acérée, qui juge, commente, représente la communauté et annonce le drame qui se prépare mais aussi avec l'unité de lieu et de temps. Il suinte le désespoir, la solitude, la sauvagerie sans aucune lueur à l'horizon.
C'est un roman de sensations, d'odeurs, de couleurs qui s'impriment dans la conscience du lecteur grâce à une langue puissante, syncopée comme si la narratrice livrait ses émotions dans un souffle, dans un long monologue. Tout est suggéré, jamais clairement énoncé ce qui donne beaucoup de force au propos.
Je suis restée émotionnellement en marge de ce texte, même si je reconnais une écriture singulière, puissante, imagée, à la poésie brute, qui saisit mais peut aussi finir par lasser. Ce qui fut mon cas pour ce primo-roman qui sort des sentiers battus.
#Mamanlanuit #NetGalleyFrance
Voici un premier roman issu d’un master de création littéraire. Un texte où l’on sent le rythme, l’urgence et la poésie. Dès le début le lecteur sait que la mère de la jeune fille a disparu et qu’elle se retrouve seule. Peu à peu la jeune fille dévoile sa vie et celle de sa mère. Un lien très fusionnel les unissait. Mais les mots de la mère à l’égard de sa fille sont blessants. On ressent une souffrance chez la mère qui l’empêche d’assumer pleinement et sereinement son rôle.
Il y a aussi le regard méprisant et les mots cinglants des commères du village, traitant la mère de prostituée, plaignant la fille mais ne faisant rien pour l’aider, encore moins lorsqu’elle se retrouve seule.
Le lecteur est plongé dans les pensées d’une jeune fille puis d’une adolescente. Elle aimerait être aimée. Comment va-t-elle continuer à vivre sans sa mère ?
Sara Bourre réussit à inventer une langue propre à son personnage, très imagée. Les couleurs sont liées aux émotions du personnage. Elle sème des indices, évite d’en dire trop afin que le lecteur puisse imaginer. La nature est omniprésente, notamment avec le lac à proximité de la maison. L’histoire est plutôt sombre. On ressent la solitude de la mère et de la fille.
Un texte poétique et quelque peu déstabilisant, avec une écriture très travaillée. Chaque mot est choisi pour son sens et sa sonorité. Cela peut ressembler à une fable ou un conte, avec une légère touche de fantastique. Un premier roman original à découvrir !
« Maman a disparu », l’incipit est sans appel. Maman a disparu, et voilà la narratrice, jeune, adolescente, seule, livrée à elle-même, dévastée par l’ampleur de ce vide, désemparée par cet abandon. Parce qu’elle n’avait qu’elle, que cette maman admirée et pourtant défaillante. Alors elle convoque ses souvenirs et dans la nuit noire elle la fait revivre. Une femme devenue mère malgré elle, à la vie fantasque et dissolue, qui fume, boit et arbore des tenues chamarrées’ en se moquant des rumeurs qui pourtant pullulent dans ce village gris niché au bord d’un lac. Une maman encombrée par cette fille non désirée aux comportements alternant entre exubérance dérangeante et indifférence brûlante, laissant désemparée cette enfant délaissée. Difficile pour elle de se construire face à un tel modèle.
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Difficile de parler de ce livre tant sa forme est singulière. L’histoire est intéressante mais elle est presque secondaire face à cette écriture remarquable. Une plume sèche, nerveuse, tour à tour flamboyante ou lapidaire, minimaliste ou poétique. Très belle mais déroutante en tout cas, au point parfois de rendre la lecture exigeante. Les mots claquent, les phrases sont scandées, et adoptent le rythme des pensées et du désarroi de la jeune fille. Dans ce roman l´intrigue est livrée par bribes, par touches, dressant le portrait d’une maternité toxique qui sera le terreau d’une adolescence fracassée. On trouve aussi un champ lexical où les couleurs sont omniprésentes, apportant des touches lumineuses tristes ou gaies, selon les états d’âme de la narratrice ou selon les sentiments que les personnes lui inspirent. Ainsi le ciel est bleu, noir ou rose. Sa mère a les lèvres bleues, les yeux rouges ou les joues oranges pour mettre en exergue sont non conformisme, alors que les hommes du roman sont noirs, gris ou marrons, ternes ou angoissants face à sa magnificence.
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Un roman qu’au final j’ai plus aimé pour son écriture que pour son propos, mais une auteur dont je surveillerai les prochains titres.
« Je ne suis pas finie. Il me manque encore quelque chose. Toujours quelque chose. Maman dit que je suis éparse et découpée. Elle dit aussi que je suis poisseuse et encombrante. Et laide, très laide. Je colle partout. Elle dit tu colles partout, c’est insupportable. » Si la jeune narratrice – une pré-adolescente émergeant à peine de l’enfance – est tellement suspendue, entre adoration et haine, aux variations d’humeur de sa mère, c’est qu’elle est née par accident, après un amour malheureux et une tentative d’avortement ratée, et que, chaque jour, au travers des plus ou moins non-dits qui pavent son existence, elle en observe les cruelles conséquences sur leur vie à toutes deux.
L’histoire de Maman est vieille comme le monde et quelques phrases semées d’ellipses aux reflets de puits noirs suffisent à en suggérer les abîmes. Lorsque qu’elle « n’était pas encore Maman », là-bas dans une roulotte en Espagne, elle s’est éprise d’un saltimbanque, un clown triste, torturé et violent, qui ne l’aima que mal et brièvement, avant de disparaître dans l’incendie né des vapeurs de l’alcool. La jeune amoureuse dévastée revint le coeur et les mains vides, mais le ventre gros d’un embarras que rien ne fit passer. Depuis, la mère et l’enfant vivent au bord d’un lac, en marge d’une bourgade provinciale où « les femmes se tiennent par la langue », « lourdes de haine et d’envie », tant « elles sont petites et sottes et ternes à côté de Maman – qui partout brille comme une étoile. »
Avec l’instinct d’un animal grandi comme il a pu dans le sentiment confus d’une disgrâce et d’une insécurité qui l’enjoignent à se faire petit et discret malgré sa soif de caresses, l’enfant s’imprègne, en silence et dans la crainte, des humeurs qui flottent autour d’elle et qui bornent son univers. Inaccessible et souvent méchante dans un chagrin et des désillusions que la fillette n’a que trop conscience d’incarner, cette mère n’est plus en réalité qu’une étoile morte, dont le reste d’éclat tourne peu à peu au clinquant artificiel d’une femme perdue, à mesure que ses fréquentations masculines profitent de plus en plus bassement de sa quête d’attachement amoureux. Son extravagance chaque jour plus désespérée entretient d’autant mieux la prescience d’une catastrophe imminente que l’incipit annonçait sa disparition et que, hantée par la même soif d’amour, sa fille laisse bientôt entrevoir des signes répétés et inquiétants d’une violence latente et explosive. Alors, comment tout cela va-t-il finir ?
Sara Bourre nous plonge dans la matière vivante des émotions sans jamais les formuler, empruntant à la peinture et à la poésie pour une écriture suggestive qui fait l’immense originalité et l’extrême beauté de ce premier roman. En moins de deux cents pages ciselées comme des poèmes en prose, chaque mot précis et dense de sens contribuant à un précipité d’images et de sensations presque physiques, elle incarne avec force et singularité une histoire universelle, laissant entrevoir, sous sa surface superbement stylisée, le vertige de dangereux précipices psychologiques. Un livre et une plume magnifiques, pour un immense coup de coeur.
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