"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
A 20 ans, Luz commence à avoir des doutes sur ses origines et se lance dans une recherche étrange qui lui fera découvrir qu'elle est la fille d'une militante de gauche, morte peu après sa naissance en prison, et confiée à la famille d'un des dignitaires de la dictature argentine. Elle va mener son enquête. Une histoire qui éclaire cette sombre période de l'histoire de l'Argentine. * Elsa Osorio est née en 1953 à Buenos Aires. Elle a écrit plusieurs romans et participé à la rédaction de scénarios pour le cinéma et la télévision. Ses ouvrages, où elle aborde souvent le problème des droits de l'homme, lui ont valu d'être récompensé par Amnesty International. Elle a aussi reçu le prix National de Littérature, équivalent argentin du Goncourt.
Madrid 1998. Luz est venu d'Argentine dans l'espoir d'y rencontrer Carlos Squirru, qui est peut-être son père. Elle va lui raconter son histoire, ses histoires...
Celle, officielle, de la petite fille d'un colonel fachiste, un de ceux qui semèrent la terreur durant la dictature militaire des années 1076-1983.
Et celle qu'elle tente de reconstituer, où elle pourrait être la fille d'une prostituée, ou d'une militante anti-fachiste, enlevée à sa mère par les militaires.
C'est le troisième roman que je lis sur ce thème des enfants enlevés à des parents opposants, par des soutiens de dictateurs (*).
Le premier, L'affaire Jane de Boy, de Simone Gélin, est un thriller qui aborde le sujet avec délicatesse et beaucoup d'empathie.
Le deuxième est Mapuche, de Caryl Ferey, un de ces romans noirs très violents auxquels l'auteur nous a habitué (mais le seul, parmi ceux que j'ai lus, qui se termine à peu près bien pour les héros).
Et voilà donc Luz et le temps sauvage... La quête d'une jeune fille, d'une jeune femme, d'une jeune maman, qui a le sentiment diffus de ne pas être à sa place, qui se sent rejetée par une mère, qui pourtant ne sait pas.
Je ne m'attarderai pas sur l'intrigue. J'en ai dit l'essentiel.
Parlons des personnages. L'autrice a choisi de mettre en avant la bienveillance, l'empathie, la solidarité, l'amour, l'espoir. Bien sûr, compte tenu du sujet, la barbarie ne peut être totalement absente ; mais "la bête", "le colonel" ou "la mère officielle" ne sont là que comme des repoussoirs. Le roman offre donc une galerie de portraits qui met en avant l'humanité contre la violence.
Terminons par l'écriture (et donc également la traduction).
Le roman est découpé en trois parties : 1976 et la naissance de la barbarie ; 1983, la fin de la dictature et le temps des questions ; 1995-1998, l'âge adulte et celui des réponses. La narration alterne l'histoire vécue et l'histoire racontée, donnant du rythme la lecture. Ces deux points structurent le roman.
L'écriture (la traduction) est délicate. Elle ne cherche pas la complexité, plutôt la simplicité. Elle s'appuie sur les faits, les doutes et les questions, ne recherche pas l'emphase. Elle réussit à restituer avec beaucoup d'émotion les interrogations de Luz et la violence de ses jeunes années.
Un vrai coup de cœur. Et ce n'est donc pas par erreur que j'ai attribué ♥♥♥♥♥♥ / 5 à ce magnifique roman sur mon blog !
(*) Et j'entends ce matin à la radio que l'histoire se répète, dans les régions ukrainiennes occupées par les russes...
Chonique illustrée : http://michelgiraud.fr/2023/02/06/luz-ou-le-temps-sauvage-elsa-osorio-editions-metailie-une-quete-emouvante-un-coup-de-coeur/
Luz est née à Buenos Aires en 1976, au début de la dictature militaire en Argentine. Ce n’est qu’à ses vingt ans, à la naissance de son fils, qu’elle commence à s’interroger sur ses origines. Et si elle n’était pas la petite-fille d’un lieutenant-colonel aux mains sales, mais l’un de ces enfants de « disparus » à qui l’on a volé l’identité ? Commence pour elle une quête difficile, aboutissant à sa rencontre, en 1998, avec son père biologique, opposant politique réfugié à Madrid. Ce livre est le récit de cette fille à son père de tout ce qu’il lui a fallu démêler pour comprendre son histoire et celle de son pays, et, pour, enfin, le retrouver.
Usant d’une technique narrative efficace et d’un ton sobre exempt de tout pathos, la narration dévoile peu à peu les méthodes d’extermination utilisées par la junte argentine au nom d’un national-catholicisme justifiant une répression massive, organisée et systématique, des opposants. Des dizaines de milliers de personnes disparurent sans autre forme de procès - parfois de simples adolescents protestant contre les frais d’inscription universitaires -, torturées et exécutées dans des centres clandestins de détention. Des centaines de bébés furent volés à leur naissance dans ces prisons, et, adoptés sous une fausse identité par des familles en mal d’enfant proches du gouvernement, font aujourd’hui encore l’objet de recherches, sous l’égide de l’association des Grands-mères de la Place de mai.
Au-delà des atrocités commises, la narration souligne la terreur vécue pendant ces « temps sauvages », l’épaisseur d’un mensonge institutionnalisé qui, quand ce livre paraît, pèse encore sur la société argentine, au travers de situations familiales complexes, douloureuses et violentes, alors qu’après la chute du régime, le gouvernement a amnistié la plupart des militaires impliqués par la Loi de l’Obéissance Due – loi que ne devait être abrogée qu’en 2003 – et que menaces et meurtres ont toujours cours pour réduire au silence les personnes trop entreprenantes dans leur quête de vérité.
Dénonciation d’un génocide qui a usé des enfants des détenus assassinés comme de butins de guerre, mais surtout du silence et de la peur qui, en cette fin des années quatre-vingt-dix, entravaient encore la recherche de leur identité, ce livre illustre l’importance et le courage de tous ceux qui, les Grands-Mères en tête, continuent à oeuvrer pour restituer les enfants volés à leurs familles légitimes et pour faire condamner les responsables de ces crimes contre l’humanité. Alors, peut-être, deuil et chagrin pourront-ils un jour être surmontés, fermant, pour les générations futures, le chapitre d’une douleur aggravée par l’impunité des coupables. Coup de coeur.
Luz est née à Buenos-Aires en 1976. Elle a grandi dans une famille aisée et à l'abri des tourments de la dictature qui sévissait pendant ces années là. Son grand-père maternel est d'ailleurs un colonel très puissant. Mais Luz, depuis toute petite, souffre de crises de panique, de cauchemars dont le pédiatre ne peut expliquer la cause.
Si la petite fille se sent très proche de son père, elle rencontre des difficultés relationnelles avec sa mère. Les tensions s'aggraveront après la disparition de son père et quand Luz deviendra mère à son tour à 22 ans, elle entamera des recherches sur son identité.
En effet, elle a découvert quelques années plus tôt, les horreurs commises par les militaires pendant la dictature : les enlèvements, les tortures, les bébés volés à la naissance à leurs mères détenues qui étaient peu après tuées.
Ce roman dévoile d'une façon que j'ai trouvée formidable car il n'y a pas de pathos, tout est très justement dit : la situation en Argentine dans le milieu des années 70, les comportements des fachos et de ceux qui voulaient rétablir la démocratie (les subversifs).
Il touche aussi au secret de famille et à la vérité sur la filiation.
C'est un excellent roman construit en trois parties. Il n'y a pas de chapitres, seulement une suite de réflexions des personnages impliqués (un peu comme si on lisait dans leurs pensées). L'intrigue est très forte, on se demande vraiment ce qui va se passer et comment tout va se terminer.
L'Argentine n'a pas encore fini de retrouver les bébés volés par la dictature argentine : à lire aussi : Moi, Victoria Donda, enfant volée...
Luz, 22 ans, débarque à Madrid depuis l’Argentine, pour y rencontrer Marcos, argentin lui aussi qui a quitté son pays il y a de nombreuses années.
En découvrant cette jeune femme inconnue qui lui parle de Liliana, sa femme disparue pendant la dictature militaire des années 1970, Marcos replonge dans l’histoire de son pays et dans sa propre histoire.
Attablée à un café, Luz évoque le passé obscur et tourmenté de son pays, sa propre enfance entre un père disparu tragiquement lorsqu’elle avait 7 ans, une mère rigide, aimante mais tyrannique, un grand-père ancien militaire influent… Elle parle aussi de Miriam, la femme qui l’a menée jusqu’à Carlos, une ancienne prostituée, une femme qui n’a jamais pu être mère, qui a eu pour compagnon une brute responsable des basses oeuvres de la dictature…
Les portraits s’enchaînent, les personnages se croisent. Le rythme et l’attention sont soutenus à l’évocation de ces temps troublés où une jeunesse idéaliste et téméraire tentait de vivre et de se battre pour des idéaux et plus de liberté, pendant que des hommes sans scrupules, avides de pouvoir et tortionnaires dénués de sentiments ne faisaient d’eux qu’une bouchée.
Enfin, Liliana, la jeune épouse de Marcos, emprisonnée et disparue alors qu’elle était enceinte, est le personnage central du récit. Et on comprend assez vite qu’elle est intimement liée au destin de Luz…
Ce roman m’a énormément plu. Il évoque avec beaucoup de force le sujet des enfants volés de la dictature argentine, la quête des grands-mères dont les médias se font périodiquement écho. S’il est conduit comme une fiction, les personnages sont sans doute proches ou représentatifs des protagonistes de cette période. L’insoutenable est évoqué avec force et retenue, le poids de l’histoire avec un grand h comme de l’histoire personnelle de chacun également.
J’ai découvert Elsa Osorio avec ce roman, j’ai beaucoup aimé son écriture et le sujet mis en valeur à travers des personnages aux portraits finement brossés et mis en valeur.
Je vous recommande chaudement cette lecture !
https://mesmotsmeslivres.wordpress.com/2017/06/14/luz-ou-le-temps-sauvage-de-elsa-osorio/
Luz, née en 1976 en Argentine pendant la dictature militaire, raconte comment elle a découvert qui étaient ses vrais parents.
[...] Des années plus tard, Luz raconte la vérité sur sa naissance et sur ses vrais parents. Elle raconte l’impuissance et la douleur des familles dans une époque où rêver de démocratie était une condamnation à mort. Elle raconte l’aveuglement de ceux qui sont proches du pouvoir et qui refusent de voir que l’épuration est perpétrée par leurs maris, leurs pères, leurs frères. Elle raconte aussi l’acharnement des Grands-mères de la place de Mai qui ont tenté de retrouver les enfants disparus, même si peu d’entre eux ont été révélés sous leur vraie identité.
On découvre très tôt qui sont les vrais parents de Luz, Elsa Osorio a choisi de raconter les événements de manière chronologique. La teneur du roman n’est pas : qui sont ses vrais parents, mais plutôt, comment va-t-elle remonter la piste de ses origines ? Il n’empêche que l’intensité est au rendez-vous, même si davantage d’éléments historiques concernant la dictature méritaient leur place. D’entrée de jeu, Luz nous plonge dans ses origines obscures, sans répit ni poésie, délivrant la parole de ses parents, de ses oncles et tantes, sur vingt ans d’histoire, usant parfois du “tu” qui dévore le lecteur dans ces horreurs.
Voilà donc un roman fort qui fait remonter à la surface les « temps sauvages » de l’Argentine largement impunis, et qu’il ne faut pas effacer des mémoires, d’autant que des horreurs pareilles arrivent encore dans le monde. Si vous vous intéressez à l’Argentine, un détour par ce livre s’impose !
L'article entier sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/luz-ou-le-temps-sauvage-elsa-osorio-a107816780
Déroutant par sa construction, il faut passer les 50 premières pages de ce roman bouleversant pour se laisser emporter par la terrible histoire des disparus : ces milliers de jeunes gens qui ont disparu sous la dictature militaire argentine dans les années 76-83, ces centaines de bébés disparus en même temps que leur mère, laissant des grands-parents éplorés et impuissants.
Déroutant car l’auteure passe d’un personnage à l’autre et d’une époque à l’autre, sans transition aucune et j’ai eu un peu de mal au début à discerner qui était qui et à quelle époque. Puis le récit se fait plus fluide et la tension monte à chaque page pour transformer cette lecture en un véritable thriller.
Il y aura peu de suspense sur l’identité de Luz, car on sait dès le début qu’elle fait partie des ces enfants disparus, et on se doute rapidement de l’identité de son premier interlocuteur.
Mais Luz, elle, n’a pas fini de savoir qui elle est, d’où elle vient ; dans un long dialogue avec Carlos, Luz tente de démêler les fils de son histoire tragique, l’enquête patiente qui l’a conduite à découvrir les tenants et aboutissants de sa naissance, l’identité des tortionnaires, des personnes qui l’ont « volée » et des témoins de l’époque, les victimes collatérales au mystère de sa naissance…
Dans un magistral retour sur ces évènements tragiques, Elsa Osorio nous fait partager l’histoire déchirante de l’Argentine qui n’a pas fini de pleurer ses morts et ses enfants disparus : un roman captivant et absolument bouleversant !
Un excellent roman à lire sur le même thème : La Perrita, d’Isabelle Condou
Années 70. Dictature militaire argentine.
Les camps d'internement clandestins où furent retenus prisonniers et torturés des milliers de personnes, des femmes enceintes et tuées à qui on a enlevé leur bébé à la naissance pour les donner clandestinement à des familles de militaires, policiers ou personnes proches du pouvoir, l'association des grands-mères de la place de mai... Luz, une petite-fille arrachée à sa jeune maman et élevée par la fille d'un officier militaire.
Une histoire magnifique qui nous apprend des choses terribles sur cette période et nous conte l'histoire de l'enfant d'une disparue qui bien que fictive ici, est sans nul doute le reflet de nombreuses histoires réelles.
Une très belle fin qui serre le coeur et fait verser une larme mais pleine d'espoir.
J'ai adoré.
A lire.
Pour info :
L'association des grands-mères de la place de mai :
"Avec la collaboration de scientifiques et d'institutions internationales (Blood Center de New York University de Berkeley) les Grand-mères ont rendu possible aujourd'hui la preuve de la filiation d'un enfant à 99,99 %, même en l'absence des parents. Ce taux est appelé indice de abuelidad (taux de grand-maternité), en référence à la démarche de ces femmes. Le taux est établi au moyen d'analyses spécifiques du sang des grands-parents, des oncles et des frères et sœurs.
Leur travail a permis d'identifier 107 des 500 enfants kidnappés ou nés en détention durant la période militaire et clandestinement adoptés."(source : Wikipédia)
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