"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Alina a grandi à Vulkova, en Europe orientale. Éduquée jusqu'au collège par un père biologiste dont les travaux la fascinent, elle a développé une insatiable curiosité. Sa rencontre avec la magnétique Luda la fait sortir de sa bulle et les deux filles sont vite inséparables.
Tandis qu'Alina devient mathématicienne et rêve en secret de pouvoir fournir un jour à son père l'or le plus pur possible pour ses expériences, Luda éblouit le monde en tant que mannequin vedette.
Les deux amies se retrouvent à Paris, où Alina est embauchée dans une société de gestion à la hiérarchie implacable. Avec l'aide de Luka, jeune as de la gestion des risques, et celle de Lionel, le vieillissant lieutenant du P.-D.G., elle est chargée de débloquer les liquidités associées aux Tickets Restaurant pour les faire fructifier. C'est sans compter sur les jalousies intestines et l'imprévisible P.-D.G.
Obnubilée par son dossier, et tandis qu'elle grimpe l'échelle des trahisons invisibles, Alina est progressivement intégrée au cercle des grands « optimisateurs ». Mais à quel prix ?
Magnétique, tout en finesse « L’or qui fait de l’or » est un roman qui nous prend par la taille et nous invite à pénétrer dans une histoire tout en mouvement, judicieuse et attachante.
Nous suivons des yeux Alina -Alinochka depuis sa plus tendre enfance. Bercée au rythme des mathématiques, un père biologiste, dont les travaux sont des tentures subliminales.
La quête des sens, la beauté des équations, l’or dans un sablier.
Alina est surdouée, une intelligence qui se révèle des plus cartésiennes.
« Peut-être que rien du tout ne serait arrivé, si, vers l’âge de six ans, je n’étais pas tombée par hasard sur un cahier étrange dans la bibliothèque de mon père. »
Alina grandit dans cette citadelle où le hasard n’est pas. Les conjugaisons altières, les mathématiques sublimées dans les gestuelles, les paroles et les respirations. Le macrocosme des entendements. Tout est relié, dans le socle même d’une fusion symbolique. Alina est perfectible. Éveillée, perspicace et brillante, sa curiosité s’avère de l’or dans ses mains.
« le code est déjà à l’intérieur, tu as de quoi décrypter toutes les langues, comme tu l’as fait sans le savoir, avec les codes de la respiration, la marche, la parole. »
Vulkova lève son voile, l’Europe centrale habille la trame, fait vibrer l’entendu d’une époque qui s’étire jusqu’à notre présent. « Luda était la seule amie que j’invitais à la maison . » Complices, fusionnelles, l’amitié estimable et souveraine, les confidences étoilées. La connivence à l’instar d’un collier dont les perles se partagent. L’échange comme de la poudre d’or. Gémellaires, elles n’auront de cesse toute la vie, de se voir, de cohabiter, de se soutenir. La connaissance au grand levant, l’une pour l’autre et l’autre pour l’une. Le summum d’une relation resplendissante, joyeuse et tendre. Luda devenue mannequin, le double cornélien d’Alina. L’ombre et la lumière, le pilier et l’éphémère. Elles sont opposées dans le grand jour. Miraculeuses dans le choc des contraires. Le lieu de vie comme une communion. Le point de chute, la croisée des chemins, la voie de traverse.
« Arrête de tourner autour du pot ! Je sais ce qu’il nous reste à faire ! Toi, tu iras dynamiser l’or avec tes modèles mathématiques à Paris, et moi, je ferai model en Italie. »
Alina va gravir les échelons dans une société aux diktats prononcés, dévoreuse et implacable. Elle va jouer des coudes. Se méprendre. Contrer les valeurs inculquées par son père. Prendre des coups, affronter les risques d’échecs. Elle est prise dans les mailles d’une hiérarchie mordante. Elle jongle avec la finance, les challenges comme des défis. Le piège des sociologies et des psychologies d’un monde du travail impitoyable qui se referme immanquablement sur elle.
« L’or qui fait de l’or », l’éthique tirée au cordeau, Alina perd ses plumes raisonnables. La métaphore d’une réussite intérieure, la gloire des solutions. Pas maintenant, pas tout de suite, demain peut-être. Alina est un emblème. Transformer les tickets restaurant comme des as de pique. L’or invisible, la finance aux abois. Elle doit faire ses preuves. Trouver le Graal. Mais sa loyauté et sa droiture sont faussées dans le trouble négatif d’une société où le PDG imprévisible, arrogant, pousse ses employés tels des pions sur un jeu d’échec en bascule. Tel l’homme qui est un loup pour l’homme de Thomas Hobbes. Alina ressent le mordant des déceptions, des petites lâchetés. Les trahisons tourbillonnent. Aline cherche la pièce manquante.
Luda est dans une constance joyeuse et pétillante. Telle l’amie prodigieuse d’Elena Ferrante. Elle est le versant sud, le soleil, la douceur des intuitions révélées.
« Luda se déplace avec une telle grâce. Ses pieds épousent à la perfection la courbe vertigineuse des talons aiguille et lorsque nous nous engageons dans le grand escalier, on croirait que l’espace lui-même s’écarte à son passage. Luda ne descend pas l’escalier, c’est l’escalier qui se déplie sous ses pieds. À chaque nouvelle marche, ce n’est pas un pied qu’elle y pose, mais une goutte d’apesanteur. »
D’une contemporanéité affirmée et conquise, politique et délicieusement chaleureux, la force d’un récit trépidant qui démonte un à un les carcans de la finance. Sous l’écorce la beauté des philosophies altières. Une amitié à l’instar d’un envol de papillons de nuit. Un ballet voluptueux, constant et charnel. Les contraires assemblés, l’or qui fait de l’or. L’adage initiatique : « ma position, tu la connais. La mathématique ne pense pas et ne voit pas. Elle permet tout juste d’échafauder un premier balcon d’où regarder. Ce que tu décides de faire avec ce que tu vois ne peut être validé que par toi. »
Un talisman. Après le fabuleux « Nous dînerons en français » réédité en poche par Intervalles et une participation au recueil « Filles de l’Est, femmes à l’ouest » « L’or qui fait de l’or » d’Albena Dimitrova est le piédestal éditorial. Publié par les majeures Éditions Intervalles.
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