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«Sur l'avenir, tout le monde se trompe. L'homme ne peut être sûr que du moment présent. Mais est-ce bien vrai ? Peut-il vraiment le connaître, le présent ? Est-il capable de le juger ? Bien sûr que non. Car comment celui qui ne connaît pas l'avenir pourrait-il comprendre le sens du présent ? Si nous ne savons pas vers quel avenir le présent nous mène, comment pourrions-nous dire que ce présent est bon ou mauvais, qu'il mérite notre adhésion, notre méfiance ou notre haine ?»
Milan Kundera, c'est ma récompense.
Que je vous explique.
Après un temps plus ou moins long de découvertes, de services presse, d'auteurs inconnus..., je m'octroie une valeur sûre, une friandise, un opéra, un tour de magie ou de manège... appelez-le comme vous voudrez.
L'ignorance.
Irena est Tchèque, exilée en France.
Josef est Tchèque, exilée au Danemark.
Tous deux reviennent à Prague pour un court séjour, après avoir fui le régime communiste. Un séjour qui va remettre pas mal de choses en perspective pour eux, notamment leur condition d'immigrés.
C'est un livre sur la nostalgie. En espagnol, la racine de nostalgie est souffrance.
La souffrance de ne pas savoir ce que devient l'autre, ou son pays, sa ville natale. Nostalgie de ce qui aurait pu être et ne deviendra jamais.
C'est un livre sur l'exil, et sur les racines bien sûr.
Et comme d'habitude, avec Monsieur Kundera, on se laisse porter par cette écriture si belle, si musicale. Pas un détail qui ne romp le rythme, dénote ou denature.
Même les occasions de digressions philosophiques sont un régal de littérature.
Kundera traite à travers ses personnages le parcours d'homme et de femme exilés avec sincérité et humanisme.
Tel Ulysse revenant à Ithaque, 20 ans après l’avoir quittée, Irena et Josef reviennent à Prague après avoir émigré, elle à Paris, lui au Danemark.
Et s’ils se sont connus autrefois, il n’y a de commun entre eux que ce déracinement assumé, qui en fait des « frères et sœurs » d’immigration.
L’ignorance, c’est celle de la vie qu’ils n’ont pas vécue dans leur pays d’origine, avec leurs amis d’enfance et leurs parents.
Mais c’est aussi celle de la vie qu’ils ont vécue pendant 20 ans, dont personne au pays ne se soucie ; comme si en partant, ils disparaissaient aux yeux de ceux qu’ils ont quittés.
C’est à la fois un roman racontant l’histoire des retrouvailles de deux êtres que tout a séparé ; et c’est aussi un essai sur le malaise de l’émigré qui ressent de la nostalgie pour son pays d’origine, mais qui oublie en même temps la plupart des souvenirs de son ancienne vie.
J’ai été très touchée par ces personnages qui se sentent à la fois heureux des choix qu’ils ont faits , mais qui gardent en eux la blessure de l’exil.
Kundera sait nous atteindre par sa façon si profonde de voir les choses simples de la vie et d’y apporter un autre regard, et c’est superbe.
Comme je ne lis pas la quatrième de couverture, je ne savais pas de quoi parlait le roman. En ces temps le titre m'a attiré et l'a fait sortir de ma longue PAL.
Je découvre que Kundera traite ici un sujet cher à son coeur. L'exile, l'immigration et la nostalgie qui en découle.
Le roman est concis, précis, sans longueurs ni fioritures. Kundera sait nous amener à l'essentiel, il sait nous livrer ses pensées philosophiques.
Il le fait avec brio dans cette succession de chapitres où on découvre des exilés dont le chemin finit par se croiser:
Irena qui vit en France
Josef exilé au Danemarque
Milada exilée dans son propre pays, à sa propre histoire.
Des personnages ayant quitté leur pays, laissant tout derrière eux, ignorant cet avenir dans le pays laissé, tous torturés par cette ignorance, par cette nostalgie forte, celle de leur ithaque.
Un plaisir renouvelé à chaque lecture des oeuvres de kundera.
Je suis une inconditionnelle de Kundera, donc voilà un de plus que j'ai aimé, adoré...
En résumé
De quoi se souvient-on ? Telle est bien la vertigineuse question que pose le plus français des romanciers tchèques dans un roman aux multiples facettes. Un subtil voyage au cœur de la psyché humaine.
Un avis
"Si quelqu'un pouvait détenir dans sa mémoire tout ce qu'il a vécu, s'il pouvait à n'importe quel moment évoquer n'importe quel fragment de son passé, il n'aurait rien à voir avec les humains : ni ses amours, ni ses amitiés, ni ses colères, ni sa faculté de pardonner ou de se venger ne ressembleraient aux nôtres."
L'épopée du retour appartient-elle encore à notre époque ? L'Odyssée serait-elle concevable de nos jours ? A quoi se rapporte la notion de patrie ? La brièveté de la vie nous permet-elle de nous attacher à un autre pays ? Comment accorder les mémoires de ceux qui se retrouvent après de longues années d'absence ? Les souvenirs ont-ils un volume temporel mesurable ? Comment cohabiter avec les morts ?
Autant de questions que se posent Josef et Irena, de retour à Prague pour une courte visite. Il a quitté son pays pour le Danemark parce qu'il ne pouvait supporter de le voir asservi et humilié, elle est partie à Paris parce que la police secrète ne laissait pas son mari en paix. Veufs l'un et l'autre, ils se confrontent au passé, s'interrogent sur l'avenir vers lequel le présent les mène, se rencontrent. Ils orchestrent, à leur manière, la lente cérémonie des adieux définitifs à ce pays d'origine qu'ils aiment entre tous et qu'ils sont prêts à perdre une nouvelle fois, sans regret.
A travers ce récit où les destins se brassent et s'enchevètrent, où l'Histoire de la Tchécoslovaquie épouse la fiction romanesque, Milan Kundera interroge le concept du Grand Retour au pays d'origine. Tendue par une écriture dénuée d'artifice, L'Ignorance est l'une de ses œuvres les plus abouties.
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