"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Quels fils invisibles et mystérieux peuvent relier le New York du début du XXe siècle, qui regorge d'immigrés fuyant la famine et les persécutions, au lointain delta du Danube, terre misérable où dominent la nature sauvage et les superstitions ?
Ces liens aussi délicats que surprenants, Cãtãlin Dorian Florescu les tisse en une fresque épique de plusieurs générations, jusqu'au début du XXIe siècle où s'entrelacent les récits de Ray, artiste américain obstiné à ressusciter le vaudeville, et d'Elena, qui a grandi orpheline en Roumanie. Elena raconte l'histoire de sa mère, née en 1920, reléguée dans ce qui fut la dernière léproserie d'Europe. Ray, lui, fait revivre son grand-père, petit vendeur de journaux miséreux de l'East Side dans les années 1900 qui, grâce à sa voix, apporte le bonheur tantôt à ses amis, tantôt à de jeunes femmes désespérées.
Peu à peu se dessinent le tableau du siècle entier, les drames personnels et collectifs au sein de l'Amérique, de l'Europe, de la Roumanie. Entre rêves et exils, vie et mort ou recherche d'identité.
Le récit à deux voix flamboyant, l'écriture limpide, souvent d'une grande poésie, rendent L'Homme qui apporte le bonheur à la fois bouleversant et lumineux.
Reçu dans le cadre d’une opération Masse Critique, je remercie Babelio et les Editions des Syrtes pour cette belle découverte.
Càtàlin Dorian Florescu est né en Roumanie. A l’âge de quinze ans, il s’enfuit avec sa famille en Suisse. Il vit à Zurich et écrit en langue allemande.
Il y a deux narrateurs, chacun vivant sur un continent différent.
Ray, vit dans la Grosse Pomme et raconte la vie de son grand-père, petit vendeur de journaux dans un New York où, en ce début du XXème siècle, tant de gens peinent à survivre. Notamment les enfants abandonnés dont faire partie ce grand-père. Sa vie ressemble beaucoup à celle d’Oliver Twist de Dickens.
Elena vit dans une petite bourgade de Roumanie. Elle est orpheline, elle a connu plusieurs familles d’accueil. Elle travaille dans une usine dans un pays qui est sous le régime de Ceaucescu. Elle apprendra par hasard qu’elle n’a pas été abandonnée à la naissance par sa mère mais que celle-ci, lépreuse, vivait recluse dans la dernière léproserie d’Europe.
Quelle est la probabilité que Ray et Elena se rencontrent ? Quasi nulle… mais la Vie, par un de ses détours improbables, va les mener l’un vers l’autre, donnant un sens à leur quête d’identité.
J’ai aimé le style et l’écriture de Càtàlin Dorian Florescu que je lisais pour la première fois. Dès les premières pages, l’histoire m’a intéressée et j’ai parcouru les rues de New York avec « grand-père », surprise et parfois horrifiée du sort de ces enfants livrés à eux-mêmes.
D’un autre côté, j’ai aimé découvrir la vie en Roumanie à une époque où la vie était plus que rude pour les paysans et les ouvriers.
» L’homme qui apporte le bonheur » fut une belle découverte d’un auteur dont j’ai envie de découvrir les autres romans ainsi qu’un très bon moment de lecture.
L’éminente littérature !
Un kaléidoscope profondément humain. Un récit qui excelle de sentiments, de regards, sans réserve envers les belles généalogies.
« L’homme qui apporte le bonheur » est une immersion sociologique et intime, dont on pressent le tracé des ancêtres de Cãtãlin Dorian Florescu.
C’est une épopée qui frôle notre contemporanéité, du début du vingtième siècle à aujourd’hui.
Dans l’évidence d’assembler deux familles sur trois générations, séparées par l’océan et deux fleuves l’Hudson et le Danube. Les voix, ici, dans ce roman où l’étirement du temps n’a pas lieu, sont rémanence, regain et honneur aux aïeux.
Ray conte son grand-père, orphelin, dans un New-York en noir et blanc. Il est débrouillard, tenace, la faim au ventre, ce petit poulbot grandissant dans les ruelles affames, grises, entre les siens, les abandonnés. De cireur de chaussures, il devient vendeur de journaux à la criée.
« - Je te prends trois journaux l’Allumette ! - Vraiment ? Dit grand-père.
- Avec le premier, je cirerai mes chaussures ; avec l’autre, les boutons de ma livrée ; et le troisième, je le laisserai ouvert sur la table, pour faire croire que je sais lire. Tu as vendu quelque chose aujourd’hui ?
- Pas beaucoup.
- Tu vois… Et tu as mangé ? »
« Mon grand-père, ce garçon qui ne savait pas s’il allait survivre à la journée du lendemain, encore moins tombé amoureux un jour, faire des enfants et avoir un petit-fils, moi... »
Fils de personne, qui aime chanter, faire pleurer les femmes de par sa voix cristalline. Qui fait d’une chanson, l’existence de tous, l’exutoire pur et douloureux. « Un répertoire de sanglots, de pères disparus, de vie et de mort. »
Une voix qui ne traverse pas la rue, ne s’élève pas, mais acclame les engloutis, ceux qui sont cachés dans les entrailles des migrations intérieures. « L’homme qui apporte le bonheur », c’est lui. Les rêves pour regards, le chant pour baume, pour ceux et celles dont les espoirs sont des cendres devenues. Ces migrants d’Italie, d’Irlande , et de l’Europe de l’Est. Lui, le porte-voix, l’épiphanie des consolations.
On ressent dans cette chronologie qui touche au cœur, l’évidence, le vertige, les mêmes objectivités que notre présent. Cet hymne au bonheur en devient universel.
Elena est dans l’autre versant. La Roumanie et ses toits rougeoyants, dans un battement intermittent, elle conte sa mère, qui sans même le vouloir, elle est le double cornélien du grand-père de Ray. Elena, mère et fille confondues, dans un même prénom.
« - Pourquoi est-ce qu’elle ne pleure pas ? Demanda Vania. - Parce que les femmes sont plus malignes que les hommes. Toi, tu pleures de suite. Mais elle, elle sait qu’elle doit garder ses forces pour tout le reste de sa vie. »
« C’est ainsi que ma mère reçut le nom de ma grand-mère et me le transmit, quarante ans plus tard. Je suis la troisième de toute une série d’Elena, Ray. »
Cette mère qui a la lèpre et doit s’exiler de force, dans la dernière léproserie d’Europe. Elena parle des fenêtres masquées, des marécages et des feuillages qui cachent les visages hideux. Des roseaux qui emprisonnent l’amour et la vie. Sa mère comme un oisillon qui tombe trop vite du nid d’une Roumanie empreinte de prismes de survivance et de quêtes d’identités.
Une Roumanie blessée dans sa chair qu’on aime de toutes nos forces.
Ce versant d’un récit filmique, est le plus intime, le plus proche des éclats de la féminité.
Ce livre qui s’assemble telles des poupées gigognes, est un parchemin lumineux car persévérant et exemplaire. C’est un tissage où l’être devient un emblème.
Une immersion qui fait saillir ce qui ne peut sombrer de par l’adversité. L’exil, les migrations, les ténacités, les traductions à la virgule près des tragédies humaines.
Ce livre fondamental est une fresque véritablement réaliste.
Cãtãlin Dorian Florescu, roumain, exilé en Suisse, dans une langue Babel encense la littérature européenne. Traduit depuis l’allemand par Élisabeth Landes. C’est un hymne alloué pour les siens.
« Nous sommes patients. Nous sommes peut-être les gens les plus patients du monde. »
L’apogée du renom. Publié par les majeures Éditions des Syrtes.
La titre de la rentrée des Editions des Syrtes est transnational: c'est un roman traduit depuis l'allemand, d'un auteur roumain exilé en Suisse, qui a partagé le destin de deux de ses personnages à New-York. Juste après avoir fini sa lecture, j'ai pu aller écouter Catalin Dorian Florescu au Livre sur les Quais à Morges le 30 août dernier. Il s'agissait d'une discussion avec deux consoeurs, l'écrivaine française Marjorie Tixier, et son roman le pays blanc que j'ai lu ICI et l'écrivaine helvète Tasha Rumley avec son roman Une fissure en tout, autour du thème « Sagas familiales ». L'auteur a fui la Roumanie avec ses parents alors qu'il avait 15 ans : il raconte que son pays d'origine est l'élément commun à tous ses livres.
L'histoire débute avec Ray qui raconte l'histoire de son grand-père à Elena arrivée à New York avec les cendres de sa mère. Elena vient de Roumanie, du delta du Danube, une région sauvage, pétrie de dangers pour l'homme qui y vit principalement de la pêche, comme l'est d'ailleurs New York. Elena arrive à New York, le 10 septembre 2001, la veille de l'événement que l'on sait, va dans le théâtre, celui-là même où Ray attend ses spectateurs. Mais, retour en arrière, car l'histoire débute par la vie du Grand-père de Ray, racontée par ce dernier, le 1 janvier 1900, vendeur de journaux dans le ghetto des immigrants, ce qui est aujourd'hui le financial district. Les immigrants portent leurs enfants morts, le grand-père, très jeune adulte regarde cela avec la volonté de s'éloigner de ce milieu : et c'est une grande partie du récit, la lente évolution de ce grand-père, prêt à tout pour s'en sortir, qui va subir et se réinventer après chaque porte qu'il se prend dans le nez. le récit de Ray sur cet aïeul qui l'a inspiré, puisqu'il exerce finalement le même métier que lui va s'achever sur sa naissance à lui. En parallèle, nous lisons l'histoire des aïeux d'Elena dans cette Roumanie passée, un lieu de croyances et de superstitions dans ce delta qui garde jalousement sa propre histoire. La rencontre de Ray et Elena se fait en dernière partie du roman, la première place est d'abord laissée à ces aïeux, qui ont permis la rencontre de ces deux personnages.
Deux personnages qui sont nés chacun avec leur fleuve, l'East/l'Hudson River pour l'un, le Danube pour l'autre, les deux mondes, roumain et nord-américain, ne cessent de se chevaucher dans l'alternance des histoires dramatiques du grand-père de l'homme, de la mère de la femme. Catalin Dorian Florescu a eu lors de la rencontre une phrase que j'ai beaucoup aimée pour parler de son roman « le souffle de l'histoire passe dans la biographie des petites gens », ainsi la lignée des ascendants de Ray qui ont vu l'évolution du New York depuis ce début de XXe siècle jusqu'à l'attentat de 2001. Et Elena, avec la mémoire de sa mère, qui a vécu dans son coin de Roumanie, a découvert la léproserie ou sa mère est tombée amoureuse, où elle lui a donné naissance et où elle a fini sa vie. J'ai beaucoup aimé la façon dont l'auteur donne vie à cette région entre-deux eaux de Roumanie, entre terre et ciel, là ou nait une fantasmagorie achalandée par tous les débris du Danube, qui charrie corps et esprits. L'East river qui joue ce rôle du Styx qui sépare le monde des vivants et des morts, cette frontière entre deux mondes qui se touchent pas mais restent hermétique l'un à l'autre.
Il y avait un côté, sur l'Hudson River, ou arrivaient les vivants ; et l'autre, sur l'East River, où les morts quittaient la ville. Les morts et les vivants ne s'apercevaient jamais. Ils ne savaient rien les uns des autres, ils ne se croisaient pas, mais tous ils alimentaient le circuit incessant de la vie. New York accueillait les gens à l'ouest et les rejetait à l'est. Et entre les deux la ville offrait à bien peu d'entre eux une bonne vie, aisée, confortable, tous les autres elle les pressait comme des citrons.
L'homme qui apporte le bonheur, c'est le grand-père de Ray qui finit par trouver sa voix dans le brouhaha américain, une place de pantomime comme Ray le petit-fils, celui qui fera le chemin inverse d'Elena jusqu'à la trouver dans le monde qui est le sien. Dans un monde dont il côtoie les bas-fonds à longueur de journée, ce sont ces étincelles de beauté, et de bonheur pour ceux qui écoutent, du chant qui redonne un peu de couleurs à la tristesse de la vie de chacun. Au milieu du marasme citadin, un petit bonhomme qui se découvre des qualités vocales telles que femmes et hommes tombent sous son charme, un fils de personne qui finit par trouver sa voix et sa place, sur scène.
La mise en parallèle de ces deux sagas familiales est un procédé narratif pertinent, d'autant que l'auteur le symbole fort de leurs fleuves respectifs pour dresser leur histoire, leur prison personnelle, le ghetto pour l'un, la léproserie pour l'autre. J'avais décidé de lire ce roman pour le récit roumain avant tout, mais finalement, je me suis laissé prendre par le charme, certes très âpre, de l'Hudson River (...)
Cette histoire à deux voix raconte l’histoire de deux vies, deux destins à l’aube du 20e siècle, de part et d’autre de l’Atlantique.
Sur les rives de Danube, Elena rêve d’Amérique et tente de s’extraire de cette région pauvre et sauvage où la superstition s’est enracinée.
A New-York, « l’Allumette » est un jeune orphelin des rues, qui survit en vendant des journaux. Il rêve de gloire et de succès sur les scènes de Broadway. La faim et le froid menacent chaque jour cette population immigrée qui débarque en Amérique pour une vie meilleure.
Ces deux destins se lient, transportés par les fleuves, le Danube et l’East River, qui coulent comme les lignes de la main, charriant la misère, les souvenirs, les rêves et les espoirs comme des déchets.
« L’homme qui apportait le bonheur » est un roman polyphonique sur plusieurs générations, montrant sans fard la cruauté et la dureté de la vie de cette époque. Si cette période a souvent été traitée pour l’Amérique, je l’ai découverte pour les pays de l’est.
J’ai pourtant trouvé la noirceur trop présente dans ce texte, le sort s’abattant sans répit sur les personnages. Le moment où les destins se réunissent est abordée rapidement à la fin du roman.
Malgré quelques beaux passages, notamment sur la nature au bord de Danube, j’ai trouvé la lecture laborieuse. J’ignore si c’est un problème de traduction ou si cela vient de la plume de Cătălin Dorian Florescu, mais j’ai souvent dû relire des phrases pour comprendre un sens qui m’échappait. J’ai eu la sensation de rester à côté de de roman, sans réussir à entrer en empathie envers ces personnages pourtant tourmentés.
New-York, l’année 1899 commence bien pour un jeune orphelin vivant dans les rues. Lui qui vivote en vendant des journées, en cirant des chaussures, va se coucher au chaud et le ventre plein.
Ce n’est pas tous les jours que cela arrive car la ville de New-York n’est pas clémente pour les immigrants. Pour beaucoup de ceux qui pensaient vivre le rêve américain, la réalité est souvent sordide : promiscuité, pauvreté, maladie. Malgré un talent certain pour le chant, les opportunités sont rares pour le jeune garçon.
Mais la situation n’est guère plus enviable dans le delta du Danube durant les années 1920.
La jeune Elena l’apprend aussi à ses dépends. Elle vit avec une mère alcoolique et un père simple d’esprit mais qui sera la source de joie de ses jeunes années. Elle rêve d’ailleurs et surtout d’Amérique.
Deux histoires, deux narrateurs, un homme qui raconte son grand père et une femme qui raconte sa mère. Chacun narre ce qu’il a pu apprendre de la vie de son ascendant et tenter de réaliser le rêve de son parent.
Deux récits doux-amers sur les rêves qui se brisent, les vies qui prennent des chemins différents. Les coups de chances et les désillusions.
J’ai été complètement embarquée par ce beau roman. L’auteur réussit à nous dépeindre les conditions de vie de ses personnages, en faisant parfois des ellipses que chaque lecteur peut combler à sa guise. La plume est très belle et immersive, on passe d’une histoire à l’autre, sans jamais se perdre.
J’ai aimé comment l’auteur nous montre que d’un bloc à l’autre du monde, la vie est rude pour les gens pauvres, et il réussit à tisser un beau lien entre les deux histoires.
Ce n’est pas un récit triste, ce n’est pas un récit lumineux. C’est tout un dégradé de sentiments qui se tissent au fil des pages. J’ai aimé cette lecture, comme vous l’aurez compris, et je vous la recommande.
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