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Le père, un héros pour sa fille, est très malade. Il va bientôt mourir. Sa fille n'a de cesse de l'entourer, d'être présente et d'essayer de lever le mystère de sa vie.
Car le père, enfant juif avant la guerre, a été sauvé d'une mort certaine grâce à sa mère.
Sans attendre que la Hongrie rejoigne l'Allemagne, sa mère l'a emmené loin de la capitale et l'a caché dans un orphelinat.
L'identité juive du héros s'éloigne, laissant la place à une autre identité : le communisme.
Au point que l'enfant devenu adulte va croire au système et par là même accepter ses dérives.
À travers l'histoire de son père, Yudit Kiss met en évidence une identité juive bien différente de celle d'Europe occidentale : celle des populations juives des pays de l'ex-bloc communiste, plus précisément ici de la Hongrie.
« L’été où mon père est mort », il règnait une chaleur étouffante à Budapest. »
Magnifique plaidoyer, livre de vie (es). Une déambulation d’ombre et de lumière. Il faut lire et vaciller. Étreindre chaque jour, l’effusion magnétique, solaire, ce qui fera revenir le père dont l’aura était la marche du monde.
Chacun des chapitres commence par : l’été où mon père est mort. Une virgule tourne la page d’un éphéméride. L’essentiel qui persiste au temps et assigne le macrocosme de l’Histoire.
Ce n’était pas un père ordinaire, effacé, soumis et triste. C’était un homme qui n’a jamais mis de genou à terre. L’idéal et ses convictions absolument vitales.
Ce talisman est une ode, le visage d’un père en filigrane dans ce témoignage entre grandeur et merveilleux, ressacs et tempêtes. La bouleversante résistance aux évènements et qui aurait pu fracasser la personnalité d’un homme hors du commun.
« L’été où mon père est mort commença peut-être en ce lointain jour de printemps où il fallu quitter la Prague dorée » « Peut-être à ce moment là, à l’automne de 1940, que commence l’été où mon père est mort ».
Ainsi, le livre multiplie les étés, les chutes et les désespoirs. Un père abandonné par sa mère derrière les grilles de l’orphelinat. Poulbot arraché aux parois du ciel. Le risque trop grand d’une rafle. Était-ce cette grand-mère méchante pour l’autrice Yudit Kiss sa petite-fille , grandissante au fil des pages ? Dans les mouvances de la seconde guerre mondiale, juif et communiste. Plus communiste que juif qu’il taisait comme un tournesol en manque de lumière. Yudit Kiss s’émancipera au fil des pages et se revendiquera juive comme le regain d’une appartenance à ses croyances. « Cet après-midi là, je crois, j’ai décidé que j’étais juive. Le vide qui m’avait toujours habitée rencontrait celui des décors à l’absence béante des murs de Cracovie, et j’ai compris à quoi j’appartenais et là où j’étais perdue ».
Ce père qui rayonne de par ses conférences dans le monde. Intellectuel, brillant, qui ne connaît de nom que le pouvoir de transmettre. Communiste, engagé, un homme puissamment sensible. Sa famille anéantie, un par un, tous en un, et un en tous . Les chambres à gaz, la violence de la faim et les cris des torturés pour lâcher enfin au bout de l’horreur le nom d’un résistant (e). On gravite la montagne verbale, les yeux grands ouverts et l’âme triste de tant de souffrances. « Je pourrais penser que l’été où mon père est mort a commencé en décembre 1970, lorsque Wladyslaw Gomulka fit tirer sur les ouvriers qui manifestaient devant les chantiers navals de Gdansk ». « Mais ils ont tiré sur les ouvriers, murmurai-je en réponse. La dictature du prolétariat a tiré sur son propre prolétariat ».
Livre fronton, le pain pour un lendemain de faim. L’épopée d’une famille déchirée, le père est malade. Deux tumeurs au cerveau. Le corps en miettes et les yeux baissés par un trop plein d’amertume et de faiblesse. Les souffrances aux abois, rebelles et intestines.
« La mort de mon père a visiblement commencé à l’été 1992, quand a éclaté la première guerre de Yougoslavie ».
Écoutez, amis, « l’été où mon père est mort, le temps a ralenti ». Le temps des rémanences qui enchantent l’existence d’un homme extraordinaire. L’histoire du monde comme des griffes sur un livre d’Or. Survivant de tant de détresses, d’un Mur qui sépare une famille. Eux côté Est et pourtant les allemands ont froissé les pages d’un mémoriel. Tout cela ne peut s’oublier, s’absoudre dans cette mélopée viscérale d’une écriture d’amour.
« Rien de ce qui est humain ne m’est étranger ». « Était-il écrit en lettres capitales sur les murs de nos classes ».
L’adage déplié, souverain, une déclaration fraternelle comme un manifeste. L’exemplaire sincérité d’un texte, une fille formidable qui rassemble l’épars. Un père qui ne sera jamais la neige fondue et la perte du son de la voix.
Traduit du hongrois par Clara Royer, les entrelacs poursuivent l’éclat des souvenirs. Ne rien oublier de ce père valeureux. Ici, respire l’Histoire. Reste l’edelweiss. Publié par les majeures Éditions de l’Antilope.
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