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«À la porte de Gentilly, en venant de la gare, on n'avait pas vu de porte du tout, rien de rien, pas la moindre casemate, quelque chose, une sorte de monument au moins, une borne qui aurait marqué la limite, un peu comme une clôture de piquet et de barbelés entre des prés.» Fille de paysans, Claire monte à Paris pour étudier. Elle n'oublie rien du monde premier et apprend la ville où elle fera sa vie. Les pays raconte ces années de passage.
Claire quitte le Cantal, « son pays » natal pour un autre « pays », Paris, pour faire ses études à la Sorbonne. Elle raconte son parcours de jeune provinciale parmi des étudiants de classes sociales plus aisées. Elle vient de la campagne et ses parents sont agriculteurs. La littérature et la culture de manière générale ne sont pas leur tasse de thé. Son père d’ailleurs ne comprend pas son envie d’étudier les lettres classiques à Paris. Ce n’est « pas du rôti pour elle ». Mais il a bien compris qu’elle n’a pas la fibre agricole.
A la bibliothèque, elle rencontrera un bibliothécaire qui vient du pays. Un point commun qui permet de converser et de faire connaissance, de se « reconnaître » entre gens du pays. Elle délaisse son enfance pour devenir une femme, s’émanciper.
On parcourt les rues de Paris avec elle. Elle y passe ses étés pour travailler deux mois dans une banque et gagner de l’argent pour ses études. Quand elle passe du Cantal à Paris, lors de ses rares visites à ses parents, on sent une rupture entre ces deux mondes. Elle est différente selon qu’elle se trouve dans l’un ou l’autre lieu.
Elle raconte son métier de professeur et plus tard les visites de son père avec son neveu, deux fois par an, dans son petit appartement. Elle se transforme alors en guide et les emmène de musée en monument, en passant par le cinéma. Elle essaye de ne pas trop bousculer les habitudes de son père, de cohabiter quelques jours.
Un roman autobiographique en trois parties qui permet de mieux cerner Claire, un des personnages notamment de son dernier roman « Les Sources ». Vous l’aurez compris, Claire est son double.
Et puis il y a cette phrase issue de ce roman, citée par Laurine Roux récemment lors d’une rencontre « Un endroit où aller » : « Lire écrire c’était comme respirer, inspirer expirer, de tout le corps. » Marie-Hélène Lafon écrit comme elle respire et c’est beau. L’écriture dans ce roman de 2012 est déjà reconnaissable, concise et précise, même s’il y a davantage de descriptions.
Bref je poursuis ma #lafonmania et mes lectures toujours aussi passionnantes de l’œuvre remarquable de Marie-Hélène Lafon.
Ça c'est Paris !
C'est le récit façon "épopée" de la "montée à Paris" d'une provinciale, Claire, en trois épisodes.
Enfant elle découvre la tour Eiffel avec son frère et son père en logeant chez des amis de ce dernier, et pendant le même séjour visite le salon de l'agriculture.
Deuxième étape, elle est étudiante à la Sorbonne en lettres classiques (grec et latin), et Marie-Hélène Lafon explique le décalage qui subsiste inexorablement chez un adulte en construction entre ces deux mondes antagonistes.
Elle décortique cet abîme sous tous ses aspects : le parler, les habitudes de vie, l'habillement, les centres d'intérêt, tout s'oppose, et les concordances entre les gens du pays accentuent encore plus ces différences.
Troisième épisode, Claire a 40 ans, elle est enseignante, divorcée, bref le prototype même de la parisienne vivant dans un deux pièces. Elle retourne chez elle après un séjour dans son Cantal natal avec un morceau de Saint-Nectaire dans le sac à dos !
Puis elle reçoit son père et son neveu chez elle, ils veulent aller au musée du Louvre...
Le discours n'est plus le même, pas le même point de vue. Ce qui était surprenant, nouveau dans les chapitres antérieurs devient la norme, et inversement ce sont les habitudes du pays qui jurent dans la vie de cette femme définitivement devenue citadine.
Le train et le métro sont décrits comme des moyens de transition entre les deux mondes.
On dit toujours que les voyages forment la jeunesse et que lorsqu'on vieillit on revient toujours au pays. Ce ne sera pas le cas De Claire.
La langue de Marie-Hélène Lafon est toujours aussi truculente.
Extrait :
"À Paris il pleuvinait noir dans les rues brillantes chargées de gens. Dans la gare on n'avait rien senti, s'il faisait chaud ou froid, moins froid qu'à Neussargues quand même."
Un livre en trois parties.
La première, c'est l'enfance de Claire dans la ferme familiale située dans le Cantal.
La deuxième c'est sa vie d'étudiante à Paris, à la Sorbonne.
La troisième c'est sa vie de femme, professeur à Paris qui reçoit deux fois par an son père et son neveu dans son appartement parisien.
Nul doute que c'est très autobiographique.
Mais Marie-Hélène reste en retrait, s'efface derrière Claire.
Les pays, celui que l'on quitte, celui de l'enfance.
Et puis celui qu'on adopte sans pour autant jamais renier le premier.
Tout cela est parfaitement écrit et ressenti par le lecteur.
L'écriture est très professionnelle, plus que bien maîtrisée.
Elle est riche de forme, de vocabulaire.
Elle est somptueuse pourrait-on dire et peut même parfois en paraître légèrement pompeuse.
Mais mieux vaut trop que pas assez.
Et pourtant jamais prétentieuse.
Tout comme Claire qui ne met jamais en avant sa brillante réussite dans les études.
Tout comme Marié-Hélène qui reste en retrait de Claire, sans jamais lui faire d'ombre.
Toujours discrète et effacée.
Au début de la première partie, les phrases longues et enchevêtrées m'ont semblé peu claires, embrouillées.
Puis je me suis laissé porter.
Quand l'écriture est belle, il n'y a que ça à faire.
"Les rivières partent, s'en vont vers des ailleurs devinés et demeurent cependant en guipure têtue aux lisières du monde qu'elles bornent. Claire est partie, les filles partent, les filles quittent les fermes et les pays. Dans la rue, dans le métro, Claire devine parfois sous la peau des femmes de son âge, ou plus âgées, sous leurs habits de ville, sous leur carapaçon urbain, les traces vives des petites filles qu'elles furent, cartable arrimé au dos, flanquée du chien de ferme, attendant la voiture du ramassage scolaire au bout du chemin herbu,ou, plus souvent encore, enfants citadines mises au vert chez les grands-parents, à la faveur des vacances immenses, et affolées d'odeurs, de bêtes, d'orages, de nuits."
Il y aura d'abord LA montée en train à Paris depuis Neussargues. Claire et son frère Gilles accompagnent leurs parents au Salon de l'agriculture et visiter la Tour Eiffel.
Il aura fallu s'arranger avec les bêtes et la ferme pendant cette courte parenthèse.
Puis, Claire - 18 ans- y reviendra pour terminer ses études.
L'école de Saint-Saturnin, le pensionnat religeux de Saint-Flour feront place nette aux amphithéâtres de la Sorbonne. Des études de lettres classiques (latin, grec), une bourse d'étude qu'il faut mériter alors peu de distraction dans cette petite chambre du 13 ième arrondissement. Il FAUT réussir le concours. L'été au guichet de la banque pour renflouer les finances.
Et voilà, elle est enseignante et... parisienne ?
Là est le coeur du roman.
Claire est une fille de la terre, très tôt attirée par le Savoir et la Culture.
Une irrésistible envie qui vont l'éloigner de ses racines et creuser un fossé avec ses parents.
Mais, on ne quitte jamais la peau qui vous a habillée.
J'ai retrouvé la "Marie-Hélène Lafon" des débats littéraires. Une langue... mon Dieu, qui peut paraître à certains trop recherchée mais c'est la nôtre et l'auteur la magnifie comme un artisan peaufine son travail jusqu'au moindre détail .
Ce n'est pas un roman que vous allez lire, mais une oeuvre d'art.
L'histoire est très banale mais sa mise en mots est...prodigieuse.
Ne passez pas à côté de ce petit bijou littéraire.
A l’origine Claire vient de son Cantal, contrairement à sa fratrie elle n’est pas destinée à la terre, sa maladresse est légendaire ainsi que son aptitude pour les études.
Les pays de Claire sont le Cantal qui l’habite et Paris qui l’habille.
En prévision de son entrée à la Sorbonne, son père l’amène à Paris, lors du Salon de l’Agriculture.
Pour ce court séjour, ils habiteront chez des amis demeurant à Gentilly, Henri et Suzanne, qui viennent chaque année rendre visite à leur famille dans le Cantal.
Le père souhaitait venir en voiture, mais il en fut dissuadé, trop compliqué quand on n’a pas l’habitude.
Le père a une antienne, son monde qui s’efface. La fille engrange tout ce qui est possible pendant ce séjour, elle sait que sa vie sera là.
Ses premiers pas à la Sorbonne, sont ceux d’une fille de son pays qui se rappelle à elle par l’importance qu’elle accorde à la gestuelle, à la structure des corps de ses nouveaux compagnons de route.
Qu’ils soient étudiants ou professeurs, ce sont leurs corps qui parlent, qui disent.
Les mains de son professeur de Grec sont terriblement vivantes. Ce sont pourtant des mains d’intellectuel.
L’éveil à ce nouveau monde n’est pas sans douleur, se taire sur tout ce qu’elle ne sait pas de façon innée, combler ce fossé avec acharnement, travailler encore et encore.
« Claire s’exhortait à ne rien perdre, à ne rien laisser flotter ; elle pressentait qu’il lui serait difficile de revenir seule au Louvre sans être écrasée, sans crouler sous les références qu’elle n’aurait pas ; elle devait prendre ce qui était donné, là ici maintenant, et faire son miel… »
Travailler toujours, pendant les vacances « se faire des sous » qui devront, ajouter à sa bourse, faire toute l’année.
Lors de la réussite de son examen de première année, faire une folie, s’offrir un pantalon rouge, comme celui que porte les filles à la mode, c’est une récompense bien méritée.
Cet achat est une mue.
Son amitié avec Lucie lui parait improbable, comme la vie à Paris où les voisins ne voisinent pas mais s’entassent, car le mètre carré habitable est cher.
Avec Gabriel, « elle apprit la géographie. »
Claire est laborieuse, joyeusement laborieuse, « elle n’avait pas besoin de divertissement. »
Tendue comme un arc vers son but : réussir ses études.
Elle découvre qu’il y a une vie culturelle, un trésor qu’elle ne laissera pas échapper.
Elle se forge. Si son physique a la force de ceux qui ont vécu avec la terre nourricière, se sont endurcis au contact de la rudesse de cette dernière, elle devient intense et singulière.
Des années plus tard, elle transmet à son neveu. Elle a fait le choix de ne pas avoir d’enfant, son père a du mal à comprendre cette fille dont il est fier, mais qui vit de façon si éloignée des manières qui l’ont vu naître.
« Avec des femmes comme Claire, qui ne voulaient pas se charger d’une famille, supporter un mari, des enfants, et habitaient dans des appartements bourrés de livres, allaient à des spectacles ou voir des peintures dans des musées, à Paris en Autriche à New-York, au lieu d’élever des gosses et s’occuper d’une maison, avec rien que des femmes comme elle, qui gagnaient leur argent sans attendre après les hommes, ça serait bientôt la fin du monde. »
Ses mots sont comme des pierres polies par l’activité dense de la rivière, ces mots qui sont devenus les siens pour les offrir à ses lecteurs, sont autant d’empreintes de son pays, de ses pays.
« … il n’y avait pas de paradis, on avait réchappé des enfances ; en elle, dans son sang et sous sa peau, étaient infusées des impressions fortes qui faisaient paysage et composaient le monde, on avait ça en soi, et il fallait élargir sa vie, la gagner et l’élargir, par le seul et muet truchement des livres. »
Un roman où sensualité et cérébralité font bon ménage dans une belle humanité.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 2 septembre 2019.
Lire Marie-Hélène Lafon, c’est s’embarquer sur un fleuve que conduit un récit impulsé par de longues phrases et rythmé par de plus courtes, un récit étonnamment attachant, surtout lorsqu’il parle des détails de la vie quotidienne, de la vie des gens simples.
Tout commence avec un départ pour Paris, en train, même si le père aurait préféré voyager en voiture… Claire fait partie des deux enfants accompagnant leurs parents et c’est elle que nous allons suivre tout au long de ce livre où l’auteure semble avoir mis beaucoup d’elle-même.
Sans cesse, elle nous ramène dans ce Cantal qu’elle a laissé pour étudier dans la capitale, tout donner pour réussir ses études puis enseigner, sans oublier le pays du Saint-Nectaire et toutes les difficultés, toute la peine de ceux qui tentent de rester pour vivre et travailler sur place.
Après la visite décevante au Salon de l’agriculture, voici la Sorbonne et un professeur de grec remarquable qui invitait ses étudiants, en fin d’année, après la publication des résultats. Claire détaille sa propriété et note, à propos d’un cerisier méritant une taille sévère : « … sachant que l’on verserait sa procrastination au compte déjà bien garni des atermoiements inhérents aux littéraires éthérés. » Quel vocabulaire !
Les années d’internat sont aussi évoquées, comme ces rares amies liées à Claire qui n’hésite pas à consacrer la presque totalité de son repos estival à travailler au guichet d’une banque. Le hasard lui fait rencontrer un Pays, magasinier à la bibliothèque de la Sorbonne et c’est tout le Cantal qui revient…Plus loin, elle explique sa réussite aux examens : « Elle avait fiché, compartimenté, absorbé sans fin, en brute méthodique. Elle avait ruminé, digéré et recraché. »
Nous la retrouvons à la quarantaine, de retour du pays, gare de Lyon où elle remarque : « Les filles des affiches sont des bêtes longues et maigres au pelage soigné, elles vendent des produits, elles sont dressées pour ça et appointées. » Finalement, elle reconnaît avoir deux terriers : un dans la ville minérale et un autre, là-haut, « son terrier des champs »
Pour finir "Les Pays", voici le père de Claire à Paris, dans le métro, au Louvre et ses réflexions sont savoureuses mais le constat est simple : « Le bref séjour annuel à Paris permettait au père de mesurer la distance creusée entre Claire et lui par cela même qu’il avait toujours souhaité pour ses filles, la réussite dans les études et un métier stable.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Installés depuis quelques années déjà en banlieue parisienne, Suzanne et Henri, les parents de Claire et Gilles, agriculteurs dans le Cantal, ont accepté l’invitation de leur amis installés depuis neuf ans en banlieue parisienne. Premier voyage à Paris et au programme la visite attendue du Salon de l’agriculture… « Le lendemain, dans le train du retour, ballotés, enfoncés dans des pensées vagues, on avait réfléchi, on s’était dit que, finalement, au Salon, on n’avait pas vu grand-chose » !
Puis, les années de pensionnat à Saint-Flour, son intérêt pour la langue grecque, et depuis la Sorbonne, Claire se remémore. Elève brillante, elle ne connaît pas grand-chose de la civilisation grecque, de ses auteurs, de la culture en général. Elle est seule, lucide, pleine d’énergie, n’oublie rien de ses jeunes années à la campagne mais ne renonce pas aux difficultés.
Ainsi posé le contexte, il pourrait s’agir d’une histoire banale. Combien de jeunes « montent à Paris » pour étudier ? Il n’en est rien. Marie-Hélène Lafon a ce talent d’entraîner le lecteur dans le déracinement qui aboutira à la véritable transplantation d’une vie. Elle met en exergue les conditions de vie du monde paysan, l’isolement, et surtout, montre parfaitement le fossé social que creusent les différences entre deux mondes : rural et urbain. Comment vit-on la rupture avec nos origines : l’endroit où l’on naît, où l’on grandit, nos relations à la famille….que fait-on de notre attachement...
Sans entrer dans l’analyse des sentiments, l’auteur transmet toutes leurs forces, et provoque de réelles émotions.
Le vocabulaire est riche et bien choisi ; j’ai parfois regretté la longueur des phrases qui n’enlève cependant rien au plaisir de la lecture. A lire absolument.
De la belle ouvrage. La jeune fille qui quitte le monde paysan et sa région pour les études, puis l'enseignement a finalement de la peine à trouver sa place. Sujet sensible traité avec une grande finesse et une langue recherchée.
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