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Tout le monde connaît les personnages décrits par Freud dans ses récits de cas : « Elisabeth von R », « Dora », l'« Homme aux rats », l'« Homme aux loups ».
Mais connaît-on les personnes réelles qui se cachaient derrière ces pseudonymes fameux : Ilona Weiss, Ida Bauer, Ernst Lanzer, Sergius Pankejeff ? Plus généralement, que sait-on de tous ces patients sur lesquels Freud n'a jamais rien écrit, ou si peu : Pauline Silberstein (qui se suicida en se jetant du haut de l'immeuble de son analyste), Olga Hoenig (la mère du « petit Hans »), Elfriede Hirschfeld, Alfred Hirst, l'architecte Karl Mayreder, le baron Viktor von Dirsztay, l'héritière lesbienne Margarethe Csonka, le psychotique « A.
B. », tant d'autres encore ?
Mikkel Borch-Jacobsen reconstitue ici avec précision leurs histoires parfois comiques, souvent tragiques, toujours saisissantes. Au total, trente destins qui souvent se croisent, trente portraits enlevés, de patients parfois inconnus jusqu'ici, qui nous en apprennent plus sur la pratique clinique effective de Freud que ses récits de cas. En arrière-fond c'est tout un monde disparu celui de la Vienne de la fin de l'empire austro-hongrois, qui revit devant nous comme un dernier tour de valse.
Passée la joie de posséder enfin ce livre, dans sa deuxième version très augmentée, je dois avouer un peu de déception.
Certes, comme prévu, le mythe tombe ; chacun le savait déjà, normalement ! Les patients de Freud, et surtout les patientes, n'ont nullement été guéris par ses bons soins. Malgré la présence récurrente du bon docteur a leur côté (parfois même la nuit), malgré les séances d'hypnose, toutes et tous restaient profondément malades et déprimés, étaient internés à répétition, etc…
Mais globalement, tous ces portraits très fouillés sont souvent ultra-répétitifs. Tous les profils sont il est vrai les mêmes : souvent des femmes riches, désoeuvrées, souffrant d'une apathie, d'ennui, leur donnant des migraines et douleurs inexpliquées (totalement psychosomatiques ou alors liées à de vraies maladies que Freud et consorts ne voulaient pas admettre). On les envoyait donc dans les établissements thermaux de l'époque pour prendre des bains avec d'autres personnes de leur milieu. C'était surtout des vacances, les éloignant de leur famille, ce qui parfois les soignait. Comme parfois ça ne donnait pas grand-chose, on les internait chez le Dr Charcot.
J'ai trouvé aussi un manque d'éclairage scientifique de l'auteur par rapport à toute cette narration. On se croit chez Suétone dans Vies des douze Césars : les faits dans leur moindre détail, mais très peu d'explications qui pourtant sont à creuser avec nos yeux d'aujourd'hui. Toutes ces femmes nerveuses et migraineuses s'alimentaient peut-être fort mal, manquaient de magnésium, ne buvaient pas assez d'eau au quotidien. L'auteur n'en dit rien. Quant à leur douleur dans les genoux, n'était-ce pas tout simplement de l'arthrose ? Dès lors, on comprend que l'hypnose ne donnait pas grand-chose.
Une remarque de forme pour finir : le format choisi pour ce livre n'est pas le bon. Il fallait un format plus grand, pour que le texte soit écrit en moins petit, en moins tassé. On se croirait dans un poche Garnier-Flammarion. Les lecteurs de plus de 40 ans n'apprécieront pas.
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