"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Les voilà, encore une fois : Billaud, Carnot, Prieur, Prieur, Couthon, Robespierre, Collot, Barère,Lindet, Saint-Just, Saint-André. Nous connaissons tous le célèbre tableau des Onze où est représenté le Comité de salut public qui, en 1794, instaura le gouvernement révolutionnaire de l'an II et la politique dite de Terreur. Mais qui fut le commanditaire de cette oeuvre ? A quelles conditions et à quelles fins fut-elle peinte par François-Elie Corentin, le Tiepolo de la Terreur ?Mêlant histoire et fiction, Michon fait apparaître, avec la puissance d'évocation qu'on lui connaît, les personnages de cette « cène révolutionnaire », selon l'expression de Michelet qui, à son tour,devient l'un des protagonistes du drame. Grand Prix du roman de l'Académie française 2009
Cène révolutionnaire…
En France, au paroxysme de l’époque de la Terreur en l’An II, à ventôse ou plutôt nivôse, le peintre François-Elie Corentin est convoqué à Paris par Proli en l’église Saint Nicolas sombre, vidée de son activité religieuse et remplacée à moitié par une écurie.
« Tu veux honorer une commande, citoyen peintre ?
Alors Corentin dit à Proli que cela dépendait si c’était dans ses cordes, de la hauteur des gages et de la date d’échéance. La livraison devait se faire au plus tôt. D’un sac ruisselèrent quantité de pièces d’or à une époque de telle disette. Quant à ce qui était demandé :
« Tu sais peindre les dieux et les héros, citoyen peintre ? C’est une assemblée de héros que nous te demandons. Peins-les comme des dieux ou des monstres, ou comme des hommes, si le cœur t’en dit. Peins ‘Le Grand Comité de l’An II’. Le comité de salut public. (…) Mets-les tous ensemble (…) comme des frères. »
Le narrateur qui reste inconnu parle à un ‘Monsieur’ tout pareillement inconnu mais qui, eux, vivent à notre époque puisqu’ils parlent de ce tableau accroché dans le fond d’une des ailes du Louvre et protégé par une vitre pare-balle.
Ce tableau, c’est le héros du livre où il est décrit avec force détails. Et c’est Pierre Michon qui va le peindre ce tableau, du bout de sa plume, qu’il nous fait imaginer sur une toile de 4m30 sur un peu moins de trois.
Il va même pousser, comme on crée des couleurs, jusqu’à inventer des mots que certains lecteurs pourraient être furieux de ne pas en comprendre le sens et d’autres heureux d’enrichir ainsi leur vocabulaire !!!
« Vous les voyez Monsieur ? Tous les onze, de gauche à droite : Billaud, Carnot, Prieur, Prieur, Couthon, Robespierre, Collot, Barère, Lindet, Saint-Just, Saint-André. Invariables et droits. Les Commissaires. Le Grand Comité de la Grande Terreur. »
Alors je dois dire que s’il n’y avait pas eu Google, j’aurais été voir au Louvre. Mais Google a tout dévoilé…
Pour corser les choses, Pierre Michon mixe sa fiction en racontant l’Histoire vraie de cette terrible époque que fut la fin de la révolution française et je me suis sentie obligée de réviser un peu mon Histoire de France.
Une lecture érudite et magnifiquement stylée, riche en surprises !
Mais comment pouvoir avoir oublié un tel livre dans ma Pile A Lire ! ?
C’est brillant de finesse et de précision (comme toujours chez Michon) et de créativité pour raconter un moment de l’Histoire de France avec le Comité de Salut Public pendant la Terreur, à partir d’un tableau « qui n’existe » (comme le Marsupilami), pas plus que le peintre François-Elie Corentin.
Michon joue avec la réalité, la création (en faisant preuve d’une capacité rare de manipulation jouisive dans sa réécriture du réel) et il se découvre parfois comme le 12 ème homme !
A lire et relire !
J’ai choisi ce titre de l’auteur, car le propos de base est de décrire un tableau et d’imaginer le commanditaire.
J’ai été quelque peu désarçonné par le style de l’auteur à la fois érudit et gouailleur. Qui répète à l’envie que « Dieu est un chien » (sic), allant même le proférer en patois.
Il a d’ailleurs la dent dur contre les Limousins. Posture du narrateur ?
Et puis j’ai appris un joli mot à replacer dans une prochaine conversation : anacréontisme. Parfaitement. Ne le cherchez pas dans le dictionnaire, il n’y est pas.
Mais là où l’auteur excelle, c’est à nous parler d’un tableau qui n’existe pas, allant jusqu’à citer Michelet pour preuve de l’existence du-dit tableau.
L’image que je retiendrai :
Celle que désire le commendataire : que parmi les onze personnages du tableau, on n’en remarque que trois.
http://alexmotamots.fr/?p=2489
Écartons tout de suite tout risque de confusion ou de mauvaise piste. Pierre Michon, reconnu comme un de nos meilleurs auteurs contemporains, ne traite pas ici d’un sport collectif bien connu mais d’un fameux tableau signé François-Élie Corentin et représentant le Comité de salut public qui, en 1794, instaura le gouvernement révolutionnaire de l’an II, ce qui entraîna la Terreur.
D’emblée, le lecteur est saisi par la qualité de l’écriture et par le style de l’auteur. Avec des phrases riches, denses, longues, Pierre Michon nous emmène à Combleux, en 1730, près d’Orléans pour que nous fassions connaissance avec la famille de François-Élie Corentin qu’il nomme à plusieurs reprises comme le Tiepolo de la Terreur(1). Il parle beaucoup de ces maçons limousins qui ont construit les levées de chaque côté de la Loire. Arrive enfin Anacréon, ce poète lyrique grec du Vème siècle avant J.C. et qui semble avoir beaucoup marqué l’auteur. En effet, Pierre Michon use et abuse de l’adjectif anacréontique décrivant une poésie célébrant l’amour et la bonne chère.
Régulièrement, l’auteur revient à cet impressionnant tableau de 4,30 mètres sur 3, exposé au Louvre, où figurent entre autres, Carnot, Robespierre, Saint-Just, Collot. Revient aussi l’enfance passée entre deux femmes, sa mère et sa sœur à l’amour dévorant. Il décrit bien la situation politique du moment, parle du récit que fait Jules Michelet de ces Onze. Le grand historien a vu dans ce tableau une cène laïque. Quant à Pierre Michon, il offre au lecteur une description détaillée, pleine de sensibilité de la période révolutionnaire.
Ce livre est écrit avec un style puissant, étonnant, unique, original, au vocabulaire riche et souvent très recherché, une véritable œuvre littéraire.
(1) Tiepolo (1696-1770) : peintre et graveur, dernier des grands décorateurs baroques italiens.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Surement très bien, mais je n'ai pas accroché, d'où les 3étoiles.. ce qui n'enlève rien au livre.
J'en suis même désolé, car je suis peut être passé à côté.
Voici un beau morceau de littérature classique à la française, que distingue justement l’Académie et qui donne l’envie de découvrir plus avant cet auteur exigeant et discret. Il tisse l’épisode du célèbre tableau des Onze peint par François-Elie Corentin que le Louvre expose en majesté, non loin de la Joconde. Il représente les onze membres du Comité de salut public qui instaura la Terreur pendant la Révolution. La première partie est consacrée au peintre et à ses origines, ancrées dans le peuple dont elles s’extirpent par le travail et le mariage ; la seconde rapporte la genèse du tableau : commandé par qui et pourquoi ? L’auteur est à son aise dans cette page d’histoire dont il emprunte avec virtuosité les événements qui portent sa fiction picturale (eh oui !) ; son écriture « grand style » se déploie avec une rare élégance pour le plaisir du lecteur sensible au français le plus classique, de Racine à Voltaire. Il y faut de l’attention, on n’y entre pas comme dans un moulin, c’est plutôt Versailles, que la Révolution chahuta avant que la République ne restaure. Pierre Michon fait penser à ces artisans d’art qui perpétuent la haute tradition de leurs métiers et entretiennent notre mémoire.
J'avais déjà été séduit par l'écriture de l'auteur dans Maîtres et serviteurs, et je replonge à nouveau avec délices dans ce style si particulier, ces belles phrases longues, intelligentes ; chaque mot est à sa place et important : en enlever un c'est rendre la phrase bancale et changer tout le sens. Ce qui dans ce cas serait un sacrilège tellement la langue de Michon est élégante, riche et érudite. Ce n'est pas un livre qui se lit entre deux portes : il demande de la concentration et malgré ces remarques, il reste ouvert à tout lecteur un tant soit peu demandeur de culture et de profondeur. Exercice brillant surtout lorsque l'on sait -je ne révèle rien qui empêche de profiter de cette lecture- que ni le tableau, ni le peintre n'ont existé. Ils ne sont que fiction dans un contexte historique et au milieu de personnages, eux, bien réels.
C'est un livre ardu pour les spécialistes de l'art. La première partie est plus difficile. Par contre, j'ai aimé la seconde sur les circonstances de commande du tableau et la description de ce tableau. La fiction paraît si réelle que l'on croit reconnaître l'oeuvre!
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