Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Étienne Davodeau vient d'une région catholique et ouvrière, les Mauges. Ses propres parents sont un parfait exemple de gens, dont l'éducation s'est forgée entre l'église et l'usine, mûs très vite par la volonté d'agir. Leur parcours et leurs aspirations sont ceux d'une France à la recherche de justice et de
progrès social, de l'après-guerre à l'élection de Mitterrand...
Une perle autobiographique signée DAVODEAU. Riche en tendresse et en émotions.
Je retrouve Étienne Davodeau par hasard, avec une BD que je ne connaissais pas. Auparavant, j’avais beaucoup apprécié cet auteur dans Rural !, Un homme est mort et Lulu femme nue.
Les Mauvaises Gens nous emmènent dans les Mauges, une petite région pas très connue, sur les pas de Marie-Jo et Maurice. Dans le sud-ouest du Maine-et-Loire, la ville principale des Mauges est Cholet et Julien Gracq (1901 – 20007), homme du cru, en parle dans Carnets du grand chemin.
L'auteur parle de pays fermé, pays de bocage, pays religieux, pays farouche et sombre, pays dense et actif. C’est là que sont nés Marie-Jo et Maurice, à 3 km de distance l’un de l’autre. Comme d’habitude, Étienne Davodeau me captive par son dessin précis, expressif, toujours en noir et blanc et surtout son sens du social, écrivant, dessinant, décrivant la vie de gens simples, pris dans les traditions, surtout religieuses, et pourtant capables de secouer les atavismes et de lutter pour sortir d’un sillon qui semblait tout tracé.
Garçon enfant de chœur, fille recrutée pour un pensionnat menant tout droit au couvent, celle-ci doit arrêter les études à 14 ans et entrer dans l’usine de chaussures. En effet, si Romans-sur-Isère (Drôme) est la capitale de la chaussure, j’apprends que la région de Cholet produisait quantité de paires qui ont sûrement équipé plus d’un parmi nous, la marque la plus connue étant Eram. D’ailleurs, plusieurs pages sont consacrées aux luttes ouvrières pour obtenir des conditions de travail plus humaines dans les usines de cette marque.
Profondément croyants, Marie-Jo et Maurice sont très sensibles aux injustices et au sort des plus faibles. C’est pourquoi ils militent naturellement dans la JOC, la jeunesse ouvrière chrétienne puis dans l’ACO (l’action catholique ouvrière) et dans le syndicat CFDT.
Au fil des pages, c’est l’histoire récente de notre pays, dans une province où l’école catholique cherche à éliminer l’école publique. Cela n’empêche pas certains curés de militer aussi et de manifester aux côtés des ouvriers pour faire annuler des licenciements abusifs.
Enfin, il y a cette surprise délicieuse avant la moitié du livre, surprise qui rend les échanges entre l’auteur et ses deux héros encore plus savoureux.
Il faut lire Les Mauvaises Gens pour ne pas oublier ce que furent ces années de la seconde moitié du XXe siècle dans ce que certains nomment la France profonde mais qui est tout simplement celle où vivent des gens simples qui n’ont rien de mauvais… Mauges viendrait de mauvaises gens comme « certains historiens mal intentionnés » l’ont suggéré ? Je sais maintenant que ce n’est pas vrai.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Roman graphique sans doute plus que bande dessinée, disons qu'Étienne Davodeau écrit et dessine là un reportage sur quarante années de vie de ses parents entre le début des années 40, leur naissance jusqu'à 1981, le 10 mai pour être plus précis jour de l'élection de François Mitterrand à la présidence de la république. Né un an après Étienne Davodeau, j'ai vécu un peu les mêmes choses que lui : éducation religieuse à l'ancienne, culpabilisante et totalement archaïque mais qui marquait de manière forte les enfants impressionnables, communion, et tout le toutim... Et comme lui, je m'en suis sorti, ouf, moi, maintenant, je serais plutôt du genre athée-bouffeur-de-curé, mais avec le respect de ceux qui croient pourvu qu'on ne m'emmerde pas avec ce qui est de l'ordre du privé. Je connais bien la JOC pour en avoir fait partie, c'était plutôt le côté copains qui m'intéressait, je séchais beaucoup les réunions où l'on réfléchissait sur l'importance de la religion. J'ai grandi comme Étienne Davodeau dans un milieu ouvrier, avec la grande différence d'habiter une grande ville donc moins soumise aux diktats de l'Église. Mais mes parents qui étaient instituteurs dans des écoles privées dans la campagne de Loire Atlantique jusque dans les années 60 m'ont raconté bien souvent des choses similaires à celles qu'ont vécues Maurice et Marie-Jo. C'était très mal vu à l'époque de militer, surtout à gauche. Les patrons étaient bien bons d'offrir du travail aux gens de la région et encore meilleur de les payer alors il ne fallait pas trop la ramener. La couverture de l'ouvrage est très symptomatique : les mauvaises gens entre l'église et l'usine, les deux grandes forces de l'époque, l'une prétendait diriger les vies professionnelles et l'autres les vies privées et spirituelles. Alors quiconque se levait contre l'une se mettait l'autre à dos avant que n'arrive dans ces communes des prêtres-militants, ceux qui ont permis aux jeunes de militer à la JOC et de se libérer de leurs carcans. Car il faut bien le reconnaître et "Dieu me crapahute" comme disait Pierre Desproges, c'est quand même grâce à ces jeunes prêtres qui se sont rapproché des ouvriers et qui pour certains en sont devenus que la jeunesse ouvrière s'est ouverte à la modernité.
Un roman graphique important pour ne pas oublier ce que firent nos parents pour s'émanciper de la double religion église-usine. Les luttes syndicales ont permis tellement d'avancées sociales qu'on a sans doute oublié qu'elles étaient d'abord menées par des hommes et des femmes comme les autres avec peut-être un peu plus de convictions ou d'envies de les partager et d'en faire profiter les autres.
Histoire de ses parents, une histoire vraie de militantisme acharné et engagé.
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