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«"C'est sans danger", lui crie son père à l'oreille.
Mais elle n'entend pas. Ni lui. Il lui crie qu'elle doit sentir avec son corps que l'île est immuable, même si elle tremble, même si le ciel et la mer sont chambardés, une île ne disparaît jamais, même si elle vacille, elle reste ferme et éternelle, enchaînée dans le globe lui-même. Oui, c'est presque une expérience religieuse qu'il veut partager avec sa fille en cet instant, il doit lui apprendre ce principe fondamental : une île ne sombre jamais. Jamais.» Ingrid grandit sur une île minuscule du nord de la Norvège, au début du XXe siècle. La mer est son aventure. Entre la pêche, les tempêtes et la pauvreté, elle possède les saisons, les oiseaux et l'horizon.
Les invisibles est un roman sur une famille et des enfants forcés de grandir vite face aux éléments, face à une vie réglée par les besoins les plus simples. C'est un roman sur la fatalité et sur les ressources que les hommes déploient face à la rudesse du monde. La narration laconique, veinée de flamboyance poétique, accumule par touches subtiles les composants d'un tableau toujours plus vivant et profond, riche en métaphores. Et puis, il y a les vies de ces hommes et de ces enfants qui, sous la pression de la nature et du temps, deviennent des destinées. Et c'est tout le talent de Roy Jacobsen de rendre visibles «les invisibles».
Ils sont invisibles parce qu'ils vivent sur de toutes petites îles dans le nord de la Norvège, au début du 20ème siècle, et que ces îles, dont souvent ils portent le nom (ou l'inverse), sont à l'écart des principales routes maritimes, même pas marquées sur les cartes.
Sur Barrøy, Hans, 35 ans, est le chef de famille. Il vit là avec son père, sa soeur attardée mentale, sa femme et leur fille Ingrid. Tous travaillent dur, selon leur âge et leurs capacités. La pêche, la laine des brebis, la récolte de duvet d'eider, les potagers, les tâches sont diverses et variées mais incessantes et souvent rendues très difficiles par les conditions climatiques sauvages, à l'image de la nature. La terre et la mer sont leurs éléments nourriciers mais peuvent aussi ruiner leurs espoirs de survie quand les tempêtes ou les accidents s'en mêlent. Cette vie rude et spartiate, monotone, à l'écart, est racontée depuis le point de vue d'Ingrid, 7 ans au début du roman, qui s'étale sur une petite dizaine d'années. Intelligente et sensible, la fillette observe les adultes sans forcément tout saisir de leurs agissements. Mais même si elle ne comprend pas tout, elle ressent les choses, bousculée elle aussi par la vie et les coups du sort.
Avec son écriture dépouillée et ses dialogues laconiques, "Les invisibles" est un roman taciturne dans lequel on ne gaspille pas son énergie en vaines discussions, tant on est occupé à survivre et à lutter contre les éléments. Mais le texte n'est pas noir ni froid pour autant, le printemps et l'été ramènent la lumière, et l'amour et la solidarité familiale réchauffent les coeurs tout au long de l'année.
En plus de nous en apprendre beaucoup sur le mode de vie insulaire d'il y a un siècle, "Les invisibles" nous emmène en immersion dans une saga familiale attachante, faite de courage, de drames, de silence et de lenteur.
J'avais repéré la parution du roman « les yeux du Rigel » qui est le 3ième volet de la trilogie de Roy Jacobsen, un auteur norvégien que je ne connaissais pas.
J'ai donc lu Les invisibles traduit par Alain Gnaedig, puis la mer blanche et les yeux du Rigel à la suite sans interruption et avec un immense bonheur car c'est une lecture qui m'a complètement transportée.
J'ai vécu une page d'histoire particulièrement émouvante en suivant pas à pas le quotidien d'une famille de pêcheurs sur l'île Barrøy tout au nord de la Norvège, dans l'archipel dit aux milles îles qui porte le nom des familles qui y vivent.
La famille Barrøy où Hans est le chef de famille est au complet en ce début du 20 ième siècle. Les saisons rythment de manière immuable le dur labeur de la pêche et des fenaisons, le maillage des filets, le ramassage de la tourbe. Les scènes des travaux et besognes sont décrites de manière détaillée et respectueuse d'un savoir faire ancestral qui se transmet de génération en génération. le rythme est lent mais toujours en mouvement comme la mer.
Sur l'île, les enfants naissent, ont à peine le temps de grandir pour travaillent durement dans cet horizon sans limite dont ils ne voudraient pourtant aucun autre . Dans la famille de Hans Barrøy le travail se fait en silence mais avec le bruit incessant du vent et les cris des oiseaux. Alors quand la brume descend et le silence se fait, ils peinent à laisser leurs outils pour faire place à leurs pensées.
Les sentiments sont tus mais le corps et l'esprit sont naturellement offerts au vent comme la petite Ingrid qui préfère de loin son île aux bancs de l'école qui lui a défait son sourire. Les élans tristes ou passionnés sont contenus quitte à ce qu'ils déferlent un jour puissamment sans aucune digue pour les retenir.
Quelle magnifique écriture façonnée comme une pierre précieuse ! Poétique, réaliste, elle m'a poinçonné le coeur. Je me suis raccrochée à ce radeau de petits bonheurs solidaires qui navigue sur l'eau malgré la violence des éléments et les blessures de l'existence. Je me suis profondément attachée aux membres de la famille Barrøy qui ne font qu'un avec la mer. Indomptables et fiers, femmes et hommes sont attachés à leur bout de terre lointain.
La maison sur l'île est un havre de douceur, côté sud ou côté nord qui ont leur préférence selon les saisons . Roy Jacobsen a des yeux de divin en faisant voir et toucher la belle vaisselle polonaise, la nappe aux minuscules fleurs rouges et jaunes reliées par des sarments verts. Tout est beau et simple. Et pourtant le regard n'est jamais le même ni les couleurs de l'horizon.
Je crois bien que je suis passée complètement à côté de ce roman. Je n'ai pas réussi à me plonger dedans, à m'attacher aux personnages... rien...
Je ne sais qu'en dire de plus...
Histoire d'une île et de ceux qui s'en veulent les propriétaires et en sont surtout, magnifiquement, les prisonniers, Les invisibles dresse un tableau sensible de la famille Barrøy. Roy Jacobsen déploie dans ce bref roman une prose sèche, sans sentimentalisme, où s'entend la fatalité des saisons.
https://viduite.wordpress.com/2017/08/15/les-invisibles-roy-jacobsen
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