Lors de la belle rencontre lecteurs.com chez Orange début décembre de l'an passé, l'auteur nous a dit combien il lui tenait à coeur de donner de l'humanité à une situation qui ne l'est pas humaine.
De fait ce grand reporter sait de quoi il parle, pour lui ces drames ce sont avant tout, des...
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Lors de la belle rencontre lecteurs.com chez Orange début décembre de l'an passé, l'auteur nous a dit combien il lui tenait à coeur de donner de l'humanité à une situation qui ne l'est pas humaine.
De fait ce grand reporter sait de quoi il parle, pour lui ces drames ce sont avant tout, des visages.
Pour nous faire vivre une situation qui fait la Une de notre quotidien, et nous la faire comprendre il choisit de faire se croiser le destin de trois "migrants" en 1992.
Un choix qui met le réel à sa juste place.
Virgil est Moldave, Chanchal est Bangladais et enfin Assan lui est Somalien et accompagné du seul trésor qui lui reste sa fille Iman.
Je ne vous dirais rien de la vie de ces personnages, non ces personnes, car le livre les présente tour à tour pour les situer.
Le choix des années 90 est intelligent (à l'heure où le battage médiatique nous ferait croire à une nouveauté : "le débarquement de tous ces migrants et la menace représentée"), années des guerres de Tchéchénie, de Yougoslavie, du congo, auxquelles il faut rajouter la guerre dite "du golf" et ses intérêts pours les pays occidentaux, et les guerres civiles Libéria, Algérie, Sierra leone, sans oublier le génocide des Tutsis au Rwanda. Plus l'effondrement du bloc soviétique et la réunification de l'Allemagne.
Il ne faut pas oublier l'essort des technologies qui font que l'information nous est servie en temps réel, et que trop c'est trop ; d'images et de commentaires qui auraient tendances à banaliser les tragédies de notre monde moderne ou à agiter un étendard incitant à la haine.
Pascal Manoukian, tape fort, très fort, d'entrée avec ces trois portraits, car en mots simples, il ne dit pas il montre. Ces portraits sont ciselés avec l'humanité du bonhomme, celui qui a fait le tour du monde pour couvrir ces évènements, qui les a vécu. Et parce que le ton est juste ces hommes sont devant nous, incarnés.
Le pari est gagné, il est impossible au lecteur de ne pas s'identifier, de ne pas se sentir migrant. Personnellement je ne sais pas si j'aurais survécu à l'une ou l'autre des situations des protagonistes.
Il en faut du courage, de l'opiniatreté, de l"intelligence, de la force pour tenir debout face à une vie où rester cacher comme des rats, vivre de rien, avoir faim, froid et être seul si seul dans cet exil.
Partir à cause de la guerre, de la famine, des évènements climatiques ou simplement parce qu'on est "l'élu" c'est à dire celui qui "doit" aller chercher loin très loin de chez lui l'argent qui nourrira tout sa famille au village...Qu'elle que soit le motif, au départ il y aura toujours : l'argent emprunté à celui qui ensuite fera pression ou pire, sur la famille restée au village jusqu'au remboursement;le voyage perilleux pour arriver au mieux à Lampedusa ou mourir en cours de route, les squats, le travail clandestin avec des esclavagistes, les marchands de sommeil et bien d'autres vicisitudes à traverser, pour survivre dans un pays qui a tout mais donne peu.
Se faire oublier car il y a la peur d'une situation politique qui se dégrade partout et que l'absence de connaissance de "l'autre' engendre la peur.
Si vous ne deviez lire qu'un seul livre ce devrait être celui-ci : Les échoués de Pascal Manoukian, d'une belle écriture, des connaissances acquises au quatre coin d'un monde à feu et à sang, l'auteur sait de quoi il retourne, et son humanité est telle, qu'elle rend son lecteur plus intelligent et réceptif à ce monde en marge, en "jungle", en asile, l'autre d'où qu'il vienne est avant tout un homme qui souvent a tout perdu temporairement dans le meilleur des cas ou plus généralement définitivement alors que notre regard ne lui fasse pas perdre sa dignité d'humain.
Si les politiques ne font rien, chacun d'entre nous a quelque chose à offrir...
Ouvrir les yeux et ne pas oublier que "devant ce monde aveugle, l'exode continuait malgré les barbelés, les séparations, les déchirements, les naufrages en mer et les traversées mortelles du désert. Ceux qui avait ouvert la brèche s'attendaient bientôt à l'arrivée d'une vague immense, d'une hémorragie permanente."
C'est la conclusion d'une situation sans fin si des hommes de bonne volonté...
Merci Pascal Manoukian, d'avoir écrit ce roman pour remettre à sa juste place ces Hommes venus de si loin.
Et je crois que cette citation a été écrite pour vous "Le talent seul ne suffit pas pour faire un écrivain. Derrière un livre, il doit y avoir un homme." Ralph Waldo Emerson (1803-1882)