"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Il y a un grand bruit du côté de la porte, un grand froid, plusieurs vitres tombent comme la glace qui finit par céder à la lisière du toit, mais pas vraiment pareil. Des hommes, on ne sait pas qui ni combien tant ils semblent pressés, envahissent la pièce tels des chevaux furieux.
À l'est de l'Europe, quelque part dans la Zone de Résidence où sont cantonnés les Juifs en ce début du XXe siècle.
Henni a huit ans et vit avec sa famille dans un village ordinaire. Zelda, sa soeur aînée, est son modèle en tout. Un soir, à la fin de l'hiver, des hommes en furie pénètrent dans leur maison, comme dans tant de maisons ils sont entrés et entreront encore pour piller, pour punir et pour tuer. Dans l'affolement, une partie de la fratrie parvient à s'enfuir.
Les Ciels furieux raconte vingt-quatre heures de la vie d'Henni après cette intrusion. Et c'est comme si on marchait derrière elle, dans le froid, effaré mais renversé aussi par le monde que, pour survivre, elle recompose en pensée. Ce chemin semé de batailles, d'éblouissements et de crocs transcende à la fois l'incompréhensible nuit des violences et le feu de l'enfance.
Dans sa langue puissante et charnelle, Angélique Villeneuve traque les sursauts de grâce dans le moindre repli et brosse le portrait d'une petite fille exceptionnelle : actrice de sa propre vie, portée par un amour fou pour les siens, Henni est inoubliable.
Angélique Villeneuve, romancière, est l'autrice de La Belle Lumière, 2020, Maria, 2018, Grand Prix Société des Gens de Lettres, Nuit de septembre, 2016, et Les Fleurs d'hiver, 2014. Elle écrit également pour la jeunesse.
Une écriture fine et ciselée, comme à son habitude, Angélique Villeneuve nous embarque dans la tête et le corps d'Henni, cette petite fille de 8 ans traumatisée par un monde adulte sauvage et brutal, mais dont la force d'esprit la pousse à surmonter l'horreur en s'inventant un monde meilleur. Trop de douleur, trop de solitude, trop de tout, encore un roman bouleversant à l'image de son auteur, que j'ai eu la chance de côtoyer par deux fois. Que ce soit en littérature jeunesse ou roman sensible, Angélique Villeneuve nous emporte loin, très loin, et c'est chaque fois une émotion et un plaisir immense.
Henni a 8 ans et sa vie bascule brutalement avec une fuite éperdue devant un drame qui frappe sa famille, drame qu’elle ne comprend pas.
Angélique Villeneuve qui m’avait déjà régalé avec La belle lumière, m’emmène cette fois, sous Les ciels furieux, dans un village d’un pays de l’est de l’Europe. Des brigands surgissent subitement dans la maison de cette famille juive tranquille. Comme le note l’autrice, la mère « couve ou se remet de ses couvaisons », cela signifie qu’elle enchaîne les grossesses et qu’elle nourrit ses bébés avant de les confier aux plus grands.
Zelda, justement, a presque trois ans de plus que Henni et elle compte beaucoup pour sa petite sœur. À 11 ans, elle s’occupe déjà de Iossif et de Kolia, deux jolis nourrissons. Quant à Henni, la voilà toute fière de se voir confier Avrom dès qu’il a fini de téter.
Saupoudré de nombreux termes en yiddish, le récit de cette fuite dans la neige et des souvenirs ayant marqué le début de la vie de Henni m’ont profondément ému. Si Henni et Zelda ont réussi à fuir l’horreur, il y a aussi Lev, le grand frère qui vit déjà sa vie et n’a pas les meilleures fréquentations.
Pour résister au froid, tenter de conserver un peu de confiance dans la vie, Henni a trouvé un moyen original en donnant à chacun de ses doigts le nom d’un membre de sa famille. Dans les moments difficiles, elle peut ainsi se raccrocher à une personne qui lui est chère.
Pendant cette fuite qui occupe vingt-quatre heures de la vie de Henni, les souvenirs affluent et cela permet de faire plus ample connaissance avec elle, avec sa famille et avec ses voisins.
J’apprends, par exemple, que son père, Arie Sapojnik, est un homme bon qui n’est pas craint par ses enfants. Par contre, la mère est soit indifférente, soit impériale…
Au cours de ma lecture, j’ai souffert du froid avec Henni dans la briquèterie, tremblé de peur lorsqu’elle entend des hommes approcher ou voit des femmes venir piller une maison déjà visitée par des brigands.
Angélique Villeneuve, contant, de son écriture toujours délicieuse et soignée, une histoire qui paraît simple, montre un vrai sens du suspense. Elle sait aussi rendre avec beaucoup de délicatesse les pensées qui agitent l’esprit de Henni car celle-ci est à la fois tourmentée et confiante.
Angélique Villeneuve que j’avais écoutée présenter Les ciels furieux aux Correspondances de Manosque 2023, m’avait donné envie de la lire à nouveau et ce fut une lecture émouvante durant laquelle inquiétude et douleur se sont mêlées, sans négliger quelques touches de poésie.
De plus, comme Henni ne manque pas d’imagination, l’autrice livre quelques scènes assez énigmatiques donnant une touche d’irréel au roman alors qu’elle a le mérite de mettre en évidence des drames, des pogroms qui ont trop souvent bouleversé des familles entières. La plupart du temps, les criminels agissaient en toute impunité avec, souvent, un pouvoir qui favorisait leurs agissements.
Enfin, attaché aux pas de Henni sous Les ciels furieux et de sa lutte pour la vie, j’aimerais tant lire la suite… Peut-être qu’Angélique Villeneuve…
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/03/angelique-villeneuve-les-ciels-furieux.html
Eh bien voilà, tardivement je découvre Angélique Villeneuve.. qui publie depuis 20 ans au moins et que je n'ai jamais lue auparavant. Beaucoup de retard à rattraper !!
ce livre vous saisit à la première ligne et ne vous quitte aps des jours après que vous ayez reposé le livre.. entre temps vous ne l'avez pas lâché, enfin si parfois pour respirer, relire une phrase, craindre le pire et caresser doucement cette petite Henni dont l'Histoire vient de s'emparer et de saccager la vie.
Un pogrom dont le nom n'est jamais prononcé mais rendu de façon magistrale à hauteur d'enfant « les hommes sont aussi entrés dans ses yeux » dans un shtetl d'un pays de l'Est non spécifié, en pleine campagne où l'atmosphère s'est alourdie récemment. Une vie simple dans un coin simple au cœur d'une famille simple composée des parents et d’enfants nombreux et tellement rapprochés que la mère semble « couver » tout le temps et que les bébés sont ainsi répartis entre les deux fillettes âgées de 8 et 12 ans qui s'en occupent jour et nuit.
Crimes, violence, sang, course effrénée, cachette, silence et peur, peur immense que cela recommence, que cela dure. Planqués à 3, puis à deux, puis seule, Henni se retrouve face à l'impensable, l’innommable, l'inimaginable : avoir à survivre sans vraiment savoir qui craindre, qui rejoindre, ni surtout comment.
Sa tête pense toute seule et l’accompagne, souvenirs, imagination, bribes de vie d'avant, les petits frères, le « sien », c'est beau, poétique, sublime parfois et l'horreur à chaque coin du bois !
Des « je » , des « on » les mots s’enchaînent comme les idées qui lui passent par la tête pour combler le manque de sa famille, de sécurité, de nourriture, de tout et vous devenez plus que spectateur, vous avez envie de l'aider sans savoir comment lui venir au secours.
Un livre qui va vous rester en tête longtemps si vous le choisissez !
«Marcher, c’est s’échapper»
Dans un roman servi par une langue poétique, Angélique Villeneuve raconte un pogrom perpétré dans un shetl d’Europe de l’Est à travers les yeux d’une fillette de huit ans devenue une juive errante. Un roman puissant, un conte poignant.
Dès les premières lignes, nous voilà pris dans la folie meurtrière: «Au moment précis où, enfin, Henni s’apprête à s’enfuir au-dehors dans la neige, c’est le plus grand, le plus maigre des hommes entrés dans la maison qui arrache le dernier bébé du sein de Pessia et le soulève au-dessus de lui. Le cri qui monte avec l’enfant emplit l’air de faisceaux, de fumées, de roches explosives.»
Henni a huit ans et vient d’échapper à un pogrom dans cette Europe de l’Est où, au début du XXe siècle, les juifs étaient chassés, pillés, massacrés.
Un drame qui entre en résonnance avec le 7 octobre dernier et qui prouve que l’antisémitisme reste plus d’un siècle plus tard solidement ancré auprès d’êtres abjects. La fillette vivait paisiblement dans ce village auprès de sa nombreuse famille, de sa grande sœur Zelda et venait de se voir confier un nourrisson, le petit Avrom, son «trésor».
Si elle a pu échapper aux fous furieux avec Zelda et son frère Lev, si elle comprend que marcher, c’est s’échapper, elle ne va pas tarder à se rendre compte combien le froid et la faim peuvent faire de ravages. Désormais, c’est seule avec son désespoir qu’elle devient juive errante et c’est avec ses yeux d’enfant qu’elle regarde ce monde qu’elle ne comprend pas.
Un monde qui se résume à ce qu’elle voit, ce qu’elle entend, ce qu’elle sent. Et c’est ce qui fait la force de ce roman. Ici, il n’est pas question de traiter de la grande Histoire, mais de trouver quelque chose à manger, un endroit où se protéger du froid, un motif d’espérance. À l’instinct.
L’écriture d’Angélique Villeneuve rend parfaitement ces perceptions, Trouvant même de la poésie dans ce drame, quand l’innocence permet de se construire un rempart à l’incompréhensible violence. Pour que la vie prenne le pas sur la mort, pour que l’humanité gagne contre la barbarie.
J’ai retrouvé dans ce roman l’univers d’Agota Kristof et sa trilogie des jumeaux. On y retrouve ce regard différent, cette candeur qui devient une force, ce magnifique chant de résilience, quand on s’appuie sur les beaux moments vécus pour se construire un avenir. C’est pour Henni une manière de cheminer avec les siens qui, même morts, l’aident à dépasser sa peine.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu’ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.
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L’atmosphère est mystérieuse, l’écriture virtuose d’Angélique Villeneuve se déploie, nous enveloppe et nous entraîne au fil d’un récit qui résonne étrangement avec l’actualité et l’Histoire qui n’en finit pas de bégayer avec le retour des pogroms. C’est quelque part dans la «zone de résidence» d’un pays jamais nommé mais dont on devine qu’il se trouve à l’ouest de l’empire russe, là où les populations juives ont été assignées que se situe l’histoire d’Henni.
Dans un «shtetl» en bordure de forêt, Henni, petite fille de huit ans, vit avec sa famille. Elle perçoit les menaces qui rôdent, l’inquiétude des adultes sans toutefois se douter du pire. La famille s’efforce de vivre, d’élever les enfants, de confier les plus jeunes aux aînés, tout en sachant que la violence de populations voisines peut à tout moment venir saccager leur vie comme cela s’est déjà produit pour d’autres.
Et c’est ainsi qu’un jour, un pogrom sanglant déferle brutalement sur eux, et donne lieu à une scène d’une violence inouïe. Épouvantées, Henni et sa grande sœur adorée, Zelda, parviennent à s’échapper à la suite de leur frère.
Angélique Villeneuve nous fait vivre vingt-quatre heures de la vie d’Henni, perdue dans la forêt hostile, dans le froid, la neige, la peur et la faim au ventre, déboussolée, séparée de sa sœur et de son frère lors d’une fuite éperdue. Elle fait battre le cœur des lecteurs au rythme de celui de la petite fille, fragile et forte à la fois. On perçoit son souffle, on la suit pas à pas dans son errance désespérée, jusque dans ses pensées toujours tournées vers sa famille tant aimée.
Une petite fille qui se trouve au cœur d’un récit ancré dans l’Histoire, exposée à la barbarie qui détruit tout, qui n’épargne pas même les enfants. Malgré tout, ceux-ci parviennent parfois à puiser dans l’innocence une force de résilience.
Un récit intense, porté par une grande puissance émotionnelle, qui oscille sans cesse entre la violence du présent et la nostalgie du passé comme l’écriture oscille entre délicatesse, poésie, sensorialité et force charnelle, Henni entre imaginaire et réalité.
Le texte se termine avec une scène à couper le souffle, d'une beauté tragique et fulgurante et l'image de cette petite fille qui fuit les ténèbres avec courage ne peut que s'ancrer dans notre mémoire.
Henni, petite fille de la guerre, de toutes les guerres, petite fille inoubliable d'un roman superbe.
Des hommes furieux ont brutalement déferlé dans la maison d’Henni, fracassant tout sur leur passage, les objets et les gens, les petits et les grands, le village et la vie, toute la vie d’Henni. Elle n’était pourtant pas bien grande, ni bien brillante, ni très encombrante sa vie de petite fille de 8 ans, elle ne devait pas pouvoir déranger grand-monde, frêle et hésitante, poussant vaille que vaille à la lumière chaleureuse de son étoile à elle, son astre de grande sœur, sa chère Zelda. Et voilà qu’à présent il n’y a plus qu’elles deux, le froid, la peur et les souvenirs. Et tout le courage du monde rassemblé dans le petit corps tremblant d’une gamine de huit ans.
La plume d’Angélique Villeneuve est si belle qu’on la suit sans hésiter sous ses Ciels furieux, bien loin de La belle lumière dont elle avait su nous réchauffer, emboîtant le pas à sa petite héroïne si attachante et émouvante. La plume d’Angélique Villeneuve, c’est de la poésie qui hurle, c’est l’horreur qui chuchote dans les mots d’une enfant, c’est ce froid que l’on touche du doigt et qu’on partage avec Henni, buée échappée de nos yeux tandis que l’on avance en lecture. C’est toute la gamme de la peur parcourue dans sa minuscule mémoire qui en est si pleine déjà, inquiétude, crainte, frayeur, terreur, et autant de remèdes pour tenter d’y faire face, de l’ironie au déni, de l’innocence aux croyances.
La plume d’Angélique Villeneuve, c’est cette minuscule part de douceur et de beauté qui tente de se glisser entre nos yeux et l’innommable pour nous inviter à ne pas les fermer, à n’avoir pas moins de courage d’une toute petite fille de 8 ans à qui l’on n’a pas donné le choix.
Je lis depuis plusieurs années Angélique Villeneuve, une autrice que j’aime beaucoup et dont je vous conseille d’ailleurs « La Belle Lumière », un grand coup de cœur. Elle a publié cette année un livre très différent, « Les ciels furieux ».
L’histoire nous entraine au début du XXe siècle, dans un village d’Europe de l’Est. Henni, huit ans, y grandit au sein d’une famille juive, nombreuse et modeste. Très jeune, sur les traces de sa sœur aînée et modèle, Zelda, elle a déjà en charge des travaux de couture, et le soin des bébés.
Cette vie de labeur, mais aussi de jeux et d’imagination d’enfant, vole en éclats lorsque des hommes font irruption dans la maison familiale. Henni, tout comme son frère aîné Lev et Zelda, parvient à échapper à la violence et la barbarie qui s’abat sur le village. Le récit suit l’enfant durant la journée qui suit le pogrom, dans sa fuite puis son retour dans le village dévasté.
J’ai retrouvé la très belle plume d’Angelique Villeneuve dans ce livre qui nous plonge dans un déferlement de violence vu à travers les yeux d’une enfant. L’autrice n’est pas là pour nous abreuver de détails sordides- c’est avec pudeur qu’elle évoque des scènes terribles.
Henni va puiser dans ses souvenirs d’enfant, dans l’amour qu’elle porte à sa sœur et aux bébés, la force de se cacher, de fuir, de survivre.
Dans ces heures mouvementées, l’esprit d’Henni navigue entre passé et présent, entre pouvoir imaginaire et réalité poignante, entre incompréhension et pragmatisme… cela donne d’ailleurs un côté brumeux au récit, pas toujours évident à appréhender et comprendre, et qui m’a parfois un peu perdue.
Pour autant, quelle force dans ce récit et dans cette petite fille de huit ans, confrontée brutalement à la violence du monde, et qui lutte et espère.
Un roman dur mais nécessaire.
« Au moment précis où, enfin, Henni s'apprête à s'enfuir au-dehors dans la neige, c'est le plus grand, le plus maigre des hommes entrés dans la maison qui arrache le dernier bébé du sein de Pessia et le soulève au-dessus de lui. le cri qui monte avec l'enfant emplit l'air de faisceaux, de fumées, de roches explosives. »
Ce sont les premières phrases. Quelque part en Europe de l'Est au début du XXème siècle nous dit la quatrième de couverture. Un pogrom ravage un shtetl, une communauté villageoise où sont contraints de vivre les juifs de l'empire russe, celui de Henni, fillette de huit ans. La violence est bien là, insupportable dans ce qu'elle imprime chez le lecteur, mais jamais le mot de « pogrom » n'est utilisé dans le roman, jamais le nom du lieu ou la date exacte, même si on pense fort au pogrom de Kichinev ( Bessarabie, actuelle Moldavie ) en 1903.
« Puis on entend un bruit, comme un coup, et voilà qu'apparaissent en nuée les chansons dont Henni a bercé le bébé, voilà les noms inventés tant de fois murmurés en secret. Ils flottent autour de l'étagère à thé, tous, et avec eux les baisers longs posés sur les paupières, les bars tendus, les tapotis de réconfort, les fouissements chauds au creux des poings minuscules refroidis par les courants d'air. A mesure qu'elle les avait donnés, ils s'étaient donc blottis dans la poitrine et sous les cheveux de l'enfant, tel un duvet posé sur un autre et sur un autre encore, jusqu'à bâtir le corps doux d'un oiseau à l'intérieur de lui. Les petits noms, les souffles, les gestes et les images qui l'ont rendue si fière, et puis aussi les mots. Ils sont ici juste après le bruit, tournoyant sous l'étagère à thé en une cendre plumeuse. Henni voit tout dans un miroitement de lumière, et juste après elle ne voit plus rien. »
Les Ciels furieux n'est pas un roman historique car c'est avant tout l'histoire de Henni et de sa fuite avec les rescapés de sa fratrie, vingt-quatre heures à hauteur d'enfant, d'une fillette qui n'a pas conscience de sa judéité, qui ne sait pas ce qu'est l'antisémitisme ou un pogrom, et qui ne comprend rien à ce déferlement de violence.
Henni est un personnage impossible à oublier tant Angélique Villeneuve est parvenue à nous immerger dans son esprit, son corps, son ressenti. Comme dans un conte, elle va devoir affronter des épreuves : des rencontres parfois hostiles, la faim et la soif, une déchirante solitude, des décisions à prendre.
Son seul atout est la force de l'imaginaire qu'a une enfant de son âge pour contrer la barbarie et l'insoutenable réalité. Sa fuite est entrecoupée des souvenirs du passé proche, lorsqu'elle vivait en paix avec ses parents, son grand frère, sa grande soeur Zelda son modèle absolu, et les trois bébés dont le « sien », Avrom, dont elle est chargé de s'occuper. Autant de rappels de vie et de son amour pour sa famille qui la poussent à avancer.
« Ce à quoi elle croit dur comme fer, en revanche, c'est au père plongé dans ses livres de comptes. A la mère. Aux bébés aussi, elle y croit, et pourtant dans sa tête le mot ne se dit pas. Elle voit seulement leurs visages tour à tour apeurés et rieurs, elle sent leur odeur, la densité mobile de leur corps, l'avidité de leurs figures. Les bébés sont une colonie d'animaux vivant depuis toujours à l'intérieur d'elle ou bien d'émanation de ses propres organes. »
Le texte est tragique, très rude par les faits racontés, mais il est percé de lumière car Henni est une petite fille de lumière et de vie. La plume très sensorielle de l'autrice est éblouissante, virtuose même. Malgré tout ce que traverse Henni, plusieurs passages sont bouleversants de poésie comme lorsque la fillette a recours à un jeu avec ses doigts, chacun représentant un des membres de sa famille, neuf avec la grand-mère, plus le dixième qui se révélera lors de son parcours.
Une proposition littéraire d'une rare force.
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