"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Kailegh a appartenu à la cohorte de modérateurs de contenu chargés de veiller sur les images et les textes qui circulent sur le web. Sur un ton froid et désabusé, la jeune femme répond par courrier interposé à l'avocat qui lui a proposé de participer à une action collective contre la plateforme Internet qui l'employait. En dépit de la somme de vidéos barbares et de commentaires haineux qui lui a été infligée le temps de ce travail précaire, elle refuse de se joindre à ses anciens collègues, mais souhaite raconter ce qui l'a personnellement traumatisée sur les lieux de ce travail. Commence alors le récit du quotidien éreintant de ces nettoyeurs du web, de l'indifférence avec laquelle ils se protègent jusqu'aux cauchemars qui les hantent. Le jour où apparaît la séduisante Sigrid, venue travailler avec eux, Kailegh semble perdre ses moyens.
Que peut devenir une relation entre deux êtres au sein d'un univers où l'intimité est quotidiennement malmenée ? Telle est la question que pose Hannah Bervoets avec acuité, le temps d'un récit à la tension irrésistible.
Modérateur de plateformes internet, voilà un boulot qui ne vend pas du rêve. Au contraire, il est plutôt pourvoyeur de cauchemars, de dépression et même de stress post-traumatique (cf les sources en fin de livre). Et pourtant, ce travail est indispensable pour protéger l’internaute lambda des images violentes, fausses, complotistes,… qui autrement pulluleraient sur la Toile, ce lieu virtuel sans limites et ouvert à tous, pour le meilleur et pour le pire.
Kayleigh, la jeune femme narratrice, faisait partie de ces « nettoyeurs du web », embauchée par la plateforme Hexa. Après une formation d’une semaine pendant laquelle les nouvelles recrues doivent assimiler un catalogue de règles sur ce qui est publiable ou non, la voilà (mal) payée pour passer ses journées les yeux rivés sur un écran, à visionner des images plus épouvantables les unes que les autres, et à devoir décider en quelques instants si la vidéo peut rester en ligne ou pas. Les conditions de travail sont infernales : pauses rares et minutées, interdiction de prendre des notes, d’enregistrer, de parler du travail en dehors d’Hexa, et surtout obligations de rendement affolantes : 500 « tickets » à résoudre par jour, avec un taux de « bonnes » réponses de 85% à atteindre (parce qu’évidemment, des superviseurs contrôlent les contrôleurs), sinon c’est la porte.
Après quelques mois à cette cadence, Kayleigh a quitté Hexa, mais contrairement à d’autres anciens collègues, elle refuse de participer à l’action collective qu’ils intentent contre leur ex-employeur. Elle s’en explique par un courrier adressé à leur avocat, dans lequel elle lui raconte, avec froideur et détachement, ses débuts chez Hexa, son travail au quotidien, ses relations avec ses collègues et en particulier sa relation amoureuse avec Sigrid, les after-works passés à boire des verres au café du coin, leurs façons de se protéger contre leur boulot traumatisant, la manière dont leur psychisme s’est peu à peu déglingué, et comment cela a affecté leurs relations.
Ce roman me laisse un peu perplexe : je n’ai ressenti aucune empathie pour les personnages, peut-être parce qu’ils semblent tous déshumanisés à des degrés divers; leurs comportements ne sont pas toujours très lisibles ni cohérents (mais ils sont loin de mener des vies équilibrées et épanouies, et ce n’est pas seulement à cause de leur boulot chez Hexa), et au final je n’ai pas compris ce qui s’était réellement passé entre Sigrid et Kayleigh, ni pourquoi cette dernière ne se joint pas à l’action collective. Quant à la fin, je l’ai trouvée bancale.
J’aurais aimé avoir davantage de mise en contexte autour des personnages et de leur vécu, mais malgré cela, « Les choses que nous avons vues » aborde un sujet intéressant, sur lequel je n’avais encore rien lu. Ce roman tendu, cru et désabusé met en lumière un boulot terriblement ingrat et éprouvant, potentiellement destructeur tant pour le travailleur que pour son entourage, d’autant plus quand l’employeur se préoccupe davantage de rentabilité que de la santé mentale et du bien-être de ses employés.
Je découvre cette toute nouvelle maison d’édition avec un texte fort : le monde en fait, du bruit, même derrière un écran.
La narratrice, Kayleigh, sort d’une relation unilatérale avec une femme qui lui a pris tout son argent. Pour payer ses factures, elle se voit contrainte de travailler dans une entreprise de nettoyage du web (et oui, ça existe).
Nous la suivons depuis le stage de recrutement jusqu’à sa démission.
Si elle ne semble pas particulièrement souffrir des images qu’elle regarde à longueur de journée, son comportement et celui des camarades de son groupe s’en ressent : insultes faciles et grossières ; remèdes bio ; platisme et complotisme.
Pas tout de suite, pas de façon brutale, mais au fil des mois, chacun perd un peu de lucidité.
Même la relation de Kayleigh avec sa nouvelle petite amie devient problématique.
Jusqu’à perdre pied avec la vie réelle et entrer dans la vie des autres par effraction.
J’ai été sidéré que constater que Kayleigh ne pense plus qu’en terme de publication : ce que je vois est-il publiable ? Comme si le barème pouvait s’appliquer à la vraie vie, quitte à dépasser certaines bornes (tant que c’est publiable).
J’ai été impuissante avec elle face à ces jeunes qui se filment en pleine souffrance, seuls dans leur chambre.
Un roman fort qui fait réfléchir à ce que nous postons, et surtout regardons sur les réseaux sociaux qui n’ont de sociaux que le nom, tant ils sont criant de solitude.
L’image que je retiendrai :
Celle de la vidéo que Kayleigh et son amie ont filmée, déclencheur de la rupture.
https://alexmotamots.fr/les-choses-que-nous-avons-vues-hanna-bervoets/
Kailegh est une jeune femme de l'ombre, de celles qui visionnent à longueur de journée toutes les vidéos les plus malsaines qui sont postés sur ces réseaux sociaux qui ont envahi notre quotidien jusqu'à plus soif.
Elle est modérateur de contenu, un métier qui n'est pas sans risque puisque c'est quasiment à la chaîne qu'il faut visionner les horreurs, morts, sexe, violence, rien ne lui est épargné, bien au contraire puisque là aussi il faut atteindre des objectifs.
Heureusement, dans ce quotidien difficile, les jeunes savent se retrouver pour boire un verre, et parfois plus si affinité, comme ce sera le cas pour Kailegh avec la belle et intrigante Sigrid.
Nous la découvrons alors qu'elle explique à un avocat qui l'a contactée pour participer à une action collective, quel a été son quotidien dans la firme qui l'employait et contre laquelle certains de ses collègues portent plainte.
C'est un quotidien d'une telle noirceur, avec une telle charge mentale que l'on se demande comment ces jeunes vont pouvoir s'en sortir. Car bien sûr, n'imaginons pas que les robots sont capables de tout analyser. D’ailleurs nous sommes nous même parfois analyseurs de photos lorsque l'on nous demande si nous sommes des robots. Mais pour nous il s'agit tout simplement de feux tricolores ou de voitures, pas de tout ce qui détruit et fait mal.
Un roman étonnant par le sujet et la façon dont il est traité, qui nous fait nous poser des questions sur cet internet des écrans qui a depuis longtemps pris le pouvoir sur notre quotidien.
Vivre sans internet est devenu pour une grande partie de la population mondiale quelque chose d’impensable. En ces temps où le numérique a trouvé une place à part entière dans notre quotidien, nous pouvons parfois nous retrouver face à certains contenus choquants que nous décidons de signaler aux plates-formes qui les hébergent...
Alors qu’elle doit faire face à des difficultés financières causées par l’entretien d’une maison à retaper, Haykeigh trouve un poste bien rémunéré de modératrice numérique. Sa mission : visionner des milliers de vidéos signalées par des internautes et décider si celles-ci doivent ou non être retirées de la plate-forme.
Même si les vidéos s’enchaînent à un rythme frénétique et que la mission exercée est purement alimentaire, la jeune femme et ses collègues se retrouvent progressivement marqués par les contenus vu. Entre les contenus choquants et les propos énoncés par des groupes conspirationnistes, la perception du monde et la réaction de ces salariés ne pourra t-être qu’influencée…
Dans ce court roman se pose la question de la place de la réalité dans cet univers virtuel que ces modérateurs côtoient à outrance et que nous avons nous aussi à notre disposition. Dans notre société qui est toujours en mouvement, il est intéressant de s’arrêter et de se questionner pour, peut-être, remettre en cause certaines de nos habitudes. Même si l’ouvrage est très intéressant et se lit facilement, je regrette le parti pris par Hanna Bervoets dans le choix de sa fin qui m’a laissé sur ma faim...
Dans ce court roman, la narratrice nous confie son expérience professionnelle particulière, choix motivée par les contingences économiques qui l’avaient contraintes à accepter ce job bien rémunéré, alors que les dettes contractées en raison de la folie dépensière de sa compagne précédente. Ce job consiste à visionner à une rythme soutenu les vidéos diffusées sur les réseaux et les plateformes par une foule d’internautes en mal de visibilité, et de censurer ce qui répond aux critères bien définis par la nétiquette ce qui pourrait choquer les sensibilités. On y découvre les règles particulières qui font loi et aussi les conditions de travail, pour les visionner : une cadence infernale dont la moindre faille est réprimée sans délais.
Parallèlement, la jeune femme semble à nouveau vivre une histoire amoureuse avec une collègue de travail.
Le récit est court mais attire clairement l’attention sur cette tâche non seulement ingrate et surveillée attentivement par la hiérarchie, (l’erreur n’est pas permise, les fautes de jugement doivent être réduites au minimum) , mais sur l’ignorance volontaire ou pas de l’impact que peut avoir sur les visionneurs le défilé de ces images forcément pas anodines.
Sujet original qui a le mérite d’attirer l’attention sur le fonctionnement des réseaux sociaux d’une façon inhabituelle. La face cachée de la lune…
Merci à Babélio et aux éditions Le bruit du monde
Kailegh a réussi les épreuves de sélection et est devenue modératrice de contenu d'un site internet. Horaires très fixes, pauses minimales, salaire minimal, exposition continue à des images violentes dont il faut décider très vite de l'affichage ou de la censure selon que l'intention de violence était ou non présente.
Peu de contacts entre employés, ils ne sont pas conseillés et presque décommandés.
Alors quand Kaileigh tombe amoureuse de la belle et froide Ingrid, elles se cachent de tous
Et peu à peu, les deux filles s'éloignent sous l'influence pernicieuse de collègues persuadés que la terre et plate et que tout n'est que complot ...
Contactée par l'avocat en charge de représenter les salariés dans le cadre de l'action collective engagée contre leur ancien employeur, Kaileigh raconte ses jours dans l'entreprise.
Un roman où je n'ai pas vraiment réussi à rentrer.
Les observations factuelles sur le métier de modérateurs des premiers chapitres ont rapidement laissé la place aux difficiles relations de Kaileigh avec ses partenaires et je n'ai pas bien compris de quoi s'occupait l'avocat.
Autant le thème de la modération et de la vie de ces ouvriers de l'ombre m'avaient attirée pour saisir l'occasion de recevoir ce roman quand Babelio me l'a proposé dans le cadre d'une opération Masse Critique privilégiée, autant j'ai été déçue par la faible part du texte consacrée finalement à ces sujets.
Dommage !
Je remercie Babelio et les éditions Le Bruit du Monde de m'avoir offert cet ouvrage
Le roman s’ouvre avec une voix très sincère, celle d’une femme, la narratrice, Kailegh, qui raconte son histoire avec franchise. On sent que son récit fait partie d’un passé récent, de celui qui vous gêne encore, vous bouleverse encore malgré les mois passés. Elle écrit à un avocat et lui donne sa version des faits. Avec son récit, nous plongeons dans sa vie professionnelle puis personnelle. Elle explique son arrivée dans Hexa, ce métier de vigie d’internet, de spectatrice de multiples vidéos aussi banales qu’affreuses. Elle pointe les défaillances et les incohérences subtiles du règlement du net. Elle nous dévoile sa vie devant des écrans au sein d’un groupe, d’une équipe qu’elle pensait unie. Cette immersion est perturbante tant la romancière, Anna Bervoets, mêle le réalisme de la situation et l’étrangeté. On a l’impression d’être dans un monde où la chair et la sensibilité n’existent plus. Pour contrebalancer cela, Kailegh vit une histoire avec Sigrid. Le désir, le plaisir et le charnel prennent alors place dans le récit et l’autrice questionne le combat entre les deux. L’histoire intime est moins forte dans sa narration mais a le mérite de renforcer la bizarrerie de ce travail. Kailegh se rend compte qu’elle perd pied, non pas à cause de ses sentiments et d’une joyeuse romance, mais à cause de son manque de connexion. Quand le groupe de travail, qui se pensait solidaire, est envahi par des discussions révisionnistes ou platistes, alors Kailegh est perdue. Elle n’a pas d’argument autre que la Raison. Le roman d’Anna Bervoets est frappant par sa description du monde professionnel et de ce monde d’Internet, la distorsion entre les images et la réalité, entre des règles très subtiles et la morale. C’est étouffant et on voit quelques humains êtres pris dans ce cataclysme. Les détails mesurés du récit soutiennent cette atmosphère très forte.
Ce livre va nous parler du monde du travail, et, en particulier, celui de modérateurs pour des sites internet. La narratrice est modératrice dans une société sous-traitante, Hexa, cette société est chargée de contrôler les publications vidéo, qui paraissent sur la toile.
Ecrit à la première personne, nous sommes interpellés par Kayleigh. Elle ne veut pas répondre à un avocat, et raconter son travail au tribunal. Mais au fils des mots, des pages, nous allons apprendre à la connaître, à comprendre ce métier, les règles pour autoriser ou censurer des publications : violence explicite envers des animaux, mort violente…
Des conditions de travail avec des scores à atteindre, des horaires infernaux mais surtout le visionnage de vidéos, violentes, éprouvantes, des propos révoltants, des fake news, des théories complotistes.
Comment garder son intégrité, ne pas succomber à certaines théories (les platistes, « la terre est plate !!, les négationnistes (oh on en fait trop sur le Shoah !, le racisme, l'homophobie…).
Ce texte aborde donc tous ces sujets, du point de vue d'une jeune femme, par sa voix, par sa façon de vivre cela, pendant son travail de modérateur, puis après (vouloir oublier, consulter un psychiatre, s'éloigner des écrans et essayer de séparer ou pas le réel et le visuel.
Un texte krach, avec un langage cru, réaliste, la narratrice nous décrit son travail, sa vie amicale, amoureuse. Un constat sur les nouveaux métiers mais qui ont les mêmes règles de management dignes des usines du début du 20e siècle, peut-être moins de fatigue physique
Mais un mal être psychique et aucun soutien : cadence infernale, anonymat de la hiérarchie.
De nouveaux moyens techniques de communication mais des conditions de travail, dignes de la révolution industrielle mais cette révolution technologique broie aussi des êtres que ce soient sur des sites où nous pourrions nous défouler (violence, racisme, complotisme.) mais un contrôle nécessaire, une sorte de censure, avec des règles, pas faciles à appliquer.
Un récit qui fait froid dans le dos sur ce nouveau monde virtuel, qui véhicule des sentiments plus sombres, au niveau personnel (mettre en scène son suicide, son mal être), une violence envers soi, envers les autres (maltraitance, racismes), « doutes » sur le système...
Un petit roman de peu de pages qui bouleverse et questionne sur notre monde réel et virtuel.
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