"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ils sont morts à quelques semaines d'intervalle : d'abord le père, puis la vieille tante de celui-ci, enfin le grand-père maternel.
Mais cette série funèbre semble n'avoir fait qu'un seul disparu : le narrateur, dont le vide occupe le centre du récit. c'est à la périphérie et à partir d'infimes indices (un dentier, quelques photos, une image pieuse) que se constitue peu à peu une histoire, qui finira par atteindre, par strates successives, l'horizon de l'histoire majuscule avec sa grande guerre, berceau de tous les mystères.
Magnifique !
Une écriture délicieuse et enveloppante dès les premières pages pour cette fresque familiale qui véhicule la vie de l’ensemble des provinciaux français de classe moyenne d’après-guerre, inscrite en Loire Atlantique (ex Loire inférieure), une population rurale aux valeurs perturbées par la modernisation et la société de consommation qui, dès les années 1970, déferle comme un raz de marée dans les foyers, ici symbolisé avec humour par la 2CV du grand-père devenue archaïque et supplantée par la fameuse déesse, élégante, rapide et confortable.
Le texte est bâti sur des souvenirs et file à la vitesse des associations d’idées en réunissant des personnages séparés par la mort et le temps.
Des objets et des écrits trouvés dans les affaires d’un grand-père décédé va alimenter un passé familial non-dit, non su, dont l’histoire de la mort de son frère Joseph, grand oncle de l’auteur, dans l’horreur des combats de la Meuse en 14-18 à Commercy et dont le corps sera retrouvé dans la boue des tranchées mais emmêlé sans pouvoir le différencier d’un autre squelette, des os qui seront ramenés pêle-mêle à la sœur, en partie dans des boîtes de madeleines en fer…
Un frère qui aura eu les poumons brûlés par les gaz chimiques dans une guerre absolument inutile.
Cette sœur, Marie, dévote devenue une grenouille de bénitier de village qui ne s’est jamais remise de la mort de Joseph alors que son autre frère Émile mourrait à son tour,en 1917.
Jean Rouaud a un talent sans pareil pour décrire et dénoncer cette cruauté gratuite qui a eu lieu mais surtout il témoigne des conséquences au sein des familles et fait résonner en chacun de nous ces souvenirs fragmentés légués à nos imaginations.
On est tous rattachés à une longue lignée familiale mais aussi historique.
Les champs d’honneur, c’est ça aussi, nos constructions individuelles avec une mémoire portée génération après génération.
Nous livrant une histoire partielle de sa famille, l’auteur organise son livre sur trois décès successifs : Le père, le grand-père et la tante Marie, convoquant ainsi la famille, les traumatismes et la mémoire intime dont un passage tendre et drôle sur les vacances dans le Var avec le grand-père.
Il commence son livre par : « C’était la loi des séries… »
Jean Rouaud était alors âgé de onze ans.
C’est un texte chargé de poésie.
Le style est virtuose pour décrire le paysage provincial, celui de la Loire dite « inférieure » qui va connaitre l’urbanisation, la fermeture des petits commerces et artisans dans les bourgs tels les tailleurs, profession du grand-père ou les horlogers, profession du père, et même les femmes au foyer deviendront de plus en plus rares… On déménagera de fermes en appartements en se rapprochant des villes, en désertant la campagne.
Parmi les quelques digressions talentueuses de l’auteur, je ne m’attendais pas à absolument savourer, délecter, de nombreuses pages sur la pluie. La virtuosité du détail est abasourdissante.
C’est un livre réaliste et magnifique fait d’une écriture ample, limpide, élaborée sans en ressentir le travail magistral, avec des mots justes, des phrases percutantes tout en douceur et tendresse.
Un livre rare, méritant d’avoir été honoré et reconnu par ses pairs qui lui ont décerné en 1990, un prix Goncourt largement mérité.
Un plaisir de lecture absolu.
Petit clin d’œil personnel sur la PAL (Pile à Lire) que j’appelle chez moi la MAL (Montagne à Lire) et qui est un sujet souvent traité sur notre site Lecteurs.com : Ce livre à l’écriture fabuleuse attend sur une étagère que je le lise, ce, depuis 30 ans !
Un roman choisi sur les rayons de la médiathèque car il allait me permettre de progresser sur plusieurs des challenges de lecteurs de Babelio auxquels je me suis inscrite cette année.
Mais cette fois quelle belle surprise que ce beau texte qui retrace l’histoire d’une famille, évoquant tour à tour des voyages cocasses des grands parents en deux chevaux asthmatique, ou plus tragiquement la mort de deux oncles pendant la première guerre mondiale.
Un roman attachant, avec des personnages plus vrais que nature, qui chacun, à leur façon, ont dû surmonter es décès qui ont profondément modifié le cours de leur vie …
Un roman qui nous entraîne de la Loire Inférieure (devenue Atlantique depuis) jusqu’au Var (pour une escapade croustillante du grand-père) jusqu’aux champs de bataille de la première guerre mondiale à la recherche du corps d’un frère, que le même grand-père, plus jeune, ramena jusqu’au caveau familial.
Un roman plein de tendresse et de douceur !
Un prix Goncourt bien mérité !
Superbe !
Un "roman de famille" : la 2CV du grand-père et les tranchées de 14-18 liées : dans la vie et la mort.
Une progression dramatique inouïe !
Décrocher des nouveautés de début d’année ou de rentrée littéraire permet parfois de découvrir des livres relégués en fond de bibliothèque. C’est avec un certain étonnement que j’ai lu « les champs d’honneur » écrit par Jean Rouaud, kiosquier à Paris en 1990 et lauréat du Prix Goncourt la même année.
Comme s’il bâtissait son album de photos familial, l’auteur campe chaque personnage dans l’histoire. Après avoir situé géographiquement le berceau familial, parlé longuement de la pluviosité, la 2 CV d’un grand-père discret prend la route au gré de l’humeur du conducteur. Le lien avec la Grande Guerre, on ne le perçoit pas de suite !
Puis viennent la douleur de l’absence, le poids de la solitude comme les tourments inévitables d’un quotidien très sombre pour lequel Jean Rouaud extirpe un point d’humour de la plupart des situations. Alors que le corbillard conduisait la petite tante, toute légère, à sa dernière demeure, « dans le grand virage, menant au cimetière, il manqua même de verser… Biloche fils estima qu’on ne pouvait plus avancer sans mettre en péril la sécurité du mort ». Une petite phrase parmi de nombreuses qui viennent alléger le contexte, c’est ainsi tout au long du récit, pour ne pas sombrer dans le drame profond de cette période.
Malgré cela, l’émotion prend le dessus dans une dernière partie où les mots tellement justes posent le point d’orgue d’une histoire dans laquelle de nombreux lecteurs auront trouvé une résonance.
Je me suis littéralement régalée de l’écriture en « beau français » et du style, irrespectueux de la chronologie comme les souvenirs qui remontent et défilent, sans que l’on puisse en maîtriser le flux.
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