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Dans la famille, on dîne avec les héros : le grand-père aviateur, tombé en mission ; les anciens résistants, vivants ou morts, fiers d'être du « parti des fusillés » ; le père, qui côtoie Thorez au Comité central, l'accompagne à Moscou, et dont la parole résonne au Palais Bourbon comme devant les usines occupées.
De ce père ouvrier, le fils ne raconte pas la vie mais la légende : chaque défilé à drapeaux rouges, c'est Lénine et le père qui marchent en tête. Entre les vieilles pierres d'une ville de province, le fils entend souffler le grand vent qui vient de l'Est.
« Nous, on aime la vie ! clame le père. Celle qu'on a ici, sur terre. Nous, on est le parti des vivants, t'entends ? » Vraiment ?
Au fils, il semble pourtant que le père a son cortège d'ombres, celles qui l'ont suivi depuis le camp de prisonniers en Allemagne pendant la guerre. Mais pourquoi le Parti interdit-il d'en rien dire ? Romancier de la révolte et de la parole vive, Jean Védrines se lance avec L'Enfant rouge dans une archéologie des convictions, à la fois sévère et lumineuse, placée sous l'exigence de la vérité.
Une belle et douce couverture et un titre qui m'a interpellé : "l'enfant rouge".
Qui est cet enfant rouge ?
Au mitan des années 1960, le narrateur avait 10 ans, et ce fut un tournant de son existence. La foi de son enfance commença à se fendiller, comme la foi de son père au même âge.
Son père: Henri Védrines, né en 1911, ouvrier, membre du PC à 20 ans, élu député de Montluçon à la Libération, proche de Thorez qu'il accompagnait à Moscou.
Fils d'un député communiste, l'auteur se rappelle ses jeunes années à Montluçon, ville ouvrière, cité antique.
L'auteur-narrateur va nous raconter à hauteur d'enfant, la vie de sa famille et des voisins.
Il y a le grand-père aviateur, tombé en mission ; les anciens résistants, vivants ou morts, fiers d'être du « parti des fusillés » ; le père, qui côtoie Thorez au Comité central, l'accompagne à Moscou, et dont la parole résonne au Palais Bourbon comme devant les usines occupées.
Il y a les copains d'école, en particulier, le petit voisin, qui lui va au catéchisme et raconte au petit Jean, la Bible. Les deux enfants vont alors se raconter L Histoire, que ce soient certains épisodes de la Bible ou le passé romain de Montluçon ou les récits familiaux (en particulier la vie du grand père mais aussi le passé de son père pendant la guerre).
"Les curés, je sais bien, mentent tout le temps. Gagarine, quand il habitait son Spoutnik, leur a cloué le bec une bonne fois : il a eu beau scruter l'espace par le hublot, jamais il n'y a repéré le moindre bon Dieu, ni un seul esprit à auréole planant et tournicotant dans le vide à la façon légère d'un cosmonaute."
Un roman récit au niveau des questionnements de l'enfant et de belles pages de souvenirs (de vacances, d'attente de son père devant le nouvel immeuble du siège du PCF à Montluçon..). Des questionnements sur certains non dits, mystères (en particulier, cet étrange voyage à Nice où son père est convoqué pour justifier des activités pendant la guerre).
Un texte au niveau des souvenirs de l'enfant, et j'ai apprécié ces questions de cet enfant face à sa famille, à l'école, aux copains d'école.
De beaux souvenirs d'enfance à Montluçon, le passé ouvrier de cette région, les souvenirs d'engagement (de belles pages sur les souvenirs des histoires de la nourrice et des légendes de la Région). le souvenir des jeux d'enfants (digne de "la guerre des boutons", des jeux sur les ruines romaines...) et L Histoire qui se faisait. J'ai apprécié aussi les pages sur mai 68 et les réactions de son père communiste et des articles de l'Humanité à l'époque.
Un beau texte d'un enfant en hommage à sa famille et nostalgique des ces périodes de militance, d'engagement.
Hasard de mes lectures, c'est le troisième livre que je lis sur des textes d'enfants qui se questionnent sur les engagements politiques de leurs parents, et en particulier, des engagements communistes : avec Fièvres rouges de Judith Rocheman et Enfin libre de Lea Ypi (qui se passe en Albanie).
#Lenfantrouge #NetGalleyFrance
Dans L’enfant rouge, Jean Védrines raconte sa jeunesse à hauteur de l’enfant qu’il était. Décrivant l’univers des militants communistes, il confronte ses souvenirs aux documents qu’il a retrouvés pour comprendre l’histoire à la fois de l’engagement de ses parents, mais aussi de leurs déceptions, au fil du temps.
Dans la famille Védrines, il y a tout d’abord le grand-père, Jules, pionnier de l’aviation. Celui qui a posé, en 1919, son biplan de toile et de bambou, léger comme une plume, sur le minuscule toit des Galeries Layettes. Mort en héros, pulvérisé dans son engin !
Il y a aussi sa mère, originaire de la Haute Loire. Et son père, véritable Lénine des luttes à Montluçon. Et, lui, le petit qui raconte sa jeunesse au cours de trois périodes, ses 6/8 ans, puis vers 11 ans, puis au début de son adolescence.
La chaise à Cachin, la fédé et aussi Maurice au bon sourire (Thorez, pour ceux qui n’auraient pas trouvé ! ), il y a aussi le massacre de Charonne et toujours les défilés des luttes, toujours les manifs !
Alors, du haut de ses six ans, Jean Védrines sème ses souvenirs en y mélangeant son ressenti d’adulte. Lorsque l’adulte essaye de prendre position, devant l’idolâtrie du parti, par exemple, il est rattrapé par le môme de six ans qui admire tellement la figure paternelle, même si elle lui fait peur et même s’il ne comprend pas tout. Le monde de l’enfance est revisité, ou inversement, par l’adulte qui écrit !
La génération des parents est celle de la mort, omniprésente, ceux de la dernière guerre déjà, mais aussi ceux des luttes de l’après où la violence est au coin de la rue. Alors, l’enfant exprime avec poésie tout ce monde passé par son attirance pour la Place des Poteries, surnommée celle du Colonel Fabien, où il ressent l’onde des morts du charnier romain qui y demeurent.
Jean Védrines décrit le rêve, le jeu, l’instant présent de l’enfance, ses préoccupations métaphysiques pour comprendre le monde, ou du moins, pour tenter de l’appréhender et de l’apprivoiser.
La suite ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2023/03/03/jean-vedrines-lenfant-rouge/
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