"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le jeune Nathan Zuckerman, qui vient de faire des débuts littéraires prometteurs, est invité chez E. I. Lonoff, illustre écrivain longtemps resté obscur et qui vit, retiré, dans les collines du Massachusetts. L'action se déroule en 1960. Nathan y rencontre la femme de Lonoff, Hope, effacée et discrète, et une mystérieuse créature, femme-enfant exotique, Amy Bellette. Peut-être est-elle plus qu'une simple secrétaire archiviste et une élève de l'écrivain. Nathan, cousin par alliance de Portnoy, et doué d'un flair toujours en éveil pour toute odor di femina, s'enflamme aussitôt pour la séduisante inconnue. Précisément, Lonoff invite son jeune hôte et admirateur à passer la nuit chez lui, dans son bureau, devant cette table même où s'élaborent ses chefs-d'oeuvre. En dépit de tout son respect, Nathan, perché sur la table du maître, mué en acrobate écoutant au plafond (la chambre d'Amy Bellette se trouve juste au-dessus), surprend certains secrets qui compliquent son aventure chimérique. Mais son imagination l'emporte. Amy, réfugiée venue d'Europe, rescapée de l'holocauste, pourrait être pour lui la femme idéale, et résoudre le conflit l'opposant aux juifs traditionnalistes de sa famille, qui lui reprochent dans ses premiers écrits de les avoir malmenés ignominieusement. Mais, le lendemain matin, c'est le conflit latent entre Lonoff et sa femme qui éclate et désoriente Nathan, témoin involontaire d'une étrange scène de ménage. Cette visite à celui qu'il voudrait considérer comme son père spirituel apportera-t-elle au jeune Zuckerman les réponses aux questions qu'il se pose sur son avenir d'homme et d'écrivain ? Ambigu, déroutant, tour à tour comique, émouvant, dramatique, vingt ans après la parution de Goodbye, Colombus, L'écrivain des ombres est le onzième livre d'un des plus grands auteurs américains actuels, dans la plénitude de sa maturité.
La déchirure du voile de la comédie
Philip Roth exerce avec ce talent unique qui est le sien, cette légèreté planant sur ses personnages sans oublier de l’appliquer à son double littéraire.
Ici c’est la naissance du jeune Nathan Zuckerman, élevé dans une famille traditionnelle qui l’a bichonné comme un trésor. Cette famille le trouve bien ingrat d’écrire des vérités qu’il serait mieux de taire.
Le jeune écrivain en herbe est un admirateur de E.I Lonoff et il a le privilège d’être invité dans l’antre du maître.
Ce colosse littéraire tombera-t-il de son piédestal ?
Chez Lonoff, Nathan va faire connaissance avec Hope son épouse et Amy Belette jeune étudiante qui consacre du temps à l’archivage du grand maître.
« Elle écrit une prose d’un style remarquable, me confia Lonoff lorsque nous fûmes rentrés dans la maison. Je n’en ai jamais vu de meilleur chez un étudiant. Une clarté merveilleuse, un sens merveilleux de l’ironie. Une intelligence percutante. »
Nathan bien évidemment est sous le charme immédiat de la jeune fille.
Il est évident que Nathan ambitionne de devenir le fils spirituel de Lonoff.
Le jeune homme est invité à rester dîner puis passer la nuit, son lit sera fait dans le bureau du grand homme.
Dormir il n’en est pas question, tout autour de lui respire le génie, tout est inspirant, alors lui vient l’idée d’écrire une lettre à son père (celui-ci ayant fait intervenir un médiateur pour le sauver de ses erreurs pour ne pas dire errances).
Et soudain, tout dévie Miss Belette se prend pour Anne Frank et il veut épouser Anne Frank.
Ne serait-ce pas la plus belle des façons de se réconcilier avec sa famille ?
Sous cette fausse frivolité une réflexion profonde s’enclenche.
Elle se termine en apothéose avec la scène du petit déjeuner entre Lonoff, Hope, Amy et Nathan, qui vu de l’extérieur aurait pu passer pour la réunion de la famille parfaite.
C’es tout simplement une scène de la comédie humaine imaginée par Roth qui montre que chacun doit s’accommoder des turbulences de l’histoire.
N’invitez pas un écrivain à votre table… Le voile se déchirera.
Un opus où nous retrouvons les thèmes chers à l’auteur : le poids de la puissance familiale, l’ambiguïté de ne pas vouloir décevoir mais revendiquer d’être soi, libre jusqu’à l’irrévérence.
Le lecteur entend cette verve à la Roth, l’ironie et l’obsession de la trahison.
Cette écriture que le distingue, si singulière dans sa nervosité et cette accroche irrésistible.
Un plaisir de lecture renouvelé, puissamment intelligent.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2023/01/04/lecrivain-fantome/
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