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Pourquoi «l'écart absolu» ? Pourquoi «écart», et pourquoi «absolu» ?
«Écart», d'abord, par rapport à quoi ? Pour Miguel Abensour, l'enjeu de toute pensée critique consistait à se situer à distance des «lignes culturelles et politiques» qui orientent et organisent le réel existant. Il est aisé de se dire «critique» ; il l'est beaucoup moins de circonscrire un lieu - et de s'y tenir - où ces «lignes culturelles et politiques» sont tenues à distance, où la pensée se conjugue avec une liberté qui fait entrevoir d'autres chemins, d'autres voies. Un Ailleurs.
Une «pensée libre» entendue en ce sens est ou n'est pas - elle ne peut se tenir que dans un écart «absolu» avec le réel existant.
Cette pensée annonce obstinément le «retour des choses politiques», que le réel existant cherche à recouvrer, pour lui substituer la Nécessité économique ou la Morale.
«Retour des choses politiques» lisible tout autant, suivant Abensour, dans la persistance de l'utopie ou du motif de l'héroïsme en politique que dans les écrits de penseurs et de philosophes contemporains qui, même quand ils ne se proposent pas explicitement de faire du politique leur objet, tissent néanmoins la trame d'une «philosophie politique» étrange, aux contours indéfinis, intempestive eu égard à la tradition, que l'on s'autorisera à dire «critico-utopique».
L'écart absolu n'est pas l'«objet» de l'oeuvre de Miguel Abensour : plutôt que d'en parler, il serait plus juste de dire qu'elle l'incarne.
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