Des découvertes littéraires pleines d'émotions et de promesses
A A'Samar. J'aime la nuit. D'ailleurs c'est la nuit que je suis née. C'était un samedi. On s'en souvient tous. Le problème avec la Nuit. C'est que la Nuit y a personne pour emmener maman à l'hôpital. Parce que papa est à la mine, au travail de nuit". Le soir tombe sur les corons du nord de la France, et une fratrie se presse devant l'écran de télévision. Soudain apparaît le visage attendu ? : celui du père.
Qu'y raconte-t-il ? A l'époque, personne ne s'en soucie vraiment. Ce n'est qu'une fois adulte qu'Hannah, devenue enseignante et aux prises avec les règles imposées, découvrira l'histoire incroyable de son père et d'un groupe d'hommes venus du sud du Maroc pour travailler dans les mines de charbon.
Des découvertes littéraires pleines d'émotions et de promesses
Je ne sais plus trop par quel hasard j’ai découvert cet auteur. Attirée par le sujet je me suis laissé tenter.
Tout y passe sous la plume de Samira El Ayachi : l’immigration, l’intégration, la condition ouvrière, la lutte ouvrière, la condition de la femme, la pauvreté… Bref une belle photo des années 60 dans les corons lensois. En plein cœur du pays minier on partage le temps d’un livre le quotidien d’une famille.
J’ai lu quelque part que c’était une écriture à la manière d’Annie Ernaux. Et c’est vrai que ça y ressemble. Il n’y a pas vraiment de chronologie mais le fil conducteur de la vie de tous les jours nous entraine dans le quotidien de ces marocains venus pour faire « tourner » le pays. On a une vraie photo de l’intérieur du coron, de la maison, de la famille.
J’ai bien aimé ce style qui raconte du vécu. Je ne suis pas marocaine, je ne suis pas immigrée mais j’ai couru dans le quartier avec les autres gosses. Seul bémol, le dernier quart du livre m’a semblé long. On perd le rythme joyeux qui a précédé On n’est plus dans la réflexion et l’introspection. Du coup ça perd un peu de son charme, enfin à mes yeux.
Si j’ai l’occasion je n’hésiterai pas à lire autre chose de Samira El Ayachi. Le pays minier ce n’est pas très loin de chez moi, alors lire son histoire ça me plait bien
C'est un roman tiré de l'histoire familiale de l'auteure.
Hannah, le personnage central, est née et a grandi dans un coron du nord de la France. Son père, marocain, est mineur.
Il y a une alternance dans le récit entre l'enfance d'Hannah et novembre 2016. Elle est alors devenue enseignante et est en garde à vue, les explications arriveront au fil de la narration.
Dans un autre temps et un autre lieu, j'ai également connu petite la pauvreté, la solidarité et trouvé une porte de sortie dans les livres et à l'école. J'ai donc beaucoup aimé les passages portant sur l'enfance d'Hannah. Ils sont tout à fait justes et touchants.
Je connaissais également l'histoire de ces berbères marocains venus du Sud du Maroc jusque dans le nord de la France pour travailler dans les mines. Samira El Ayachi fait oeuvre utile en l'évoquant, ce n'est pas une histoire très connue ni très reluisante. Et puis j'aime quand on rappelle la mémoire de tous ces héros inconnus, malmenés, méprisés qui aidé à construire la France. Insérer dans le roman des documents d'époque est plutôt malin et donne corps à ces faits.
Par contre, j'ai trouvé les passages relatifs à 2016 décousus, je me suis perdue. Peut-être pour être à l'image de l'état d'esprit "d'Hannah 2016" c'est à dire chaotique? Et le parcours pour arriver à l'explication finale est pour le moins alambiqué. Je vois bien les sujets que veut aborder l'auteure, mais je n'adhère pas à l'angle d'attaque. J'aurais préféré quelque chose de plus simple, de plus lisible et qui aurait été plus efficace.
Malgré ces réserves, c'est un livre émouvant et instructif.
On a souvent parlé du ventre des femmes, sujet de beaucoup de convoitises, de beaucoup de fantasmes, c'est en quelque sorte l'origine du monde. le ventre des hommes, par contre... C'est pourtant ce que va nous raconter Hannah, le ventre de ces hommes, ces mineurs de fond, venus d'ailleurs pour la plupart, pour faire un travail dur, pénible, dangereux. Ce sera surtout l'occasion d'évoquer son père, Marocain, venu en France pour travailler, pour améliorer sa vie, et surtout celle de ses enfants (la narratrice "réussira" d'ailleurs très bien comme on dit, elle, la fille d'immigré qui deviendra professeure de français - un cliché?), lui, le mineur de fond marocain qui n'a pas le même statut que les autres et qui peut être renvoyé au pays du jour au lendemain. Il va se battre, montrer ce qu'il a dans le ventre, justement.
Je ne souhaite pas en dire davantage sur ce roman, préférant laisser le lecteur le découvrir au fur et à mesure. J'avoue aussi que j'aurais beaucoup de mal à résumer davantage ce livre, ne sachant pas trop où il se situe entre la fiction pure, le témoignage (personnel? historique?), la démonstration. L'autrice part d'elle, de sa vie, de ses souvenirs dans le bassin miniers du Nord, ces fameux corons dont Pierre Bachelet parle si bien.
Je suis moi-même une fille du Nord (même si j'ai grandi à Lille, la "grande ville", la capitale des Flandres, assez loin donc des bassins miniers dont il est question ici, même si, à vol d'oiseau, la distance est courte), et j'ai à peu près l'âge de l'autrice et de la narratrice, à une année près. Donc, oui, ses souvenirs d'enfant, de petite fille, je m'y suis retrouvée, les enfances n'étant finalement pas forcément très différentes les unes des autres (ou en tout cas les souvenirs que nous en gardons à l'âge adulte), et j'ai beaucoup aimé cette partie, l'impression de me redécouvrir en quelque sorte. En gros, j'ai beaucoup aimé l'évocation du passé, des souvenirs, notamment le regard tendre qu'elle porte sur son père dont elle ne connaissait pas tout, notamment son parcours de (com)battant, et surtout très différent de l'homme fruste et illettré que chacun pourrait imaginer.
J'ai beaucoup moins aimé en revanche les incursions dans le présent, ne comprenant pas du tout où voulait en venir l'autrice, j'ai trouvé son procédé d'accroche grossier, même si plutôt malin et intelligent car on a envie de savoir la raison du pourquoi et du comment. Et quand on connaît le fin mot de l'histoire, on se dit (je me suis dit) "ah oui, tout ça pour ça, vraiment?", ce qui fait que je suis sortie de ma lecture assez mitigée et confuse.
Il en va de même pour l'écriture, j'ai été très partagée tout au long de ma lecture entre une grande confusion et des fulgurances incroyables qui m'ont presque tordu le ventre et fait monter la larme à l'oeil. J'ai trouvé qu'il y avait parfois beaucoup de poésie dans ce texte, mélangée avec une prose proche de l'oralité, ce qui m'a gênée pour l'appréciation générale du livre.
En résumé, j'ai trouvé qu'il y avait de très bonnes choses dans ce roman, un hymne à l'éducation, aux livres (le choix de la narratrice d'enseigner en primaire, là où tout commence, m'a beaucoup plu par exemple), l'amour des autres, de son aîné comme de son prochain, la transmission, le devoir de mémoire (avec des archives insérées dans l'ouvrage qui font rire jaune ou font froid dans le dos), une écriture parfois couillue,... mais aussi de plus mauvaises qui m'ont freinée dans mon plaisir de lecture. Au final, je sors assez perplexe mais je pense qu'il peut trouver son public. Je vous ai bien aidés, hein? A chacun de se faire son avis, ce n'est que modestement le mien.
Lens, Méricourt, Oignies, Liévin... ces noms de villes qui résonnent dans chaque ch'ti coeur mais qu'on n'imagine pas retrouver dans un livre, et pourtant, Samira El Ayachi l'a fait et pas pour les dénigrer, au contraire, pour les assumer et les célébrer.
En effet, "Le ventre des hommes" est un roman qui met en scène une jeune femme, professeure dans l'éducation nationale, qu'on vient arrêter dans son école.
Qu'a-t-elle fait? On l'ignore de prime abord mais cette garde-à-vue sera l'occasion pour elle de se plonger dans les méandres de ses souvenirs et de réfléchir aux étapes de sa vie qui ont forgé sa personnalité, son identité. Et justement, cette identité est intimement liée à ce dont elle a tout fait pour s'émanciper, pour "échapper" aux corons dans lesquels elle a grandi.
Ce roman est intense et a beaucoup résonné en moi. Le personnage d'Hannah me renvoyait tantôt mon reflet, tantôt celui de certains visages familiers. Il constitue à mon sens un ouvrage-témoignage tant il crie de vérité.
Que ce soit sur l'héritage des mineurs, la vie dans les corons, la vie des immigrés qu'on a fait venir pour travailler puis qu'on a dénigrés, l'image céleste que représentait l'Ecole pour ces familles et ce qu'elle est en réalité une fois la barrière franchie, ou encore les relations parentales, tout me semble juste.
En lisant ce roman, j'ai eu la nette impression que l'auteure se livrait complétement ou du moins qu'elle se faisait le porte-parole de toute une génération d'enfants élevée dans la honte des corons, de ses origines minières, une génération prête à tout pour sortir de cet environnement dévalorisé, dévalué alors qu'en réalité il constitue sa plus grande richesse, inutile donc de renier ses origines.
Avec le "Ventre des hommes" on a donc envie d'être fier de ses origines, d'être des enfants d'immigrés, des petits-enfants de mineurs et on garde en tête qu'aussi basses soient-elles, ce sont nos origines qui nous élèvent.
Une jeune enseignante issue de l'immigration, Hannah, se retrouve en garde-à-vue sans que l'on sache, avant la fin du récit, les raisons de son arrestation. Elle profite des interrogatoires pour se remémorer son enfance et la vie de son père. Ce roman est centré essentiellement sur la narratrice, et son père.
Comme tant d'autres avant eux, de jeunes marocains ont été recrutés pour venir extraire du charbon dans les mines du Nord de la France. Dans les années 1970 on savait bien que l'extraction minière allait s’arrêter mais eux, les travailleurs marocains, ne le savaient pas. Généralement incultes, ils étaient venus pour sortir de la misère et n'étaient pas conscients qu'ils n'avaient pas le même statut que les autres mineurs. Leurs contrats étaient précaires et aucun regroupement familial n'était prévu. Abandonnés par le gouvernement français comme par le gouvernement marocain, mais solidaires, il leur a fallu se battre pour obtenir des droits et rester en France.
Samira El Ayachi connaît bien le milieu qu'elle décrit. Issue d'une famille d'origine marocaine, elle est née dans une région minière et y a passé sa jeunesse. J'ai bien aimé la voix d'Hannah enfant, elle me paraît très juste. Une fois adulte j'ai été moins intéressée par la première de classe qui a su profiter de l'enseignement pour s'extirper du monde de la mine. Ça aurait pu être un beau parcours d'émancipation féminine mais les combats du père l'ont trop marquée et elle cache une colère que je n'ai pas bien comprise. J'ai regretté qu'elle ne parle pas du parcours des autres membres de la fratrie. La mère, quant-à-elle, est tout à fait effacée.
J'ai trouvé le récit un peu répétitif et fouillis. L'écriture est simple, avec quelques lourdeurs, c'est souvent du langage parlé. Le père ne s'exprime pas dans un bon français, utilisant un mélange de ch'ti et de berbère et c'est normal. Pour le reste du texte ça aurait pu être plus soutenu.
Ce récit émouvant est un bel hommage aux Marocains venus travailler dans nos mines. Je l'ai considéré comme un documentaire bien que ce soit un roman. Pour moi, c'est aussi un hommage au père qui a laissé sa fille libre de ses choix. Il est dommage qu'elle n'ait pu dépasser sa colère.
https://ffloladilettante.wordpress.com/2021/09/06/le-ventre-des-hommes-de-samira-el-ayachi/
’ai adoré le lire, le vivre, c’est un délicieux bouillon de lutte, de résistance, de faits historiques mais aussi de famille, de solidarité, de racine, d’amour de reconnaissance, que j’ai passionnément dévorée.
Lundi 14 novembre 2016, la police fait une interruption dans une école primaire où une jeune enseignante d’origine maghrébine est mise en garde à vue. (On ne saura le chef d’inculpation qu’à la fin de livre)
Lors de cette garde à vue et pendant son audition ;Hannah professeur des écoles franco-marocaine fille de Mohamed ancien mineur au Pas-de-Calais ; se fait submerger par des souvenirs ,elle se voit jeune enfant de 5 ans dans leur petite baraque dans les corons, « Dans la maison des mines, on est tellement les uns sur les autres que la maison des mines n'en peut plus. » au sein d’une famille nombreuse parmi d’autres familles de mineurs marocains , ces mineurs ,ces exilés économiques à qui l’auteure et le narratrice rendent hommage par un récit historique et chronologique de leur longue et hardie lutte pour prévaloir leurs droits , malheureusement méconnue et oubliés par la grande et glorieuse histoire économique de la France .
Ces mineurs marocains, recrutés dans les années 60 et invités à rentrer chez eux aux fermetures des mines « on était là comme un point, pour faire la transition » et qu’ont reçu comme guise de remerciement et de reconnaissance une aide financière pour le retour au pays. Un pays qu’ils ont fuie fuir la misère économique, la sécheresse pour se retrouver dans une autre misère « nous n’étions pas majeurs, nous étions des lettres et des vies minuscules »
Le ventre des hommes englobe aussi de nombreux thèmes que l’auteure a mis un point d’honneur à développer ; les efforts de ces enfants d’immigrés à s’intégrer grâce à l’éducation et au savoir , de ne pas être " la bête enfant d'analphabètes" ,les solidarités entres ces travailleurs qui ont contribué au développement d’un pays et qui se retrouve au marge de ce dernier, ces âmes bienveillantes (enseignant , voisine …)qui ont guidés ces enfants vers un avenir loin de des corons mais aussi ces femmes et ces mamans que le regards extérieure voyaient comme soumises et faibles l’auteure leur rend leur dignité en relatant leurs difficultés au quotidien dans une sociétés loin de de leurs mœurs ,la barrière de la langue mais aussi ce courage et cette force de lutter pour leurs foyers et leurs enfants « choisir de rester en France quand personne ne veut de nous et de nos enfants …..C’est à ce moment-là que nos femmes étaient courageuses .nos femmes, elles voulaient rester en France, elles nous ont demandé de nous lever et de nous battre ».
Je m’arrête et je vous laisse le plaisir de découvrir ce roman plein de tendresse, de courage, d’amour.
Le ventre des hommes, oui c’est une déclaration d’amour et de reconnaissance à ces mineurs marocains mais aussi une déclaration d’un petit cafard et apaches à son père. (Comme Mohamed aimait appeler ses enfants)
« Mon père, un homme de la terre, de toutes les terres, en dessous, au-dessus, la terre, il sait que, elle qui le nourrit, elle qui le mangera. C’est elle le ventre des hommes ».
2016, des parents, des enfants, des curieux, dont les yeux se fixent sur Hannah institutrice qui vient d'être arrêtée par la police, dans sa salle de classe. Pendant son audition au commissariat elle se souvient.
Retour en 1987, dans le Pas-de-Calais, Hannah a cinq ou six ans, sa famille habite dans une petite maison des mines. Les bacs en zinc, les toilettes à l'extérieur, le poêle à charbon. Les corons, la solidarité, l'intimité partagée. Madame Vache l'institutrice et la découverte de la langue française. La mine qui tire sa révérence, la dernière remontée des mineurs.
L'attrait de la télévision, le collège et le temps des copines, la surveillance incessante du père. L'Amérique, le lieu du rêve de tous les possibles. L'horreur du monde, la guerre en Irak à la télévision comme un grand jeu vidéo avec ses frappes chirurgicales et ses dommages collatéraux dans la population civile. Elle ne comprend rien aux dingueries du monde adulte.
La terminale et la découverte de la philosophie, une science où l'on aime se poser des questions sans fond. La petite fille qui ne se reconnaît plus dans le corps de la femme qu'elle devient. Les études supérieures, la grande ville, elle découvre que tout le monde n'est pas comme elle, elle a honte de sa provenance, elle a mal à sa famille.
Et puis un jour, elle lit Germinal et quelque chose se passe.
Le père qui a quitté la terre sèche et brûlante de son village, la femme qu'il vient d'épouser, son enfant qui vient de naître, il a tout quitté, pour creuser un trou dans une mine. Les mots du père retranscrits tels quels dans un cahier pour expliquer l'histoire de trois mille Marocains envoyés dans les mines du Nord de la France avec la complicité du roi Hassan II et jetés comme des pommes pourries à la fermeture des puits. Des hommes déracinés, traités comme des bêtes, le corps et le coeur déchirés en deux parties.
Une ode à la diversité de la langue française, aux bibliothèques, à la magie des livres. L'admiration d'une fille pour le combat de son père pour faire reconnaître ses droits par la France. Une réflexion sur la désobéissance, sur le métier d'enseignant, sur la montée de l'islamisme et de l'extrême droite sur fond d'attentats terroristes et de la peur qui s'installe dans le pays. Sur le bonheur de ne rien posséder.
Quelques fac-similés de documents d'époques éclairent le propos, le dernier, de la direction du personnel des houillères, intitulé « conseils à la maîtrise concernant le comportement envers les ouvriers nord-africains » termine ce roman social et engagé, résolument ancré dans notre société, porté par une écriture vivante, militante et émouvante.
Un merci infini aux éditions de L'Aube et à Babelio de m'avoir permis de lire ce grand roman en avant-première.
Hannah, enseignante, est arrêtée dans sa classe, devant ses élèves.
Aux policiers qui l’interrogent, elle tente de livrer son histoire pour justifier ce qui l’a amenée à agir comme elle l’a fait.
Son enfance, fille de marocains, dans une cité minière. Son désir depuis toujours d’enseigner. La découverte de sa singularité. Et son père, dont elle découvre après bien des années tout un pan de l’homme qu’il a été.
Un très beau roman sur une part méconnue de notre histoire de France et, plus généralement, sur l’enfance et la féminité.
À lire au pied d’un terril.
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