"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
On nous l'annonce comme imminente, et inéluctable. Une catastrophe lente à venir. On nous l'annonce depuis si longtemps, mais est-ce pour nous alerter ou pour nous habituer ? Je n'avais pas vingt ans quand on commença à parler de « la montée du Front national ». C'était lent et puissant, comme une marée. Cela n'a jamais cessé depuis, et j'aurai plus de soixante ans en 2027 quand... mais quand quoi, au fond ? C'est qu'entre-temps, je suis devenu historien, et j'ai appris qu'on peut craindre, ou espérer, un événement qui, lorsqu'il advient n'est pas le surgissement de l'inconnu mais la poursuite du connu, et que c'est parfois pire. Car l'on se rend compte alors, mais trop tard, qu'à force de l'attendre, on n'a pas compris qu'il était déjà advenu.
« Nous en sommes là. Le temps est aujourd'hui si lourd qu'il oblige l'historien que je suis devenu à tenter de poser un diagnostic sur l'aujourd'hui, non pour prendre position mais, une fois encore, pour prendre date. Car l'expérience de la durée épidémique et la conscience de la crise climatique ont tout changé à la notion même de danger imminent. Sans cesse retardé, il est devenu notre actualité. Et nous ne pouvons donc plus nous contenter d'assister, impuissant, au désespérant spectacle d'un compte-à-rebours. Il est encore temps de sortir de la nasse, mais il convient pour cela de se saisir du temps qui reste. » P. B
C'est un manifeste rationnel, précis, argumenté. Boucheron nous invite à ne pas nous laisser bercer par les discours politiques qui visent à nous endormir mais plutôt à rester en alerte, en action, à ignorer leurs simagrées et même à être créatifs.
Il parle juste et tape fort, l'air de rien, sans les outrances verbales de ceux qu'il dénonce. Si le style est clair et très précis bien que les phrases soient étrangement découpées par la ponctuation, certains concepts ne sont pas grand public (anthropocène, parousie, Doomsday Clock...) mais ils ont tout leur intérêt.
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"[La Doomsday Clock] rend possible le calcul d'une prévision afin de conjurer l'attente et de faire sonner l'alerte : elle forme une parole qui nous dépasse, et se porte au-devant de notre capacité de conceptualisation" (p. 21)
"On pourrait en tirer sinon une loi générale, du moins quelque chose comme une régularité : dans chaque situation catastrophique, il y a soit la conjonction, soit le conflit secret entre deux catastrophes. Celle qui se voit et se raconte si bien qu'elle occupe tout le champ du langage [...], et celle qui n'est pas imaginable et passe inaperçue, mine de rien, mais sape sourdement les fondations des sociétés poilitiques" (p. 34)
"Ce qu'ils voient ? La possibilité, plutôt que de mourir d'avance du temps qui reste, de vivre le reste du temp" (p.42)
"Ils désignent leurs successeurs en choisissant leurs adversaires" (p. 49)
"On ne saurait oublier qu'en politique, les choses horribles commencent toujours intelligemment. Ce qui signifie donc qu'on ne perd pas totalement son temps à inventer, pour plus tard, et au même niveau d'exigence, ce qui pourrait les contrarier" (p. 61)
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