"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Paris, 1927. Charles Benesteau, avocat réputé, fils d'industriels, décide du jour au lendemain de tout quitter : son épouse et son fils adolescent, son travail, son bel appartement. Il ne veut plus aucun lien avec sa famille.
Il s'installe Rue de Vanves dans un petit appartement d'un immeuble avec concierge. le quartier est plutôt populaire. Charles n'a pas vraiment choisi, il a pris le premier appartement qu'il a pu trouver.
Il aspire à la tranquillité pour écrire le journal de sa vie et à un train de vie beaucoup plus modeste. Un peu idéaliste, il est persuadé que les habitants de son nouveau quartier, essentiellement des ouvriers, sont plus authentiques que les personnes qu'il a fréquentées tout au long de sa vie.
L'expérience va lui faire quelque peu changer d'avis.
Publié en 1935, ce court roman de 150 pages est d'une incroyable modernité. Emmanuel Bove (1898-1945) est tombé dans l'oubli après la seconde guerre mondiale, il mérite vraiment d'être redécouvert. « le pressentiment » a été adapté au cinéma par J.P Darroussin en 2006.
Il y a une certaine condescendance à prétendre que la pauvreté est une vertu. Et une incroyable naïveté, si ce n'est de l'ignorance, à croire que les classes défavorisées sont plus solidaires que Les autres strates de la société. C'est ce que Charles Benesteau va apprendre à ses dépens, alors qu'il vient d'atteindre la cinquantaine. Lui, issu d'un milieu bourgeois, étriqué et conventionnel, il va envoyer paître son travail (il est avocat), sa famille et ses amis (plutôt des connaissances). Et pour ce faire, il quitte tout pour s'installer seul, ailleurs, pour écrire ses mémoires et lire. Mais la vie va le confronter à la misère d'un couple dont il recueille, pour quelques temps, la fille. Subitement, lui qui se voulait discret, devient le centre des commérages malveillants du quartier. Il découvre que la bêtise et la méchanceté sont une question de nature humaine, et non de classe sociale. Oui, une concierge peut être médisante, jalouse et injuste. Mais une professeure de français, éduquée et aisée, peut l'être tout autant. Cette expérience l'usera et il se laissera mourir, déterminé à quitter ce monde si décevant en laissant (peut-être) un souvenir à quelqu'un. Il est troublant de lire la description de cette agonie quand on sait qu'Emmanuel Bove était lui-même de santé fragile et mourut d'une maladie infectieuse.
La description de milieux sociaux à travers des archétypes féminins est une idée très intéressante. Ainsi la femme la plus sincère avec Benesteau est la femme adultère, celle qui trompe un mari alcoolique et violent. Alors que celles qui se disent « convenables » sont soit des harpies, soit des harengères. Tous les hommes sont plutôt mous de caractère. Tout ce petit monde mesquin évolue dans un décor souvent décrit en quelques phrases explicites, au cœur d'un Paris à jamais disparu (l'action se déroule dans les années 1930). Il y a dans ce style épuré les prémices des Romans de Georges Simenon, à la même époque, genre « Les fiançailles de M. Hire ». En effet, Emmanuel Bove nous propose, en réalité, une intrigue plutôt simple, mais avec un décor et des personnages forts. Une intrigue dont le héros est attachant d'humanité, obligé d'aller au bout de lui-même, de sa logique en dépit des autres protagonistes.
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Merci de m'avoir donné envie de lire ce roman.