"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
A 76 ans, Marcel a l'âme d'un enfant et le talent d'un artiste. Mers inventées ou montagnes omniprésentes, il peint des horizons monomaniaques, hanté par son environnement depuis que l'asile du coin a fermé et qu'on l'a laissé sortir. Rattrapé par ses cauchemars, Marcel commence un journal, tentative d'apprivoisement des mots, de sa propre folie, de sa mémoire pleine de rage et de fureur. Avec cette variation d'une grande douceur sur l'évaporation du temps et la terrible violence faite à une âme simple«, »Michel Tremblay signe le roman funambule et bouleversant d'une vie volée.
Le Peintre d’aquarelles se présente comme un roman totalement indépendant et les références au passé du personnage principal sont toujours assez explicites pour que le lecteur les comprenne, mais ce Marcel, on le connaît déjà ! C’est le fils d’Albertine, le petit frère de Thérèse, un des protagonistes des Chroniques du Plateau Mont-Royal, particulièrement présent, enfant, dans Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges. Marcel, désespéré, mal aimé par sa mère, rejeté par l’école qui le considère comme fou, visité par les fées et accompagné par Duplessis, son chat imaginaire, ce Marcel-là a maintenant soixante-seize ans…
Ce journal d’un peintre est composé comme une œuvre musicale en quatre parties : prélude, fugue, variations et postlude. Il est vrai que Marcel a toujours eu des dons artistiques : plus jeune, il jouait du piano, aujourd’hui, il peint des aquarelles. Pour la suite, il faut garder à l’esprit la polysémie de ces termes musicaux. En « Prélude », Marcel parle de sa technique de peinture, de la visite de sa mère dont les cheveux flambent encore et encore, du fait que Duplessis, le chat imaginaire, l’accompagne, et des signes annonciateurs d’une crise d’épilepsie... Dans les deux parties suivantes, Marcel explique son impérieux besoin d’écrire après cette crise et sa décision de commencer un journal. Il tente de répondre à ses propres questions, réfléchit sur sa vie, et parle de son quotidien passé et présent : sa peinture, l’écriture de ce journal, sa maladie, les escapades avec Thérèse, Mercedes et le Coconut Inn, les relations avec sa mère, les motifs de son enfermement, son séjour à l’hôpital psychiatrique, les frères Mets-ta-main, son placement comme journalier chez des paysans exploiteurs, puis la vieillesse. Il revient sur la chance qu’il a de posséder un toit à lui et confie comment c’est arrivé… On appréciera avec lui la bienveillance de Colette Dieudonné, la galeriste, qui vend les aquarelles que Marcel produit, ce qui lui rapporte assez d’argent pour vivre, avec quelques périodes fastes. On comprendra aussi pourquoi ses visions et les crises d’épilepsie dont il n’avait pas souffert depuis longtemps ont recommencé. Une seule entrée datée dans ce journal : le 20 juillet 2016 ; Marcel a fait un rêve qui l’a bouleversé et qui donne des clés pour comprendre ce qu’il vit aujourd’hui. Et le « Postlude » vient bousculer en à peine plus d’une page tout ce que le lecteur croyait avoir compris de ce vieux monsieur…
J’ai beaucoup aimé ce bref roman de Michel Tremblay (154 pages). J'ai l’impression qu’il ressemble aux quatre aquarelles de l’auteur, cinq si on inclut celle de la couverture, dont il est illustré : des teintes pastel, encore adoucies par la technique picturale choisie. En ressortent une grande douceur et une infinie délicatesse. La pirouette narrative de la fin m’a mis les larmes aux yeux en ce qu’elle suppose de souffrance étouffée et de rêves perdus…
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