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Dix-sept auteurs, depuis le Maroc jusqu'à la Palestine, sont réunis dans ce recueil pour évoquer le pays natal quitté il y a de nombreuses années. Ils nous livrent des textes émouvants, autobiographiques, empreints de souvenirs que le pays d'aujourd'hui n'a pu effacer. Au fil des lignes remontent des bruits, des saveurs, auxquels l'exil donne une coloration particulière. Le café libanais à la cardamone, le tintement cuivré de la clochette du marchand d'eau fraîche à Meknès, le théâtre d'ombre tripolitain. Tous parlent d'un détachement impossible, souvent d'une souffrance. Car le pays natal n'est pas que nostalgie heureuse, il demande des comptes, juge, se dérobe aussi.
Bien plus qu'un voyage en Méditerranée, ces dix-sept textes racontent les exilés. Entre le pays natal et la terre d'accueil, des sentiments contradictoires se fondent en un noeud difficile à démêler.
LES AUTEURS :
Paul Balta, Hoda Barakat, Marcel Benabou, Fethi Benslama, Kamal Ben Hameda, Karima Berger, Suzanne El Kenz, Nadim Gürsel, Mohamed Kacimi, Venus Khoury Ghata, Ida Kummer, Dominique Le Boucher, Rosie Pinhas Delpuech, Leïla Sebbar, Minna Sif, Wassyla Tamzali, Alain Vircondelet.
Voici un livre empreint de nostalgie qui m’a beaucoup touché. Tous les témoignages m’ont émus au plus profond de mon être sans doute parce que je suis fille d’exilés, il est si dure de vivre loin de sa terre, elle reste présente dans notre chair pour la vie entière. Il reste toujours une partie de nous au pays « Le pays natal, le mien, c’est là où je suis née pour partir. Je suis sortie, j’ai franchi les frontières, je me suis évadée. Mais je ne suis pas partie. Je veux dire que je ne suis arrivée nulle part…Autrement dit je n’ai pas réellement atterri. » d’ Hoda Barakat (Beyrouth) . Chacun vit ce départ différemment, les souvenirs sont toujours présents, les odeurs, le goût des aliments, Marcel Bénabou ( marocain) cherche dans Paris les fruits, les beignets de son pays, il espère à chaque fois qu’un miracle va se produire, qu’ils auront la même saveur « Je trouvais les beignets tièdes ou pâteux si bien qu’au lieu de m’apaiser, la sensation de manque ne faisait que s’aviver… » "Les naufragés du natal" comme le dit si bien Fethi Benslama (tunisien), « je suis ici depuis plus de trente ans, mais je ne suis pas là. » On ne trouve pas sa place tiraillé par le passé, l’autre culture… Il y a aussi des exils tragiques mais pour d’autres raisons Quelquefois le retour est difficile, voir impossible, celui ou celle qui est partie, veut revenir avec son mari ou sa femme mais ils sont des étrangers : « Tu peux venir mais sans lui. » dit Karima Berger ou « avec lui mais converti ». Double peine pour ces exilés. Il y aurait tant de passages à citer, tous si émouvants. Leïla Sebbar, née en Algérie, mais déshéritée : « Mon père ne m’a pas offert son pays natal…Amnésie de la mémoire, de l’histoire ancienne, imposée jusqu’au dénuement. Si rien n’existe comment faire exister… » Qu’il doit être difficile de se construire sans ses racines. Nedim Gürsel (Turc) dit : « Devait-il éviter de prendre la route ? …pour tenter d’échapper à un destin ou pour l’éviter, ou tout simplement pour conquérir notre liberté, il nous faut nous jeter sur les chemins, même si nous savons qu’ils sont sans retour et même si, comme Œdipe, nous l’ignorons. »
C’est une bien curieuse relation que l’on a avec son pays natal. Si on ne le quitte pas, ce n’est « que » votre pays, là où vous vivez, là où les racines se nourrissent de votre vie et vous nourrissent. Par contre, si vous quittez ce pays, que ce soit de plein gré ou par obligation, voire pire, cela devient votre pays natal, chargé de toutes les rancœurs, de tout l’amour, de tous les rêves, de vos colères. Combien de fâcheries, combien d’exils obligés. On tombe du nid et il faut se reconstruire, Alors, vite l’on se met au chaud auprès de ses frères d’exil pour retrouver les odeurs, la cuisine, les mots, le Pays, mais c’est beaucoup plus fade. Vous partez enfant en bas âge, dans le ventre de votre mère ? Ce seront les paroles des adultes, des plus grands qui vous donneront la nostalgie de ce que vous n’avez pas connu.
Le pays natal est aussi et souvent LA maison natale, celle qui a vu notre plus tendre enfance, celle où nos parents ont vécu. De retour au pays natal, on voudrait que rien n’ait changé. « En 1998, à Alexandrie, j’ai subi un terrible choc ! ma maison était détruite ! » (Paul Balta)
De cette maison, Hoda Barakat dit : « C’est la maison suspendue. Au loin. Celle que je visite toutes les nuits, et dont je n’arrive pas à éteindre la petite lumière… »
« Nous n’y demeurons c’est elle qui nous habite et ne nous quitte que dans le vide de la mort (Kamel Ben Hameda)
Les dix-sept auteurs réunis par Leïla Sebbar dans ce livre son remplis de cet amour-haine. Le désir ou le refus de retourner « là-bas » ne sont pas anodins. L’apaisement, la tiédeur ne sont jamais présents dans ces récits. Les textes sont beaux évoquant qui la nostalgie, qui la haine, qui le ressentiment, qui l’orgueil, qui la colère.
Une mention spéciale pour le texte de Mohamed Kacimi : Bled Mikki – Lexique des idées reçues en Algérie. Un abécédaire virulent, un humour caustique qui cache bien mal son âme.
« Armée – Selon un adage populaire, « tous les pays du monde ont une armée mais en Algérie, l’armée a un pays ».
« Ben Laden – Personnage fictif inventé par les Américains. »
Je pourrais vous citer toutes les pages mais je vous propose plutôt de lire ce livre, non pas en une seule fois, non, prenez le temps, dégustez chaque chapitre, reprenez une petite tasse de ces mots.
Un livre empli de poésie, tendresse, haine….. Un livre de qualité, un papier raffiné, comme toujours chez Elyzad.
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