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L'auteur maori Witi Ihimaera dévoile une saga familiale époustouflante au coeur de la Nouvelle-Zélande rurale. À Waituhi, le clan Mahana est établi depuis 1919 :
Trois générations de tondeurs de moutons, orchestrées par le grand-père Tamihana. Homme pieu et autoritaire, son ascendant incontestable rend la vie quotidienne haletante pour tous les membres de sa famille. Vue à travers les yeux de Simeon, petit-fils de Tamihana, cette épopée familiale finement tressée révèle l'importance de l'amour et le poids des non-dits au sein des relations intergénérationnelles complexes.
Avec subtilité, humour et solennité, l'amour est omniprésent, y compris l'amour sacrifice... Belle leçon de vie et d'humanité, un roman qui ne laisse pas insensible.
Dès les premières pages, on est plongé avec bonheur dans une saga familiale maorie dans la Nouvelle-Zélande rurale des années 1950, sur les traces de Simeon 15ans, un personnage immédiatement attachant. C'est à travers sa rébellion qu'on découvre l'organisation immuable du clan Mahana, trois générations qui cohabitent sous la coupe tyrannique du grand-père, le patriarche du titre.
Pour un lecteur français, le roman est forcément très dépaysant lorsqu'il décrit les us et coutumes des Maoris, entre concours de Kapa haka et tontes de moutons. Mais ce serait extrêmement réducteur que de ne parler que d'exotisme tant Witi Ihimaera est un maître conteur qui tire son roman vers l'universel. La trame est toute shakespearienne, avec en toile de fond les rivalités claniques opposant la famille de Simeon à une autre famille maorie depuis 1919 et un affrontement devenu homérique entre les patriarches respectifs.
Universel aussi car Simeon fait l'expérience douloureuse que font des millions de jeunes de par le monde, pris entre les exigences de la tradition familiale et la soif de liberté. Simeon refuse que tout soit déterminé par l'ordre de naissance dans la lignée : son père est le dernier fils, le septième d'une fratrie de 9 enfants, et se voit donc refuser l'accès à des terres et à l'indépendance, condamnant ainsi Simeon au même sort, alors que celui-ci assume d'être un «Whakahihi » ( un « je sais tout », insulte ultime lancée par le patriarche analphabète.
Au-delà, de ces grandes qualités de narration, ce qui frappe dans ce roman très aboutie, c'est la verve, la vivacité et l'humour qui soufflent dans toutes les pages. On rit beaucoup, les dialogues sont savoureux et pétulants, portés par la fougue irrévérencieuse de Simeon qui ose s'opposer frontalement à sa grand-père jusqu'à faire exploser les secrets de famille et les mensonges qui ont bâti la mythologie familiale. David contre Goliath.
Tous les ingrédients sont là pour prendre du plaisir dans ce conte épique qui offre une belle leçon de vie et d'humanité.
A noter que le Patriarche est une réédition de Bulibasha, roi des gitans, paru initialement en 1994.
e Patriarche
Witi Ihimaera
Editions Au Vent des îles
"Le Patriarche" est une épopée.
La rencontre fabuleuse avec le peuple Maorie dans les années cinquante. Conté par le narrateur Simeon fil route de cette histoire dont on ne lâche pas un seul instant la voix de cet enfant. « le Patriarche » est le chef du clan de cette grande famille. « La famille observait toujours une stricte hiérarchie. Quelle que fût l'occasion, les oncles Matiu, Maaka, Ruka, Hone et leurs familles étaient les plus proches de grand-père, dans cet ordre précis. le reste suivait, par ordre de naissance, et si quelqu'un se plaçait au mauvais endroit, gare à lui. » Les dés sont lancés. Le Patriarche est sectaire. le regard vif, dur, empreint d'ordres et de d'autorité. La main leste, trop, beaucoup trop. Il est le maître absolu de cette fratrie et nomme ses fils en chiffre d'arrivée au monde. Il est la somme d'une idiosyncrasie opprimante, arriérée, où les femmes sont soumises et ne se mêlent pas des affaires des hommes.
Néanmoins, un vent de révolte gronde. Simeon est rebelle, éclairé. Sachant lire et écrire, éveillé aux questions existentialistes. Cet enfant ose s'exprimer, affirmer ses opinions. Malgré les coups il va chercher sa voie dans un ailleurs plus aérien, plus nuancé. Même si l'éducation, l'empreinte religieuse sont des sceaux à jamais. « Mes corvées éreintantes me mirent d'humeur rebelle. Debout à cinq heures, pour traire les vaches, oui maître. Allumer le feu sous la cuve à lessive, oui maître. S'assurer qu'il y a du kérosène dans toutes les lampes et effectuer toutes les besognes requises, oui maître. »
« Celui-Qui-Doit-Etre-Obéi » s'affronte de plus en plus avec Simeon grandissant. Ses parents sont des écueils, torturés et pris en tenaille entre le grand-père et leur fils et leurs propres craintes. Cette saga est fabuleuse, réaliste. Witi Ihimaera est doué. le Patriarche a donné lieu à un film, « Mahana » en 2016. Cette saga casse les codes, dévoile et surprend par sa force intrinsèque. La persévérance de Simeon est un modèle. Sa force de caractère est un point fort de ce beau récit. On découvre, assiste, écoute, se rebelle, on est au coeur de cette famille (grande) maorie. « Le Patriarche » est lauréat du Montana Books Awards. Traduit de l'anglais (Nouvelle-Zélande) avec brio par Mireille Vignol. Publié par majeures Editions Au Vent des îles. Brillant.
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