"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Amarrant sa raison entre folie et écriture, l'auteure cherche les preuves de son enfermement dans la forêt des signes que lui renvoie le motif du papier peint. Elle y découvre, métamorphosée, la réalité de son esclavage, et se voit elle-même, prisonnière derrière le dessin déformé en barreaux monstrueux...
« Pendant longtemps, je n'ai pas compris ce qu'était cette forme dérobée derrière le motif, mais maintenant, je suis certaine que c'est une femme.
À la lumière du jour, elle est calme, immobile. J'imagine que c'est le motif qui la bride. C'est si troublant... Et je m'y absorbe des heures...
Parfois, je me dis qu'elles sont des multitudes, parfois qu'elle est seule.
Elle fait le tour en rampant à une vitesse folle, ébranlant chaque motif.
Elle s'immobilise dans les zones de lumière et, dans les zones d'ombre, elle s'agrippe aux barreaux qu'elle secoue avec violence.
Sans fin, elle tente de sortir. Impossible d'échapper à ce dessin ? Il serre à la gorge. » C.P.G.
Écrit en 1892, ce court roman bénéficie d'une nouvelle traduction pour les éditions Tendance Négative. Je dois bien dire que ce qui m'a, de prime abord, attiré c'est l'écrin du texte. Un livre très beau que je n'ai pu qu'à peine feuilleter car il faut en couper les pages. Le texte est au début sur des pages blanches, puis de plus en plus sur des pages illustrées, un papier peint. La mise en page est elle-même très originale : parfois des pages pleines, d'autres très aérées parfois vides... C'est vraiment un bel objet et si vous allez sur le site de l'éditeur (Tendance Négative), vous pourrez voir que tous leurs ouvrages bénéficient d'un traitement particulier et original.
Le texte de Charlotte Perkins Gilman (1860-1935) flirte vers le fantastique tendance Edgar Allan Poe, et parle d'une femme séquestrée par un mari médecin qui ne comprend rien à son état de jeune maman et qui, comme beaucoup à l'époque, savait qu'il suffisait de beaucoup de repos, d'abandon de rêves d'écriture et de recentrage sur les tâches féminines -entendre tâches ménagères et de maman- pour que tout aille mieux. L'autrice a vécu la dépression post-partum et l'incompréhension et a suivi les conseils d'un médecin avant de tout balancer et d'aller mieux. Elle fut une militante et une écrivaine féministe. Ce beau livre et cette nouvelle traduction moderne et facile à lire -ce qui n'est pas toujours le cas des textes de l'époque- lui rendent hommage et la remettent en tête de gondole dans toutes les bonnes librairies.
Un petit extrait que j'aime bien pour finir (la mise en page en moins), une description sommaire du papier peint, la première fois que la jeune femme le voit :
"Il est assez fade pour égarer l’œil qui cherche à le suivre, assez marqué pour constamment irriter et susciter l'étude, et quand on suit les courbes médiocres, incertaines sur une courte distance elles se suicident soudainement s'engouffrent dans des angles révoltants, s'autodétruisent en des contradictions inouïes. La couleur est repoussante, presque révoltante un jaune asphyxié et sale étrangement décoloré par la lente course du soleil. C'est un orange à la fois cireux et criard en certains endroits une teinte corrosive et sulfureuse en d'autres." (p.28/29)
Un livre qui reste trop méconnu malgré ses rééditions (aux éditions Des femmes et Phébus). Une voix de femme à lire et à entendre dans ce court texte singulier. Une rapide plongée dans la folie ? Ce n'est peut-être pas si simple. Et si ce qui semble être un récit de délabrement était en fait le récit d'une construction ?
Cette courte nouvelle raconte l'histoire d'une femme, mise au repos forcé par son mari médecin, parce qu'elle ne se sent pas bien (dépression ? Baby blues ?) Elle rêve de sortir, d'occupations, mais Monsieur estime qu'il faut qu'elle se repose et qu'elle évite de se fatiguer.
Au fil des pages, on sent de plus en plus la pression qui monte à l'intérieur de la protagoniste, qui n'en peut plus d'être enfermée dans cette chambre au papier peint jaune, où se perdent des arabesques. Parce qu'elle ne peut rien faire et donc ne penser à rien d'autre, elle va développer une obsession pour ce papier, qu'elle cache dans ses écrits, réalisés en cachette. Ce qui la fait peu à peu tomber dans la folie.
J'ai bien aimé cette nouvelle que j'ai lu en français (peut-être que je commanderai la version originale un jour). C'est évidemment un livre assez étouffant, comme peut l'être huis clos. J'adore le thème, parce que tout ce qui touche à cette zone grise entre raison et folie me plaît toujours. Et c'est un livre surtout très actuel ; l'homme sait mieux qu'elle ce qu'elle ressent, parce que c'est un homme et parce qu'il est médecin. Il applique le traitement qui lui semble bon, se convainquant que c'est le bon, quand bien même son épouse tente d'expliquer qu'il lui apporte plus de mal que de bien.
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