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«- Comment s'appellent-ils, ces trois-là ? - Steinbock, Ibbieta et Mirbal, dit le gardien. Le commandant mit ses lorgnons et regarda sa liste : - Steinbock... Steinbock... Voilà. Vous êtes condamné à mort. Vous serez fusillé demain matin. Il regarda encore : - Les deux autres aussi, dit-il. - C'est pas possible, dit Juan. Pas moi. Le commandant le regarda d'un air étonné...»
Le Mur, recueil de cinq nouvelles publié en 1939 par Jean-Paul Sartre et également le titre de la première nouvelle du recueil.
Cinq nouvelles de 25 à 90 pages que Jean-Paul Sartre définit comme « cinq petites déroutes tragiques ou comiques... Toutes ces fuites sont arrêtées par un mur » : le Mur (1938), La Chambre (1936), Érostrate (1936), Intimité (1936), L'Enfance d'un chef (1938). Au coeur de ces nouvelles enfermement, folie, obsession, haine, troubles de la personnalité...Des nouvelles qui provoquent malaise, dégoût et questionnement chez beaucoup de lecteurs... Un recueil qui ne laissera personne indifférent.
La première nouvelle, le Mur (1938) est le récit à la première personne d'un prisonnier républicain espagnol condamné à être fusillé par les armées franquistes avec deux autres combattants. Une nuit d'attente, torture psychologique s'il en est, et qui s'achève pour le narrateur avec dérision par sa survie surprise grâce à une trahison non voulue.
La deuxième nouvelle La Chambre (1936) est un récit à la troisième personne et au passé qui explore les thèmes de la folie et de l'enfermement. Le héros de l'histoire, enfermé dans sa folie comme dans sa chambre, n'a de lien avec l'extérieur qu'avec sa femme qu'il s'évertue à appeler Agathe alors qu'elle se prénomme Eve (folie, dépression, mémoire défaillante?) Le Sentiment d'oppression est au rendez-vous dans ce "huis clos" où la folie comme seule réponse à l'enfermement m'a rappelé le titre éponyme du même auteur.
Érostrate, la troisième nouvelle (1936) est un récit à la première personne associant le présent et le passé pour exploiter les thèmes de la haine de l'humanité et de la violence. le héros ou plutôt l'anti-héros de cette nouvelle est un homme angoissé, obsessionnel, psychopathe n'ayant pas d'empathie et ayant clairement des problèmes de sexualité. Obnubilé par son arme, les femmes et la haine de ses pairs, bien avant les fusillades de masse aux Etats-Unis, il n'aspire qu'à tirer sur ses congénères après s'être mis dans un état proche de la transe. Une nouvelle qui m'a beaucoup troublée par l'analyse de la folie meurtrière de sang-froid.
Je n'ai pas aimé la nouvelle suivante, la plus longue, que pour ma part, j'ai trouvée très brouillonne. Beaucoup de personnages au départ attachants puis de plus en plus agaçants par leurs non-décisions, beaucoup de sentiments exprimés puis réprimés...
En revanche, j'ai beaucoup apprécié la dernière nouvelle: L'enfance d'un chef (1938). Le jeune Lucien nous fait part de ses états d'âme sur la vie et sa vacuité. J'ai vraiment pu ressentir ce que le jeune enfant puis l'adolescent exprimait. Et même si la suite de ce que je qualifierai de "nouvelle d'apprentissage" est un peu dérangeante, j'ai trouvé l'ensemble très bien écrit et bien construit.
Un livre que je suis heureuse d'avoir découvert aujourd'hui parce qu'il est au programme de l'agreg de lettres et je suis curieuse de voir comment les futurs profs vont pouvoir s'y référer...
Des nouvelles aux symboliques puissantes, accompagnées d'une ironie sartrienne agréable.
Des nouvelles fortes, symboliques, au service d'une idée. Pour nous éclairer sur l'humain face à l'absurdité de la mort, de la folie,de la sexualité, du pouvoir, de l'existence. Rapidement lues, inégales aussi, mais aux situations marquantes.
C'est un concept intéressant que de rassembler différentes histoires qui suivent le même fil conducteur, c'est-à-dire différentes personnes faisant face à un moment donné à un mur. Les courtes nouvelles sont assez inégales, je retiendrai surtout pour, ma part, la première éponyme et la dernière, L'enfance d'un chef. Ce qui est bien chez Sartre, c'est que chaque oeuvre narrative (roman, nouvelle, pièce de théâtre) véhicule une idée.
Une chute digne de l'auteur !
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