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Quiconque a vécu un peu à Bordeaux connaît le rituel du dimanche : rouler jusqu'à la mer, et les embouteillages qui en résultent au soir, quand la ville se replie à nouveau. Et si, au lieu de la mer, on mettait Venise, ville pour ville, mais tout aussi bien l'envers de la ville ? Il suffit de si peu, pour que la réalité ordinaire passe au fantastique, et que son décalque semble charger le proche d'une curieuse électricité statique, qui renverse le regard, sans pour autant nous autoriser à nous en déprendre. Point deux : ceux qui connaissent déjà les livres de Marc Pautrel, ou le premier récit paru sur publie.net, Vie des écrivains classiques, ou bien simplement suivent son blog ou son carnet, savent qu'il a choisi une place particulière. C'est la littérature et l'écriture qu'on scrute, et lorsque le réel bascule, c'est parce que le récit s'est fait métaphore d'une figure particulière du rapport de la littérature au réel. Phrase compliquée pour dire quelque chose de très simple : ranger sa bibliothèque, c'est une figure à laquelle nous sacrifions tous, il y a des textes magnifiques qui en découlent, côté Walter Benjamin ou Georges Perec. Mais si la bibliothèque qu'on range est celle d'un mort : que délivre-t-elle comme message, que nous accorde-t-elle entre dérangement et mémoire ? Point trois : nous savons (même si, en France, nous la savons moins bien) combien la nouvelle est un continent en avant de la littérature, son atelier avancé. C'est le cas chez Maupassant, Tchékhov, Carver ou James : plus près de la mort, avec cette capacité de mieux renverser le réel, peut-être, parce qu'on le traite plus localement ? Art funambule, raide. Nous lisons autrement : nous documentons le monde en permanence, mais de façon plus fractionnée, fluide. De très grands, Walser et Kafka après lui, ou Harms, ont osé atteindre au format que les magazines ou la presse accordaient à la nouvelle, ils ont osé l'ultra-bref. Probablement que du format d'un récit on ne décide pas, mais qu'il s'agit d'une osmose particulière, entre ce qu'il y a à dire et les outils qu'on a pour le dire. Je ne voudrais donc en aucun cas sous-entendre qu'il y a un lien entre la pratique du bref qui résulte du travail Internet de Marc Pautrel, et ces récits incisifs, à l'équilibre rigoureux de syntaxe, mais souvent restreints à une poignée de pages. Pourtant, c'est bien ce travail de coupe du format qui donne leur force à ces récits, fait circuler de l'un à l'autre, renouvelant les figures de la ville, de l'écriture, et nous enfermant dans un univers avant de s'apercevoir même qu'on s'y mouvait. FB
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