Publié aux Etats-Unis en 1980, Le linguiste était presque parfait arrive en France trente-trois ans plus tard, pour le plus grand plaisir des fans de polars et de fantaisie. Un roman truculent ! Considéré aux USA comme un livre totem auprès des lecteurs, il mérite assurément le même succès en...
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Publié aux Etats-Unis en 1980, Le linguiste était presque parfait arrive en France trente-trois ans plus tard, pour le plus grand plaisir des fans de polars et de fantaisie. Un roman truculent ! Considéré aux USA comme un livre totem auprès des lecteurs, il mérite assurément le même succès en France.
Arrêtons-nous tout d’abord sur la définition de linguiste (et bien oui c’est important). Un linguiste est un scientifique qui étudie le langage et les langues, jusque là c’est plutôt logique mais la linguistique se distingue de l’étude grammaticale. Elle a pour objet l’étude des aspects phonologiques, syntaxiques, lexicaux et sémantiques et se fondent uniquement sur l’observation des faits.
J’espère ne pas vous avoir perdu avec cette explication mais avant d’aller plus loin il fallait planter le décor.
Nous entrons donc dans cet univers intrigant et passionnant en faisant la connaissance de 7 linguistes dont un linguiste principal nommé Jérémy Cook. Tous travaillent à l’institut Wabash sous la houlette de Wach, un type plutôt détestable. Ils ont pour mission d’étudier le langage des bébés et des enfants.
Mais voilà, tout ne va pas se dérouler comme prévu et l’un de leur camarade, Arthur Stiph va être retrouvé mort, crâne scalpé, dans le bureau de Cook. Problème : Cook se trouvait dans le bâtiment de Wabash le soir du meurtre. La raison : il travaillait tard car la journée il était occupé à répondre aux questions d’un journaliste. Journaliste qui va à son tour disparaître pour être retrouvé mort à coup de machine à écrire quelques jours plus tard dans la rivière située à côté de l’institut.
Cook devient le coupable idéal, ainsi afin de lever tout soupçon, il va mener l’enquête en parallèle de celle du commissaire Leaf - le stéréotype du flic bourru, qui ne fait pas dans la dentelle - pour élucider ces meurtres. Et quelle meilleure façon de mener l’enquête lorsque l’on est linguiste qu’en analysant chacun des idiomes utilisés et tous les signes non verbaux des six autres linguistes mais également des enfants. Tout est indice potentiel pour tenter de faire la lumière sur cette tragédie qui entache la réputation de l’institut.
Et comme si Cook n’avait pas passé une journée assez pourrie, il entend au détour d’un passage dans le couloir, que Paula, la jolie jeune plante fraîchement arrivée et qui ne le connaît donc pas, le qualifie de « trou-du-cul », qui a donc bien pu lui mettre cette idée en tête ? Cook, très attaché aux regards portés sur lui, va se lancer dans une double enquête.
C’est un audacieux pari que l’auteur prend car Le linguiste était presque parfait est clairement le genre de roman que l’on peut adorer ou détester tant l’univers dans lequel le lecteur évolue est atypique.
Pour ma part, il fait partie de la catégorie « j’adore ! ».
Toute la réussite de ce roman ne réside pas tant dans la résolution de cette/ces enquête(s) tirée(s) par les cheveux mais bien dans l’importance et l’analyse du langage. A travers ces sept hommes aux personnalités bien distinctes, l’auteur met le doigt sur l’usage qu’ils en font, entre contradictions, antipathie ou encore hypocrisie, David Carkeet nous dépeint le triste mais non moins drôlissime (surtout pour des linguistes) monde des adultes, bien loin des babillements innocents (ou pas…) des enfants. Pertinent, il détaille avec finesse la complexité des relations humaines notamment dans le monde du travail, avec ses jalousies, ses rêves de gloire, ses mesquineries … on se reconnaîtra (ou on reconnaîtra des collègues) forcément dans l’une ou l’autre des personnalités mise en scène.
Bien sûr les personnages sont caricaturaux, même le pauvre Arthur Stiph ne déroge pas à la règle, mais ils sont si hauts en couleurs et déjantés qu’on ne peut que s’y attacher. J’y ai parfois retrouvé des aspects de Grand Budapest Hotel de Wes Anderson.
Enfin, les jeux de mots franchement réussis nous décrochent un sourire si ce n’est un franc rire tout au long de cette lecture (soulignons l’excellent travail du traducteur Nicolas Richard). Mais Carkeet ne fait pas dans l’excès, tout est parfaitement dosé et intégré intelligemment. Le linguiste était presque parfait est aussi psychédélique que burlesque et vivifiant, assurément on se régale.
Lien : http://livresselitteraire.blogspot.fr/2017/03/le-linguiste-etait-presque-parfait-david-carkeet.html