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Les éditions Pyramyd lancent une série d'ouvrages de photographie en coédition avec la maison revelatoer. Le principe de ces livres est de découvrir un pays, une culture, à travers le regard particulier d'un artiste photographe. L'aspect documentaire en est le maître-mot.
Didier Bizet a arpenté les rues de Pyongyang. Ses pas ont dû suivre un itinéraire guidé, fléché. Comment présenter comme le fruit de son regard d'artiste des images qu'on lui a quasiment imposées ?
Commence alors un jeu de montage et de retouche.
Puisque personne ne semble pouvoir approcher la moindre vérité sur ce pays, pourquoi Didier devrait-il s'y atteler ? Puisque tout et son contraire paraissent possibles dans les rues de Pyongyang, pourquoi ne pas truquer ses propres images ?
Il y a quelques années, je suis tombée sur le blog d’un jeune allemand qui livrait ses impressions de voyage en Corée du nord. Il y expliquait ses réticences à injecter des dollars dans une dictature mais expliquait sa curiosité de visiter un pays divisé, comme le sien l’avait été jusqu’en octobre 1990. Ce jeune allemand -appelons-le Florian, puisque tel est son prénom- était rentré de son séjour au pays des Kim, des images plein la tête et avec des idées bien arrêtées sur le mauvais procès que les Occidentaux font à la République populaire démocratique de Corée. Accueilli par des gens charmants, spectateur ébahi de la joie de vivre du peuple coréen, impressionné par la modernité de Pyongyang, Florian avait tout simplement été dupé par la propagande nord-coréenne. Il aura fallu un second voyage, l’année d’après et cette fois à la campagne, loin de l’image parfaite, vitrine du régime, offerte par la capitale, pour que le jeune homme découvre à quel point il avait été naïf, manipulé, trompé. Les visages émaciés, la famine, les coupures d’électricité et les camps de travail ont eu raison de son innocence et de sa méconnaissance du pays…
Plus informé et mieux armé, le photographe Didier Bizet a rapporté de son voyage en Corée du nord des photos autorisées par ses guides, de lieux choisis par eux, sa liberté artistique bridée, ses mouvements surveillés. Loin d’être dupe et surtout frustré par ce séjour sous surveillance, il a décidé de répondre à la manipulation et au mensonge par la satire et le trucage. Manipulant les images comme les Kim manipulent la vérité, il publie un livre de photos où tout semble vrai et pourtant…chacune cache un détail insolite, entraînant le lecteur dans un jeu de ‘’cherche et trouve’’ d’un genre nouveau. Ici le sigle H&M s’affiche en grand sur une façade, là le majeur levé d’un écolier au milieu d’un groupe d’enfants affichant le sourire de rigueur, là encore un robot s’invite dans une file d’attente ou une femme du peuple brandit un sac Louis Vuitton. Autant de pieds de nez à la propagande, la désinformation, la doctrine du Parti.
Une démarche que j’ai trouvée originale et intéressante. Trouver le détail est parfois facile, d’autres fois moins évident. C’est un peu comme gratter la surface lisse et sans aspérités que veut montrer le pays. Derrière les sourires, les danses, la joie factice se cachent aussi les anomalies d’un pays schizophrène et paranoïaque.
Le livre se termine par un entretien avec Guy Delisle, l’auteur de Pyongyang, qui a vécu en Corée du nord. Les deux hommes y échangent leur expérience et leurs impressions sur ce pays énigmatique, dernière dictature totalitaire de la planète. Passionnant !
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