Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
"L'air du temps, en accusant la science de n'être qu'un récit parmi d'autres, l'invite à davantage de modestie. On la prie de bien vouloir gentiment "rentrer dans le rang" en acceptant de se mettre sous la coupe de l'opinion". Etienne Klein - La philosophie des Lumières défendait l'idée que la souveraineté d'un peuple libre se heurte à une limite, celle de la vérité, sur laquelle elle ne saurait avoir de prise : les "vérités scientifiques", en particulier, ne relèvent pas d'un vote.
La crise sanitaire a toutefois montré avec éclat que nous n'avons guère retenu la leçon, révélant l'ambivalence de notre rapport à la science et le peu de crédit que nous accordons à la rationalité qu'il lui revient d'établir. Lorsque, d'un côté, l'inculture prend le pouvoir, que, de l'autre, l'argument d'autorité écrase tout sur son passage, lorsque la crédibilité de la recherche ploie sous la force de l'événement et de l'opinion, comment garder le goût du vrai - celui de découvrir, d'apprendre, de comprendre ? Quand prendrons-nous enfin sereinement acte de nos connaissances, ne serait-ce que pour mieux vivre dans cette nature dont rien d'absolu ne nous sépare ?
A lire de toute urgence en ces temps où la parole se veut vérité absolue, simpliste, pleine de raccourcis. Ici c’est l’Art de la nuance qui est à l’honneur : le but n’est pas d’avoir raison ou de savoir, mais de nous laisser guider par une honnêteté qui nous permettra d'écouter, d'apprendre et aussi de permettre par notre ignorance assumée d’avoir le désir du Vrai. Simone de Beauvoir disait : ce n’est pas l’ignorance qui est un fléau mais le refus de savoir.
Deux mots sur ce court essai extrêmement clair et lumineux comme tous les textes d'Étienne Klein.
L'auteur s'appuie sur un sondage du Parisien datant d'avril 2020 ; à cette question complètement absurde : « D'après vous, tel médicament est-il efficace contre le coronavirus ? », 59 % des personnes interrogées répondent oui, 20 % non. Seules 21 % répondent qu'elles ne savent pas.
Bilan des courses : 80 % des gens répondent à une question dont ils sont dans l'incapacité totale de connaître la réponse.
Ahurissant…
Rapport complexe des hommes à la vérité…
Il apparaît tout d'abord que nous tenons pour vrai ce qui nous plaît, ce qui nous arrange, ce qui répond à nos vœux : autrement dit, nous aimons prendre nos désirs pour la réalité. Nietzsche prédit déjà en 1878 que « le goût du vrai va disparaître au fur et à mesure qu'il garantira moins de plaisir.» Donc, je juge faux ce qui me déplaît, ce qui me gêne, ce qui remet en cause mes convictions.
Par ailleurs, on a tendance à considérer comme vrais les propos des gens que l'on admire. J'aime X, il est beau, populaire, riche, du même parti politique que moi, donc ce qu'il dit est vrai.
Enfin, on aime parler des choses que l'on ne connaît pas. Et ce, avec un aplomb étonnant ! C'est une façon d'asseoir notre pouvoir. Ça fait con de dire « je ne sais pas ». Ça fait con de douter.
Alors, pour asséner notre vérité que l'on juge être LA vérité, on s'appuie sur notre intuition personnelle, notre expérience, notre vécu et l'on oublie que la science n'a rien d'intuitif et que les vérités scientifiques sont non seulement assez souvent contre-intuitives mais changeantes.
Le risque est que l'on finisse par considérer la science comme une « une croyance parmi d'autres ». De peur d'être manipulé, trompé, on la remet en question et on finit par douter de son existence. On arrive donc à une situation étonnante : on veut à tout prix la vérité mais on met en doute la parole des scientifiques. Du coup, on ne croit plus en rien sinon en notre vision personnelle de la vérité.
Ce qui nous gêne aux entournures, c'est le fait que la vérité scientifique s'inscrit dans une temporalité longue à une époque où il faut aller vite. Et comme il est difficile pour les chercheurs interrogés par les journalistes de dire qu'ils ne savent pas, ils tombent dans le piège, lancent des hypothèses avant d'avoir de véritables preuves et cela se retourne contre eux.
Peut-être que pour tenter de résoudre ce problème, il faudrait que la science soit mieux partagée, or les canaux de communication actuels mélangent informations, croyances, opinions, commentaires. Tout est logé à la même enseigne, mis sur le même plan. Tout se confond sur la toile et donc dans l'esprit des gens.
Je vous invite à lire ce texte intelligent et très éclairant qui nous ramènera peut-être sur le chemin des Lumières dont on s'écarte dangereusement, plus ou moins volontairement d'ailleurs, tant il est confortable de vivre dans son petit cocon de certitudes…
LIRE AU LIT le blog
Orientée vers cet essai par un proche, j’ai accepté moi aussi de faire l’essai… de lire un opus scientifique, court et en plein dans le sujet de la pandémie ! Il s’agit plus exactement des rapports que nous entretenons avec la science.
Au cours des émissions et reportages sur la COVID, surtout au début de la crise sanitaire, combien de fois en effet n’avons-nous pas entendu cette phrase « je ne suis pas médecin, mais je pense que… » ?
C’est à la suite d’un sondage d’opinion, que Etienne Klein, philosophe des sciences et Directeur de recherches au Commissariat à l’Energie Atomique a pris la plume.
À la question « D’après ce que vous en pensez, ce protocole à base de chloroquine est-il un traitement efficace ou pas efficace contre le coronavirus ? », 59 % des personnes qui ont entendu parler du traitement répondent qu’il est efficace, 20 % qu’il n’est pas efficace, 21 % ne savaient pas. On peut souligner que 76 % des cadres et professions intellectuelles supérieures optent pour l’efficacité contre 24 % qui penchent pour l’inefficacité, personne dans cette catégorie socio-professionnelle ne choisissant l’option « je ne sais pas »
Quelques mois plus tard, les avis et controverses parfois insultants hantent toujours les réseaux sociaux à propos de ce maudit virus et des décisions prises pour l’anéantir.
Etienne Klein a donc écrit une soixantaine de pages pour nous sensibiliser sur la parole de l’opinion face à la science:« Lorsque d’un côté, l’inculture prend le pouvoir, lorsque la crédibilité de la recherche ploie sous la force de l’événement et de l’opinion, comment garder le goût du vrai -celui de découvrir, d’apprendre, de comprendre ? Quand prendrons-nous enfin sereinement acte de nos connaissances, ne serait-ce que pour mieux vivre dans cette nature dont rien d’absolu ne nous sépare ? »
J’entends vos remarques chers amis(es) lecteurs(trices) peut-être ignares en sciences comme moi ! On pourrait effectivement se renseigner, se documenter avant de porter des jugements que certains qualifient de futiles et parfois, contre productifs sans doute, mais on a le droit aussi de s’exprimer.
Si j’ai lu avec intérêt ce petit ouvrage -par ailleurs très peu onéreux- (pas avec autant d’aisance qu’un roman, mais néanmoins sans grandes difficultés), je manque de discernement pour approuver sans broncher le discours de l’auteur, car je sais aussi que l’univers des sciences est vaste et que des vérités sont parfois guidées par quelques intérêts...
Ceci ne m’empêche pas de recommander cet essai à la portée de tous et qui varie de nos lectures habituelles.
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