"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Choukry, le héros d'un précédent roman de Sonallah Ibrahim, Amrikanli (Actes Sud, 2005), est en 1973 en train de préparer une thèse de doctorat à Moscou. Boursier du gouvernement égyptien dans le cadre des échanges culturels avec l'Union soviétique, il réside à la Maison des étudiants étrangers, la plupart venant du Tiers-Monde, et le plus souvent de pays ravagés par la dictature militaire.
Reclus dans ce lieu, ruminant sa solitude et ses frustrations sexuelles, il observe son petit monde en voyeur : les étudiants qui ne font que manger, boire et échanger sans vergogne leurs conquêtes féminines, les longues files d'attente devant les magasins, l'engouement pour n'importe quel produit occidental de consommation, la grisaille qui domine les êtres et les choses. Il a eu certes le temps, malgré la rigueur du climat, de connaître les principales voies de la capitale, les grandes institutions culturelles et les stations du métro, mais il n'a pu nouer aucune relation humaine en dehors de la résidence internationale. Et pendant ce temps-là, rien de ce qui se passait en Égypte n'était de nature à dissiper son désarroi.
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