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Premier roman de Léon Bloy, Le Désespéré (1887) est un pavé dans la mare de tous les conformismes.
Caïn Marchenoir est le héros de ce roman largement autobiographique: catholique intransigeant révolté par le silence de Dieu et la vaine attente de la rédemption, paria parmi les hommes, il lance le plus violent des anathèmes contre ses contemporains. Le Désespéré est tout à la fois un cri de révolte, un amoureux blasphème, un pamphlet vitriolé contre la foule des "digérants" républicains et la "Grande Vermine" des lettres.
Mais Le Désespéré est surtout un aérolithe littéraire, écrit dans une langue barbelée de mors rares, étrangement mystique, une oeuvre d'une surprenante modernité. Cette édition, abondamment annotée et qui tient compte des différents états du texte, offre un éclairage précieux sur ce formidable roman de l'inquiétude spirituelle.
Il est de ces écrivains dont tout le monde ou presque a oublié le nom (Georges Bernanos, Raymond Roussel, Anatole France...), Léon Bloy en fait partie bien qu'il soit admiré par certains écrivains réactionnaires comme Marc-Edouard Nabe.
Léon Bloy est avant tout un pamphlétaire au style prodigieux et reconnaissable au premier coup d'œil. Son écriture est en effet remplie d'hyperboles, de termes surannés, amphigouriques et autres néologismes, allant jusqu'à une vulgarité de caniveau et d'une violence peut-être égalée seulement par Céline.
Le désespéré est un roman constitué d'une large partie autobiographique. Il s'agit d'un écrivain de quarante ans, Caïn Marchenoir, son père venant de mourir et étant sans le sou, il demande alors à ses quelques amis de l'aider financièrement pour payer ses funérailles.
C'est ainsi que débute ce sombre livre emprunt de mysticisme catholique. Il en profite également pour invectiver un certain nombre de ses confrères de plume dont Alphonse Daudet et Maupassant (dissimulés sous des pseudonymes) et l'Eglise chrétienne ainsi qu'à ses fidèles, car Léon Bloy est en révolte constante contre ses contemporains, même contre Dieu qui ne montre aucun signe à tous ces miséreux faméliques battant quotidiennement le pavé de Paris.
Le seul reproche qu'on puisse lui faire, c'est ce relent nauséabond d'antisémitisme dont est chargé l'auteur. Mais sachant bien que le contexte historique favorise ce genre de penchant étant donné le zèle antisémite de Drumont à la même époque et le scandale de l'affaire Dreyfus en 1894, il est difficile dans ce cas de lui faire trop ombrage sur ces quelques dérapages.
Hormis ces petits défauts, c'est un très bon roman à découvrir ou redécouvrir.
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