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L'histoire de la métaphysique pourrait être lue comme l'histoire d'une longue haine et d'une rivalité à l'égard du corps maternel. Les prémisses de l'effacement du corps se lisent chez Platon avec la chôra et se confirment chez Aristote qui déprécie la matrice. Derrida désincarne Khôra et en fait un incubateur de sens et non un lieu maternel. La médecine hippocratique inscrit l'errance utérine pour des siècles. Avec la figure de la Vierge Marie, le christianisme prolonge-t-il le refoulement du corps maternel ou au contraire en amorce-t-il une reconnaissance symbolique ? Puis, sur fond de développement de la démocratie anglaise avec John Locke, le sujet perd sa substance et sa dignité en devenant « propriétaire » de son corps. Une nouvelle ontologie du corps-machine, qui annihile le corps maternel se met en place, avec l'« économie libidinale » du Marquis de Sade qui reterritorialise les organes. Deleuze en prolonge les effets en proposant un corps sans organes, voire un corps sans utérus. Dans la seconde partie du XX e siècle, le corps maternel est enfin pensé par les femmes elles- mêmes. Les philosophes femmes esquissent alors une position sur le maternel à l'aide des thèses de la psychanalyse et dans un débat plus large sur l'être « féminin ». Ce dernier est-il la promesse d'un autre rapport au monde ou un simple attribut du corps des femmes ? Simone de Beauvoir renouvelle la haine du corps maternel féminin vu comme assujettissement à l'espèce et mort de l'Esprit. Chez Antoinette Fouque, le corps maternel, lieu de l'hospitalité charnelle est le paradigme de l'éthique, et l'Envie de l'Utérus des hommes à la base de la civilisation occidentale. Luce Irigaray analyse, elle aussi, le matricide à l'origine de la philosophie occidentale, et projette une nouvelle métaphysique duelle des sexes. Rosi Braidotti, décrit le désir global d'auto-engendrement des hommes. Luisa Muraro dénonce l'enfouissement de l'ordre symbolique par la métaphysique occidentale.
Enfin, le corps maternel est aujourd'hui morcelé par les biotechnologies. Assiste-t-on ici à un geste ultime pour « exproprier » les femmes d'elle-mêmes, effacer définitivement le corps maternel et plus largement le corps ?
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