"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le maître du Gekiga s'attaque à un tabou toujours vivace de la société japonaise : le divorce.
Le « Club des Divorcés » est un petit bar à Ginza géré par Yukô, jeune femme de 25 ans divorcée. Elle devient la « mama » du bar après son divorce afin de subvenir aux besoins de sa petite fille de trois ans.
Difficile de tenir bon en tant qu'hôtesse, patronne et femme divorcée au milieu du Japon des années 70.
Ce 2e et dernier tome est un peu moins sombre que le 1er. En préface, Stéphane Beaujean évoque la chronique sociale maitrisée par le mangaka, qui le revendique aussi en tant qu'oeuvre de style Gekiga (manga pour adulte abordant des sujets graves et sociologiques) en p. 285. Le dessin est toujours aussi beau mais avec une impression d'être moins précis parfois, moins soigné. Fallait-il aller vite ?
Dans ce 2e tome, Yuko, la protagoniste et propriétaire d'un bar à hôtesses à Tokyo, troque le kimono ancestral pour une tenue moderne et tente de donner un nouvel élan à sa vie : fini de ressasser le passé, elle ouvre un nouveau "Club des divorcés" plus intimiste avec Ken-chan, le barman et amoureux silencieux qu'elle mène en bateau. La prostitution des hôtesses, dont la sienne, n'est plus édulcorée, oscillant entre les "dannas" modernes et les coups d'un soir. Le suicide reste encore présent avec la déchéance sociale, des thèmes forts et peu évoqués publiquement continuent d'être dessinés et mis en scène de manière juste, toujours sans l'air d'y toucher.
L'assertion que fait Yuko au Professeur Hikoi (un riche japonais ayant commencé dans la criminalité semble-t-il et ayant fini dans les hautes sphères bancaires qui agit aussi comme son "danna") semble se retourner contre elle : pourquoi passer autant d'énergie à construire quelque chose pour ensuite le détruire de manière honteuse et cruelle ? Je ne suis pas sûre, en refermant ce manga, que Yuko ne va pas vivre l'enfer bientôt face à un Ken-chan qui se sent des droits sur elle et elle qui joue de sa liberté en utilisant la prostitution haut de gamme.
Enfin, la postface par Toshiya Morita, journaliste japonais, m'a glacée : Kazuo Kamimura, le mangaka, sait peindre les femmes avec finesse et subtilité mais il ne faudrait pas s'y fier. Il pourrait aussi avoir une double face qu'il montre avec "Les fleurs du mal" (version japonaise) et qui est glauque & malsaine allant probablement jusqu'au viol, ce qui me rappelle son #MeeToo douteux du tome 1. Stéphane Beaujean rappelle, dans la préface, que le mangaka connait très bien le milieu des bars à hôtesses par sa mère qui en avait un ainsi que par ses fréquentations de ces milieux en grandissant.
Cet postface n'est peut-être pas mise pour rien à la fin de l'oeuvre, une fois que nous avons tout lu.
--------------- Citations du tome 2
- Yuko : "C'est l'époque où l'on n'a plus envie de devenir quelque chose en particulier...
- Ken : " Et ça t'angoisse, l'idée de ne pas être devenue ce que tu aurais voulu ?"
- Yuko : "Un peu. Enfin, ce n'est pas tant que ça que le fait de devenir ce qu'on ne voulait pas être. Ca, c'est pire"
Poème sur le mariage (raté) - p. 473 :
Je ne sais pourquoi, j'éprouvais une immense fatigue.
Tu n'avais même pas le temps de t'en apercevoir.
Mais tu faisais déjà pousser dans les recoins de mon coeur
Une certaine crainte.
Comme une graine tombée dans mon coeur
Pourtant comblé de ton amour
Cette crainte avait fait germer les racines de l'angoisse
Qui semblait déjà devoir faire fleurir le malheur
Toujours dans la même veine que les premiers tomes, j'ai moins aimé ce deuxième volume. J'aurais aimé moins de suggestions et plus d'action entre les protagonistes. Mais j'imagine que c'est aussi le message du mangaka de nous dévoiler à quel point la vie des ces femmes japonaises est fragile et certaine.
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