"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Au milieu des volutes et des rires d'une boîte de nuit parisienne, le regard d'un homme inconnu, puis ses doigts se collent à ton corps. Tu voudrais partir, te détacher, mais tu restes immobile et muette. « Tu viens d'où ? » sont les premiers mots qu'il prononce. Les métisses, ça l'excite, il ajoute. Dans l'espace clos et aveugle du fumoir, les mots fuient, ta fierté aussi. Celle qui auréolait ton histoire familiale éclatée entre le Niger, l'Argentine, l'Algérie et la France. L'agresseur du fumoir et d'autres avant lui, d'autres après lui, salissent, ternissent ton amour pour le récit de tes origines familiales. Souillé par leurs bouches, tu n'en veux plus. Tu voudrais presque l'occulter en même temps que l'agression, le recouvrir du voile bleu de l'oubli. Le bleu est doux, le bleu plaît, le bleu n'abîme pas. Recouvrir de bleu ce corps érotisé, ce corps exotisé et l'histoire qui va avec. »
A. S.Anouk Schavelzon est née en 1998 à Paris et y vit toujours. Après des études littéraires et théâtrales, elle choisit de se concentrer sur sa propre pratique de l'écriture. Elle est membre du collectif « La Textape », qui organise régulièrement une scène ouverte aux Lilas. Le bleu n'abîme pas est son premier roman.
RENTRÉE LITTÉRAIRE 2024
Parmi toutes les couleurs de la palette chromatique, pour Luna, le bleu est la seule « qui n’accroche aucun relief », la seule qui n’abîme pas. Mais il y en a tellement d‘autres qui blessent.
C’est le rouge des immeubles à bas loyer en briques de la petite ceinture, entre Paris et le périphérique, où Luna a passé une enfance bohème. C’est le gris du béton de son école et des rues de sa ville où elle sentait les autres la regarder comme une étrangère. Ce sont les éclats de couleur de cette boite de nuit où elle s’est faite agressée adolescente. Et c’est ce triste vert d’une écologie qui tente à grand peine de préserver la couche d’ozone d’une ville polluée.
Mais c’est surtout le noir de sa peau et de celle des membres de cette famille aux origines multiples qui, du beige au marron foncé, fait d’eux des métisses.
Tout en couleurs et en odeurs, ce premier roman poétique et sensitif d’Anouk Schavelzon est le retour aux sources d’une jeune femme hantée par le questionnement des autres sur son physique. Il témoigne de l’importance que revêtent les racines sur leur regard.
Les images, les sensations prennent la place des sentiments et cela donne à ce roman un style à la fois épuré et complexe qui ne m’a pas semblé simple d’accès.
Autant j’ai aimé le propos et l’interrogation que la couleur d’une peau induit chez les autres, autant j’ai trouvé le ressenti du malaise de l’autrice et la tournure de ses phrases assez nébuleux.
Un roman à la sensibilité exacerbée où les mots vibrent d’un tourment « à fleur de peau » .
Une jeune femme raconte une soirée en boîte de nuit parisienne qui la hante. Un inconnu se colle à elle et lui demande d’où elle vient en touchant ses cheveux frisés. Les métisses l’excitent.
Ses grands-parents lui ont légué plusieurs origines. Ils sont nés au Niger, en Argentine, en Algérie et en France.
Cette agression sexuelle l’empêche de dormir, de vivre. Son corps ne lui appartient plus.
Avec beaucoup de poésie et de rythme, certains passages pourraient être slamés, ce premier roman introspectif nous plonge dans les pensées d’une jeune femme après un harcèlement.
Le titre fait référence à sa tentative de recouvrir ce souvenir rouge de bleu pour l’adoucir.
Luna nous explique qui est sa famille, sa vie, son enfance. Elle a déjà vécu quelques événements traumatisants. Aujourd'hui elle vit dans un appartement avec sa mère, prof de philosophie, et sa sœur.
J’ai aimé écouter cette voix originale. Un texte qui pourra paraître difficile pour certains lecteurs mais que j’ai beaucoup apprécié pour ma part. Si vous aimez les textes intimistes et que le côté fragmentaire ne vous fait pas peur, alors laissez-vous tenter par cette belle plume prometteuse.
Je remercie Babelio et le Seuil pour cette masse critique privilégiée
Premier roman d'Anouk Schavelzon, le bleu n'abîme pas est un roman fragmenté qui aborde des thématiques comme le métissage, les origines mais aussi les comportements outranciers dont les femmes peuvent être victimes.
J'ai aimé le style incisif de l'autrice qui interpelle son lecteur en le plaçant dans le rôle du personnage principal via l'utilisation de la 2e personne du singulier ainsi que les thèmes abordés et ô combien importants.
J'ai moins aimé le côté un peu décousu de la narration qui amène à faire des allers-retours entre les sujets sans lien apparent.
Rentrée Littéraire 2024 Premier roman
Je remercie Babelio, Masse Critique et les Editions Seuil pour la découverte de ce roman.
Luna a une famille cosmopolite : Niger et Algérie du côté maternel, Argentine et France du côté paternel.
Dans son enfance, la jeune femme était très fière d’expliquer ses origines à ses camarades de classe. D’autant plus que ses yeux bleus et ses cheveux châtains ne la distinguaient pas particulièrement des autres.
Pour redresser sa colonne vertébrale, Luna a dû porter pendant deux ans un corset. Pendant cette période, son corps d’adolescente s’est transformé en celui d’une femme. Ce corps, métamorphosé presque à son insu, lui est renvoyé par « le regard des autres, tes yeux bleus de Russie, de Roumanie, de France. Tes cheveux un mélange de la France et du Niger. Tes fesses hautes, tes hanches pleines du Niger. Ton histoire, leur histoire à eux, Inna, Abba, Vito et Danièle, pour dire ton anatomie, pour expliquer le désir qui monte. Les métisses ça m’excite, il a dit. «
Luna raconte le harcèlement du regard de certains hommes qui lui renvoient leurs propres fantasmes. Elle subira d’ailleurs des violences dont elle n’osera pas parler. La honte et le dégoût d’elle-même s’installent, elle n’éprouve plus de fierté à être métissée. Elle ne veut plus répondre aux questions sur ses origines.
Jusqu’au jour où elle visionnera une interview de son grand-père maternel sur le site de l’INA…
Le roman est scindé en trois parties allant du 31 Mai, 17 Juin et 20 Août. J’ai eu du mal à entrer dans le roman pendant toute la première partie qui est celle de l’agression sexuelle. Les deux autres sont axées sur la recherche d’identité, la réappropriation de son histoire familiale par Luna.
C’est ce qui m’a le plus intéressée dans ce premier roman, dont j’ai trouvé le style fluide avec quelques « échappées poétiques ».
Rap, rap, rap
Dès les premières lignes je me dis que je ne suis pas le public visé par ce livre.
Effectivement le rythme est celui du rap et la lumière des boules à facettes.
Je persiste dans ma lecture mais cette écriture m’éloigne du sujet.
L’adolescente en révolte, son métissage en étendard je l’entends et le conçois parfaitement.
Habiter un 80 m2 avec sa mère et sa sœur, être à l’étroit pas seulement sous son toit, mais dans sa vie incite à aller voir ailleurs.
Une mère qui fait des sacrifices pour offrir à ses filles ce qu’il y a de mieux pour une maman solo c’est difficile et les filles ne le perçoivent pas forcément.
Luna a subi une agression qu’elle cache pensant oublier mais…
L’écriture est très rythmée, syncopée mais elle prend l’enjeu : la question des origines et de l’identité, de la féminité. Le fond est tombé dans le puits.
Le rythme a enfoui le propos et mon ressenti aussi.
Je n’ai pas fait le voyage aux côtés de Luna pour se rapprocher de ses ancêtres et c’est dommage car c’est un sujet qui me touche généralement.
Je remercie Babelio et les éditions du Seuil pour cette lecture.
©Chantal Lafon
Luna vit à Paris avec sa mère et sa soeur (Esther). Fréquente un établissement scolaire dans le Marais. Fait accepter avec brio sa « différence ». Tient à être appréciée pour ce qu’elle est. Luna a une meilleure amie (Élodie) et un petit job de baby-sitting près de jumeaux de sept ans (Louis et Maxime) Une vie classique d’ado, quoi …
Pour l’anecdote, Luna a un quart de sang argentin, algérien, nigérian et français. La « faute » à ses grands-parents (Inna, Abba, Vito et Danièle) Luna en a marre qu’on la questionne sur ses « origines ». Surtout depuis qu’un homme (en boite de nuit) s’est permis de « sexualiser » son métissage … La jeune fille qui, jusqu’à présent, avait vécu son côté « exotique » sans trop s’interroger, va commencer à s’identifier sous un autre aspect. Entamer un voyage qui va la rapprocher de ses ancêtres …
Un beau récit intimiste. Une introspection qui va se transformer en une prise de conscience soudaine, quant à une triste réalité dont elle s’était tenue éloignée : l’intolérance déguisée derrière le paternalisme « bon enfant » de ceux qui sont persuadés de leur légitimité et de leur supériorité raciales … Un témoignage qui me touche profondément et me parle (même si j’ai eu – parfois – un peu de mal avec le style littéraire de l’auteure …)
Je remercie vivement la masse critique privilégiée de Babelio ainsi que les Éditions Seuil pour cet envoi !
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