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Dans cet ouvrage, l'auteur a voulu célébrer ses deux mères : l'esseulée et la vaillante, l'étouffée et la valeureuse, la jetée-dans-la-fosse et la toute-donnée.La première, celle qui lui a donné le jour, une paysanne, à la suite d'un amour malheureux, d'un mariage qui l'a déçue, puis quatre maternités rapprochées, a sombré dans une profonde dépression. Hospitalisée un mois après la naissance de son dernier enfant, elle est morte huit ans plus tard dans d'atroces conditions.La seconde, mère d'une famille nombreuse, elle aussi paysanne, a recueilli cet enfant et l'a élevé comme s'il avait été son fils.Après avoir évoqué ces deux émouvantes figures, l'auteur relate succintement son parcours. Ce faisant, il nous raconte la naissance à soi-même d'un homme qui est parvenu à triompher de la «détresse impensable» dont il était prisonnier. Voilà pourquoi Lambeaux est avant tout un livre d'espoir.
Après “La promesse de l’aube” et “Les noces barbares“, voici une troisième variante sur le thème des relations mère-fils. Dans ce récit autobiographique, Charles Juliet, le fils, a voulu rendre hommage non pas à sa, mais à ses mères, puisqu’il y évoque celle qui l’a mis au monde et celle qui l’a élevé.
Dans la première partie, il s’adresse à Hortense, sa mère biologique, et retrace, à la 2ème personne du singulier, sa vie à elle, l’enfant douée qui adorait l’école mais qu’on a empêchée de continuer au-delà des primaires. Parce que quand on naît fille dans une famille paysanne au début du siècle passé, on apprend très tôt à se sacrifier à sa famille pour s’occuper des plus petits et du ménage du matin au soir. Perdre son temps à l’école n’a aucun sens dans ces vies-là. Le dernier jour de classe d’Hortense est le premier d’une longue descente dans les abîmes du désespoir. Entre frustration et mélancolie contenues, le vide existentiel (qu’elle tente en vain de combler par l’écriture) est encore exacerbé par un amour brisé, un mariage décevant et quatre grossesses trop rapprochées. Après la naissance de l’auteur, son dernier-né, elle est internée en hôpital psychiatrique et y mourra huit ans plus tard dans des conditions ignobles.
Dans la deuxième partie, l’auteur continue à la 2ème personne mais il s’adresse cette fois à lui-même, évoquant sa propre vie, de son placement, bébé, en famille d’accueil, à sa vie d’adulte. Il raconte le dévouement de sa mère adoptive, paysanne et mère de famille nombreuse elle aussi, sa terreur d’enfant à l’idée qu’elle disparaisse, ses années d’enfant de troupe (lycée militaire), son besoin d’écrire, sa peur de ne pas y parvenir : “Ton trop grand désir de bien faire. Comparée à tes moyens, une exigence beaucoup trop haute. Tous ces textes mort-nés, parce que, avant même d’en consigner le premier mot, tu étais convaincu qu’ils seraient par trop inférieurs à ce que tu aurais voulu réaliser. […] Tu ne peux ni écrire ni renoncer à l’écriture. Une situation proprement infernale“. Lui aussi s’enfonce dans la mélancolie, les tourments, le vide, mais contrairement à Hortense, il trouvera la sortie de son labyrinthe intérieur.
“Lambeaux” est un texte sur la construction d’un être, sur l’estime de soi, sur la résilience, sur la lutte contre un manque qui obsède et accable sans qu’on n’arrive à le cerner, encore moins à l’expliquer, sauf à en dire qu’il nous dévore. Oui, “nous”, ce n’est pas un lapsus, parce que même si ce récit est très personnel, intimiste, introspectif, ce tourment touche à l’universel. Enfin, il me semble. En tout cas je m’y suis retrouvée, par bribes, par … lambeaux. Mais ce n’est pas le sujet.
Dans cet hommage à deux femmes réduites par le contexte et l’époque aux rôles de mères et de servantes, Charles Juliet rend compte de ce qu’il doit à chacune d’elle : la vie, et ce qu’il a réussi à en faire. Notamment ce texte magnifique, bouleversant, juste, simple, sans artifice et sans un mot de trop, qui transcrit une parole enfin libérée, et que je n’oublierai pas de sitôt.
Magnifique ! Récit très touchant et style qui nous capte. La beauté du mot, de l'expression française nous nourrit dans ce texte autobiographique.
Lien : https://www.livresselitteraire.com/2018/12/lambeaux-de-charles-juliet.html
Charles Juliet doutait avoir un jour l'étoffe d'un écrivain, et pourtant ! Ce livre qu'il a mis douze années à écrire est certainement l'un des plus beaux livres intimes qui puisse exister. De ce « tu » distancié comme pour mieux s'observer, dans une langue poétique qui touche à la chair, lui le paysan, il nous subjugue par ces lambeaux de mémoire. Douloureux et nécessaires pour vivre. Se trouver soi-même. Déconstruire pour se construire.
J'ai compris pourquoi il y a douze ou treize ans j'avais tant aimé ce livre. J'ai compris que tous ces maux avaient un jour étaient les miens. Il y a douze ou treize ans. La douleur partagée. Ce milieu qui ne donne pas accès à celui des mots. Cette sensation d'être et d’Être inférieur. J'ai compris pourquoi j'avais tant aimé ce livre, parce que derrière le sombre, le dur, l'abrupt, il porte en lui le message de la construction et de la réussite possibles. Même si l'on est orphelin d'un amour. Il est la bouée. La main tendue. L'étoile scintillante. Aussi âpre soit-il, ce livre est le Nous que nous sommes, que nous devenons si nous décidons d'extraire le douloureux, le honteux, les humiliations, les blessures mais aussi l'heureux. Ne plus rejeter. Affronter. Oser gratter. Décoller. Se saisir de ces lambeaux d'histoire pour parvenir à une toile tendue sur l'avenir.
Magnifique éloge de ses deux mères ! Triste et pourtant optimiste et tourné vers l'amour et l'espoir.
J’avoue, j’ai lu enfin l’immense écrivain Charles JULIET, une lecture que je différais à chaque fois comme un présent que l’on ne veut pas ouvrir immédiatement.
J’ai attendu la fin du jour et son calme pour me nourrir entièrement des mots de « Lambeaux » qui m’a aimantée et profondément touchée tant sur le sujet que sur l’écriture.
Sublime, admirable, le vocabulaire me manque parce que le récit de Charles JULIET m’a bouleversée, me faisant tanguer vers une ivresse de mots et de sensations et m’a apporté en même temps une très grande sérénité comme si un manque venait d’être comblé.
Lambeaux m’a fait vivre un de mes plus beaux moments de lecture !
Bien sûr, je vais lire la poésie et la lecture du journal pour continuer à découvrir et aimer l’écriture de ce très grand Monsieur de la littérature française.
Merci Monsieur Charles JULIET.
« Ni l’une ni l’autre de tes deux mères n’a eu accès à la parole. Du moins à cette parole qui permet de se dire, se délivrer, se faire exister dans les mots. Parce que ces mêmes mots se refusaient à toi et que tu ne savais pas t’exprimer, tu as dû longuement lutter pour conquérir le langage. Et si tu as mené ce combat avec une telle obstination, il te plaît de penser que ce fut autant pour elles que pour toi.
Tu songes de temps à autres à Lambeaux.
Tu as la vague idée qu’en l’écrivant, tu les tireras de la tombe. Leur donneras la parole. Formuleras ce qu’elles ont toujours su.
Lorsqu’elles se lèvent en toi, que tu leur parles, tu vois avancer à leur suite la cohorte des bâillonnés, des mutiques, des exilés des mots
ceux et celles qui ne se sont jamais remis de leur enfance
ceux et celles qui s’acharnent à se punir de n’avoir jamais été aimés
ceux et celles qui crèvent de se mépriser et se haïr
ceux et celles qui n’ont jamais pu parler parce qu’ils n’ont jamais été écoutés
ceux et celles qui ont été gravement humiliés et portent au flanc une plaie ouverte
ceux et celles qui étouffent de ces mots rentrés pourrissant dans leur gorge
ceux et celles qui n’ont jamais pu surmonter une fondamentale détresse »
Quand a lieu LA rencontre : LA rencontre entre un livre et un lecteur. J’ai ouvert Lambeaux un soir de tristesse et ne l’ai plus quitté pendant quarante-huit heures et aussi surprenant que cela puisse paraître tant ce récit est violent, il a fait renaître en moi une force qui était en train de me quitter insidieusement.
J’ai d’abord été bouleversée par le destin de la première femme, la mère biologique de Charles Juliet, celle qu’il n’a pas connu. Cette femme si belle et son si bel amour des mots, son amour instinctif de la littérature, de la culture qu’elle a à jamais réprimé, qu’elle n’a jamais pu exprimer parce que cela ne se faisait pas dans son milieu. Il raconte la jeunesse, l’adolescence, la vie en couple de cette femme : aînée de la famille, elle devra s’occuper de ses sœurs, de la maison, de la ferme. Elle ira à l’école mais malgré les excellents résultats obtenus, elle n’aura pas le droit d’aller au-delà du certificat d’études. Et là sera sans doute le point d’ancrage de sa douloureuse descente aux enfers. Elle passera sa vie à ne se parler qu’à elle-même, esseulée, sentant un peu plus fort, année après année, sa différence. L’arrivée trop rapprochée de ses quatre enfants ne fera qu’accélérer sa détresse intérieure, sa souffrance inguérissable, jusqu’à sa fin de vie tragique. Bouleversée aussi par la manière qu’a Charles Juliet de s’adresser à elle. Ce lien invisible entre ces deux êtres et la force du « TU », le fait qu’il s’adresse à elle alors même qu’il ne l’a connue que quelques mois. Oui, cette première partie fut un véritable bouleversement pour moi.
Et puis, arrive le récit de sa propre enfance entouré de sa mère adoptive et de sa famille, une paysanne elle aussi mais une terrienne. Et c’est avec tout autant de douceur, de respect qu’il décrira cette femme qui l’a aimé comme s’il était le fruit de ses entrailles, cette femme qui lui a permis de tenir, malgré l’absence de sa mère biologique, malgré les idées noires, malgré la quête interminable de soi… Et qui lui a donné assez de force pour ne pas être détruit par ses études dans une école militaire particulièrement stricte et violente. Là encore le « TU » donne tout son sens à ce texte d’une poésie et d’une finesse incroyables. Le « TU » qui évoque l’introspection puisque dans cette deuxième partie, Charles Juliet ne s’adresse non pas à sa mère adoptive mais à lui-même… Cette deuxième personne du singulier sert surtout de catalyseur –d’après moi- à ces multiples sentiments contradictoires qui traversent le lecteur. Parce que nous nous retrouvons non seulement face à la quête intime de Charles Juliet mais aussi face à nos propres démons, nos propres douleurs, notre propre histoire familiale avec cette question récurrente (pour ne pas dire permanente) : comment être ? Comment se libérer de ses carcans, quels qu’ils soient ? Comment s’autoriser à vivre, à faire ce qui est nécessaire à notre essor ?
Je reste bouche bée devant une telle qualité littéraire, je reste sans voix devant cette façon si belle qu’a Charles Juliet de se parler à lui-même tout en parlant à chacun de nous, devant sa capacité à pénétrer l’âme de l’être humain avec une telle acuité.
Je reste ébahie devant cette Rencontre littéraire. Révélation.
(chronique qui vient de mon blog: https://unbouquindanslapocheblog.wordpress.com/2017/03/18/lambeaux-charles-juliet/
Un hommage émouvant aux deux mères d'un homme, la mère naturelle et la mère adoptive.
Charles Juliet a écrit Lambeaux à la seconde personne du singulier, un récit consacré à sa mère biologique d’abord avant de devenir carrément autobiographique ensuite. Ainsi, il touche particulièrement le lecteur, le faisant entrer dans une intimité pleine de délicatesse, même si la réalité est souvent très dure à vivre.
Aînée de quatre filles, sa mère s’occupe de la ferme, travaille du matin au soir. Classée meilleure élève du canton, elle doit pourtant abandonner l’école et parle de son instituteur : « Ces phrases qui s’écoulaient de ses lèvres. Simples, aisées, passionnantes. Et qui, bien souvent, exprimaient exactement ce que tu souhaitais entendre. »
Toute la rudesse de la vie à la campagne est là avec ce père à qui elle a envie de parler sans y parvenir. Il a ses colères, jamais un remerciement, un encouragement : « Il ne te pardonne pas d’être une fille. »
Heureusement, il y a ce colporteur qui la fait rêver à un départ. La Bible est le seul livre qu’elle possède. Elle note et tient un journal sans s’en rendre compte. Puis il y a ce jeune étudiant qui lui permet d’ « aimer, oui, mais aimer sans contrôle, sans mesure, dans un don de soi éperdu. »
Finalement, elle épouse Antoine qui travaille dans une scierie et s’absente de plus en plus. Après avoir donné naissance à deux garçons et une fille, elle met au monde un quatrième enfant, ce qu’elle ne supporte pas, tant sa solitude est grande. Après une tentative de suicide, elle est internée en psychiatrie : « Une fosse où croupissent des démolis, des effondrés, les crucifiés de l’interminable souffrance. » Abandonnée par tous, elle meurt de faim sous l’occupation nazie, à 38 ans, sort que subirent 40 000 personnes, au moins, dans notre pays.
Dans la seconde partie, Charles Juliet rend hommage à son autre mère, celle qui l’a élevé et lui a donné beaucoup d’amour. Toujours à la deuxième personne du singulier, il raconte en fait son parcours qui le voit passer de la vie à la campagne à l’École des enfants de troupe d’Aix-en-Provence puis à Lyon, au service de santé militaire.
Son cheminement vers l’écriture est long et difficile car il se heurte à trois principaux obstacles : la violence de ses émotions, le trop grand désir de bien faire et l’admiration qu’il porte aux grands écrivains.
Charles Juliet termine ces Lambeaux en se posant beaucoup de questions, demandant aussi pardon à cette mère que, bien involontairement, il dit avoir poussée dans la tombe. Malgré tout, il conclut ainsi : « Et tu sais qu’en dépit des souffrances, des déceptions et des drames qu’elle charrie, tu sais maintenant de toutes les fibres de ton corps combien passionnante est la vie. »
Chronique illustrée à retrouver sur :https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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