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Une vie cosmopolite : un récit pétillant et érudit, léger et charmant à l'image de son auteur.
? Je suis né apatride en 1932 à Kolbsheim, près de Strasbourg. Mes parents avaient vingt-neuf ans, et séjournaient alors dans une dépendance du château de leurs amis les Grunelius.
Mon père, Nicolas Nabokov, était compositeur ; sa partition pour choeur et orchestre, Ode, Méditation sur la majesté de Dieu -; une commande de Serge Diaghilev dansée par Serge Lifar -; avait fait de lui quelques années plus tôt la coqueluche des aficionados de musique contemporaine. On parlait de lui dans les journaux. Il recevait des commandes. Ses oeuvres étaient jouées en public.
Ma mère, Natalia, qu'on appelait Natasha, était née Shakovskoy, une famille princière issue de la dynastie Rurikovitch, quoique moins fortunée que les Nabokov, issus de la noblesse terrienne.
Les deux familles avaient tout perdu à la Révolution, y compris leur nationalité ; c'est pourquoi nous étions apatrides. Notre situation était loin d'être atypique.
Ainsi débutent les mémoires d'Ivan Nabokov, éditeur de génie, homme cosmopolite aux mille vies dont le parcours épouse le XXème siècle, culturel et politique en France comme aux Etats-Unis.
Le nom de Nabokov est un pedigree. Ivan Nabokov, éditeur avant toute chose, est né dans le domaine des arts : son père Nicolas n’est autre que le fameux compositeur et c’est un de ses cousins, Vladimir, qui a écrit le célébrissime « Lolita ». Prince de par sa mère, issue d’une ligné d’aristocrates russes, il est né apatride en Alsace en 1932 suite à l’exil de ses parents pour cause de révolution et durant son enfance il va et vient un peu partout lui qui, au fil des ans, ne se sent nulle part et surtout pas venant de Russie.
Editeur de Nadine Gordimer, Mary Higgins Clark, Salman Rushdie, Toni Morrison, il livre ses mémoires sur un ton léger, volontairement extravagant et parfois allant même du coq à l’âne. Pourtant, l’épisode du milieu de l’édition représente à peine la moitié du livre, le personnage préférant porter un regard sur l’ensemble de son parcours, un regard lucide malgré la cécité qui l’a frappé à l’hiver de sa vie après moult problèmes oculaires. De ses vagabondages, il en tire une grande vitalité et la sincérité avec laquelle il évoque ses parents et autres membres de sa famille force la sympathie. Et davantage lorsqu’il évoque à maintes reprises sa femme Claude Joxe dont le père Louis a été ambassadeur à Moscou sous de Gaulle et son frère Pierre ministre sous Mitterrand. Les grandes familles forment la grande histoire…
Mais le plus savoureux dans ce récit sont les diverses anecdotes semées – on aimerait en lire davantage – comme des petits cailloux, progressivement et irrégulièrement comme pour activer la curiosité du lecteur. Etonnement en mode majeur opus 130 lorsqu’on apprend qu’il n’a pas lu tous les livres édités par ses soins – même si cela reste épisodique – pour ces quelques exceptions il s’est sans doute basé sur la notoriété pour proposer une traduction à sa maison d’éditions. Quelques autres révélations relativement croustillantes pimentent le récit – ah que j’aime ce voyage à Moscou effectué en 1980 - qui, toutefois, manque un peu de style littéraire. Mais d’aucuns préféreront sans aucun doute des mémoires qui s’éloignent d’une forme trop romancée.
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