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Ce n'était certainement pas dans la nature, ni dans l'esprit de Jean Paulhan (1884-1968) de tenir un journal intime ou littéraire : « Tu commences à peine et tu butes déjà, notait-il en s'adressant à lui-même le 15 décembre 1926. Il te semble déjà qu'un journal ne peut pas être tenu et essentiellement dans la disposition où tu es - que le vrai n'est pas ce que tu disais. » Pourtant, il laissa derrière lui carnets, cahiers et feuillets, écrits à diverses périodes cruciales ou douloureuses de sa vie : ces textes, qu'il avait partiellement relus peu avant sa mort, sont ici réunis dans leur intégralité chronologique. Autant sa correspondance actuellement en cours d'édition montre l'homme au travail, l'ami en action, le critique en éveil, le directeur littéraire en autorité, autant ces écrits intimes, qui vont de 1904 aux dernières années de Jean Paulhan, évoquent la sensibilité rêveuse du jeune étudiant en philosophie, la fascination pour le peuple malgache, les violentes inquiétudes du fiancé, du mari et du père, le refuge du soldat adultère dans la maladie, les doutes de l'écrivain et du linguiste, les « progrès en amour assez lents » et assez tard, les amitiés profondes pour des hommes - Fénéon, Groethuysen, Muselli - dont il parle comme de lui-même, enfin les souvenirs de son enfance nîmoise :
« Dès l'âge de dix ans, je crois, écrit-il en 1946, j'ai désiré devenir vieux. À quel âge, me demandais-je, cesse-t-on d'exiger d'un homme qu'il fasse des études, qu'il ait un métier et gagne sa vie, qu'il ait femme et enfants, qu'il coure les femmes, qu'il boive au café, et le reste. J'ai vieilli et je vois que je ne me trompais pas. Voici peut-être cinq ou six ans seulement que je me sens libre, et, oui, précisément heureux : d'un bonheur fondé (alors que mes joies d'enfant, plutôt rares, mais très vives, me paraissaient toujours inexplicables). Fondé, je veux simplement dire proche de moi, facile à rappeler. Je ne veux pas dire naturel. » Au coeur de ces textes autobiographiques rassemblés, où Jean Paulhan se cache autant qu'il se livre, se trouve l'une des clés de sa personnalité - clé liée à un profond secret, subi et contenu : « Aussi assidûment, aussi sagement que Breton à devenir fou, écrit-il le 22 octobre 1925, je me serai appliqué à cesser de l'être toute ma vie. »
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