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La Veilleuse des Solovki de Boris Chiriaev est l'oeuvre d'une vie. L'auteur a consacré vingt-cinq ans de son existence pour rédiger ce qu'il nomme une " chronique des temps de naufrage " de la Russie post-révolutionnaire.Chiriaev arrive aux Solovki en 1923. Le monastère de l'archipel Solovki, symbole du monachisme orthodoxe, était devenu, après 1917, un bagne au régime dur où régnait l'arbitraire. On assiste, avec Chiriaev, à la naissance du système concentrationnaire soviétique et du premier camp de travaux forcés. On découvre ainsi les balbutiements de ce qui allait devenir le symbole même de la répression bolchevique, car les autorités n'avaient pas encore compris les avantages économiques du travail forcé. En cela, le témoignage de Chiriaev est exemplaire ; les " maladresses " du début ont cédé la place, à partir de 1925, à un système d'extermination par les conditions de travail. 15 000 à 20 000 prisonniers vivaient aux Solovki et 10 000 y mourraient chaque année, de scorbut, de faim ou de typhus. La population y était mélangée, le clergé côtoyait l'intelligentsia ou les " droits communs "." Nous sommes aussi des hommes " est le chapitre le plus révélateur de l'état d'esprit de Chiriaev : des pièces de théâtre ou des journaux voient le jour dans ce bagne, car le travail intellectuel est " l'acte de l'esprit ". Chiriaev donne le premier rôle à l'homme qui, même dans les pires moments, peut rester un humain. Il souligne ainsi le caractère paradoxal du camp des Solovki dans les premières années de son existence : à la réalité terrible du bagne s'allie une extraordinaire effervescence intellectuelle et artistique encore possible ces années-là.Un autre chapitre, le plus surprenant, est consacré à l'épopée d'un village de " vieux croyants " isolés au milieu des forêts qui, rejetant le pouvoir soviétique, ont élu leur propre tsar et défendu leurs traditions avant de se retrouver aux Solovki.L'ouvrage a été publié pour la première fois en 1954 aux éditions Tchekhov à New York, en langue russe. Il n'est paru en Russie qu'en 2000, au monastère Sretenski de Moscou.
Avant la Kolyma, ce sont les Solovki qui ont été synonyme de souffrances et de mort pour les prisonniers du régime soviétique.
Les îles Solovki étaient occupées historiquement par des moines. Des exilés volontaires remplacés par des prisonniers, anciens officiers, nobles, prostituées, brigands.
Une société protéiforme, allant des privilégiés de l’ancienne Russie tsariste aux habitants des bas-fonds.
Boris Chiriaev, auteur de ce livre, a connu la déportation aux îles Solovki, et survécut.
Il a été déporté dans les premiers temps de l’institution carcérale. Lorsque l’ancienne intelligentsia n’avait pas encore été totalement décimée et se retrouvait dans cet ancien monastère. Donnant à cet emprisonnement des caractéristiques qui ne se retrouveront pas par la suite.
Chiriaev fait le choix de citer les moments où les prisonniers ont réussi à dépasser leur condition terrible pour conserver leur humanité : création d’une compagnie de théâtre ou d’un musée anti-religieux, meilleur moyen de préserver les reliques du monastère au nez et à la barbe des tchékistes.
On ne ressent que très partiellement l’effroi et les souffrances des hommes et des femmes à travers quelques allusions. Quelques scènes qui en sont, d’autant plus, poignantes.
L’auteur possède une grande foi, il donne donc à son récit un aspect religieux, une épreuve pour s’élever, comme un Golgotha.
Ce roman, passionnant, ne présente pas une structure narrative linéaire mais doit être envisagé comme une série d’instantanés fonctionnels, basés sur l’expérience de Chiriaev. Il n’est pas le mieux indiqué si le lecteur souhaite comprendre le mécanisme des Solovki mais offre une perspective originale de ce qu’a pu être une telle déportation, sur la façon dont les hommes et femmes ont pu transcender la souffrance.
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