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Un homme, appelons-le Off, tombe hors de sa vie, de son monde, de la société.
Il était scénariste, vivait avec sa femme et ses enfants jusqu'au jour où...
Et le voici recroquevillé dans les quelques mètres carrés de ce qui fut le garage à vélos de son immeuble, survivant de ses maigres droits d'auteur et cherchant désespérément à rompre son isolement.
Les relations qu'il tente de nouer, cocasses, tendres ou mélancoliques, ne font que creuser son sentiment d'absence à une collectivité qui s'affaire désormais sans lui.
Seul en ce monde, Off est une manière de Bartleby contemporain, attachant, invisible, universel.
Il n'a fallu que vingt-deux secondes à Off pour dégringoler de l'appartement du sixième étage qu'il occupait dans le bâtiment D et se retrouver "locataire" du local à vélos. Un local où il n'est éclairé que par intermittence, la seule lumière dont il dispose étant soumise à une minuterie commandée par les habitants de l'immeuble à leur passage.
Cette dégringolade de l'appartement au local à vélo est la métaphore, et la conséquence de la chute de Off, de son déclassement. Suite à un drame, ce scénariste si prometteur n'y arrive plus, ses commanditaires ne veulent plus de ces textes, il n'a plus ni femme ni enfants, il se retrouve seul, regardé de travers par tous les habitants de l'immeuble, et même par un chien. Il se sent inutile, passant ses journées à errer pour ne pas rester à se morfondre dans son gourbi
"En plus, grâce au chien, j'aurais une utilité sociale. Tirant sa laisse pour le plus grand bénéfice des locataires du bâtiment D, j'occuperais une place dans le fonctionnement des sociétés. Un an et quelques poussières mensuelles après avoir emménagé dans le local à bicyclettes, il serait peut-être bon qu'on parle de moi dans les étages; que je sois reconnu; qu'on m'estime; surtout, qu'un jour peut-être, on m'aime."
Off cherche à établir le contact avec ses voisins, avec ses anciens collègues, fournisseurs, mais rien à faire, tout le monde l'ignore, personne ne veut avoir à faire à de déclassé qu'on tolère mais auquel on ne veut surtout pas adresser la parole des fois que ce serait contagieux. N'ayant rien à faire, il passe son temps à errer physiquement et mentalement, à penser, à ressasser son passé, à tourner en rond. Il est résigné, vaincu. Il vit dans ses souvenirs.
"Le temps ayant joué son rôle de papier de verre, limé les aspérités les plus douloureuses, émondé ma mémoire des zébrures diurnes et nocturnes qui l'assaillaient en toutes circonstances , je suis aujourd'hui capable de me mouvoir à peu près normalement dans les ruelles de mes cités intérieures. Cela ne s'est pas fait sans souffrance."
La société est un roman d'une rare noirceur, d'une tristesse profonde, il reflette la cruauté de ce monde où tout est soumis à résultat, tout ce qui ne convient pas, ne donne pas satisfaction est jeté au rebut. Une société ou l'ignorance, le mépris frappent avec violence ces déclassés. L'aspect cruel et douloureux du roman est renforcé pas le style de Dan Franck, un style plein d'humour noir, parfois presque jubilatoire. Un roman dur à ne pas mettre entre toutes les mains, mieux vaut avoir le moral quand on le lit, mais un régal de lecture.
"Dans ma vie professionnelle, j'ai souvent tout confondu. Un petit appât suffisait à me faire croire que de l'amitié se glissait sous le tapis des bonnes manières. Hélas, une fois le service rendu et le plancher débarrassé, il ne restait plus des grandes claques dans le dos que la marque d'ecchymoses douloureuses."
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