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La vieille Taki raconte à son neveu ses années de service entre 1932 et 1944 dans la famille Hirai. Ce temps de bonheur commence quand l'adolescente quitte sa campagne pour s'occuper de la petite maison de style occidental que M. Hirai, sous-directeur d'une entreprise de jouets florissante, a fait construire à Tokyo pour sa femme Tokiko et le fils de cette dernière. Taki se rappelle avec ferveur son quotidien dans le foyer de Tokiko qu'elle assiste avec intelligence et finesse, tout en s'occupant du petit garçon. C'est à demi-mot qu'elle évoque l'amour platonique entre les époux puis les sentiments de sa patronne pour un jeune designer de la fabrique de jouets, Joji Itakura, tandis que l'on devine, sans qu'elle-même ne le formule, ses propres sentiments pour sa jeune patronne.
Le Japon attaque Pearl Harbor, Joji part à la guerre et la famille ne peut plus garder Taki qui retourne à la campagne. En 1946, la petite maison n'existe plus. Les deux femmes se sont revues là une seule fois, inoubliable. Après la mort de Taki, son neveu découvre les notes de sa tante et des dessins d'une maison au toit rouge qui ont fait le succès d'un artiste connu, un certain Itakura.
Kyoko Nakajima nous immerge dans une époque où s'épanouit une culture très vivante, mi-occidentale mi-japonaise, interrompue brutalement par la montée en puissance de l'armée puis par la guerre jusqu'au déclin de l'empire. La pudeur de l'écriture des sentiments, l'élégance de ce récit tout en finesse, très fortement attaché à la vie quotidienne et marqué d'une nostalgie douce-amère, et un épilogue inattendu en font un roman très émouvant.
Une dame d’âge respectable, Taki, rédige pour son neveu, les souvenirs de ses années de service passées chez dans la famille Hirai, un foyer de la bourgeoisie tokyoïte .Le maître de maison est sous-directeur d’une entreprise de jouets, passablement prospère .Il a fait construire récemment une maison à Tokyo pour son épouse, Tokiko, et le fils de celle-ci. Tout le récit du roman de Kyoko Nakajima est articulé autour du basculement incessant entre deux époques, celle des années 30 du Japon de l’entre deux-guerres, conquérant, impérialiste, mais où il fait bon vivre, où les mœurs sont stables, confinent à l’immobilité ; et le Japon des années soixante, celui de la croissance économique, d’une entrée dans le monde occidental, au moins en apparence …
Ainsi, la ,narratrice souligne-t-elle le temps que les maitresses de maison dignes de ce nom devaient passer à préparer le nouvel an, à peaufiner la préparation des mets, à la visite systématique de tous les voisins …Tâches perçues pourtant par Taki comme nobles, valorisantes .Dans le domaine de la perception de l’histoire de son pays , Taki, peut-être à l’instar d’une grande majorité de ses compatriotes revisite l’histoire de son pays d’une manière surprenante , qu’un observateur contemporain pourrait aisément qualifier de révisionniste .Le fils de son neveu,Takeshi, lui fait remarquer que le Japon faisait déjà la guerre en 1936 : »Mais , mémé, le Japon faisait déjà la guerre à cette époque-là, a-t-il rétorqué .J’ai essayé de lui dire que ce n’était pas encore la guerre , mais juste des incidents . »
La perception d’une époque est aussi très bien illustrée par l’auteure .Son héroïne , Taki, aime se rappeler l’enthousiasme qui régnait à Tokyo, provoqué par l’espoir de voir la candidature de Tokyo aux jeux olympiques acceptée .Il n’en fut rien , on le sait, et l’histoire a décalé cette joie de quelques décennies, les jeux étant enfin organisés en 1964 , année de naissance de l’auteure . Autre trait du roman intéressant : la possibilité pour les femmes d’une « troisième voie » , évoquée au cours d’un dialogue entre Tokiko et sa maîtresse de maison .Elle évoque le passage d’un roman d’une certaine Yoshiya Nobuko , une des premières femmes de lettres à avoir dévoiler publiquement son homosexualité .Une façon très indirecte de lui avouer la réalité de ses sentiments pour sa servante …
Roman attachant, centré sur les faits et gestes quotidiens de personnages de classes éloignées, et traversé par le filtre déformant de la nostalgie, ce qui ajoute à son charme.
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